Près de 11 600 m2 de bureaux pour l’ESA (Agence spatiale européenne), à Paris, des boutiques pour les cosmétiques bio Avril, un complexe d’escalade Arkose, à Boulogne-Billancourt, une maison à Minorque, une autre au Cap Ferret, la restructuration/extension du palais de justice de Meaux, la transformation de l’Académie Fratellini, à Saint-Denis, une halle de marché et des équipements publics à Cannes… mais qu’est-ce qui fait courir Atelier du Pont ? Réponse : l’enthousiasme doublé d’une volonté forte, celle de ne rien s’interdire.
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« Nous aimons le grand, mais aussi le petit », ainsi Anne- Cécile Comar et Philippe Croisier résument-ils leur façon singulière d’appréhender leur métier, qui a souvent tendance à dresser des limites franches entre les champs d’activité ou à cantonner les hommes de l’art dans ce qu’ils savent déjà faire. « Nous sommes architectes, architectes d’intérieur et designers. Nous nous sommes acharnés, c’est le mot, et avons saisi toutes les occasions de ne jamais nous laisser enfermer dans un seul type de commande », expliquent-ils.
Le tandem touche-à tout défend une approche globale qui se traduit par la diversité de la production, qu’elle soit d’échelle ou de programmes, auxquels Atelier du Pont consacre la même attention: « Nous abordons chaque projet en adoptant une attitude semblable, en refusant toute réponse prédéfinie. Chaque commande nous donne une chance d’explorer de nouvelles voies, des modalités inédites. »
Alors que l’architecture et l’architecture intérieure sont, le plus souvent, deux mondes qui se tiennent à distance, Atelier du Pont tire sa créativité de cette intrication, véritable rempart contre l’ennui. Une manière pour eux d’appréhender un chantier sous toutes ses coutures : urbanisme, architecture, architecture intérieure, mobilier, design, direction artistique ou encore space planning (l’optimisation de l’espace de travail d’une entreprise).
Petit laboratoire
Atelier du Pont est née en 1997, fondée par Anne-Cécile Comar, Philippe Croisier et Stéphane Pertusier, disparu prématurément en 2014. Depuis se sont agrégées des compétences multiples venues de tous horizons qui ont forgé l’approche globale du métier d’architecte devenue leur marque de fabrique. Cela ne s’est pas fait en un claquement de doigts.
Si l’agence possède aujourd’hui un pôle architecture intérieure à part entière, rien n’était prémédité : « C’est arrivé un peu par hasard. Notre premier projet était la galerie d’art contemporain Loevenbruck, à Paris, où nous avons pu aller loin dans le détail. » La synergie entre les deux pôles (architecture et architecture intérieure) infuse désormais toute l’agence, s’exprimant notamment par le biais du travail des matières et des matériaux.
En 2022, Atelier du Pont a déménagé après s’être lancée dans une folle aventure : la construction de leur propre lieu de travail. L’opportunité leur a été donnée d’acheter un terrain à deux pas du cimetière du Père- Lachaise, à Paris, au bout de l’impasse Lamier, dans le XIe arrondissement.
Ils y ont édifié un bâtiment tout en bois sur quatre niveaux : soit environ 1 000 m2. L’espace y est généreux et les possibilités d’appropriation, démultipliées. L’entrée, interface avec l’espace public, accueille les visiteurs, mais aussi des expositions, tandis qu’en contre-haut la cuisine est le point de ralliement des 45 collaborateurs de l’agence.
Au rez-de-chaussée et dans les étages, les espaces extérieurs sont nombreux. Dans ce bâtiment en U articulé autour d’un jardin, la structure est apparente ; il n’y a pas de faux plafond, mais des ventilateurs suspendus en guise de climatisation quand la surchauffe guette : une construction conçue dans un esprit low-tech, sans artifice.
L’ambiance y est « comme à la maison » et, contrairement à quantité de start-up, nul besoin d’y installer un baby-foot ou des consoles de jeux pour avoir l’air convivial. Ici, le luxe, ce sont l’espace, la lumière, le calme et la possibilité de prendre l’air à tout moment. Au travers de ce terrain d’expérimentation, l’agence interroge les nouveaux modes de travail et le vivre-ensemble.
L’endroit est leur meilleure carte de visite. Vitrine de leur savoir-faire, elle raconte leur façon de concevoir leur métier. Des pôles d’activité plutôt que des alignements d’ordinateurs sans fin, des espaces partagés, intérieurs, extérieurs, une organisation qui privilégie le travail collectif et qui laisse place à l’informel.
C’est, en outre, un lieu où l’on se sent bien et qui exprime cette approche globale, puisque, impasse Lamier, Atelier du Pont a absolument tout dessiné : le bâtiment, mais aussi le mobilier et l’agencement dans ses moindres détails.
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Une production éclectique
Atelier du Pont fait partie de ces agences nées au tournant du millénaire alors que personne ou presque ne parlait de la crise environnementale. À l’écoute du monde qui les entoure, ils envisagent ces enjeux écologiques non comme des contraintes, mais comme une nouvelle donne qui a permis de légitimer l’intérêt de construire en bois, d’utiliser le béton avec parcimonie ou encore de proposer des toitures plantées.
« Le réchauffement climatique nous pousse à nous remettre en question et à changer nos manières de bâtir, il nous conduit à travailler avec d’autres matériaux, crée des occasions que nous n’aurions pas imaginées il y a vingt-cinq ans. L’approche environnementale a replacé notre métier d’architecte au coeur de l’acte de construire », constatent-ils.
Parmi leurs derniers projets figure le siège de RATP Habitat, filiale immobilière sociale du groupe de transports publics parisiens. Ils ont imaginé un bâtiment- paysage ponctué de terrasses en gradins qui bouscule les codes désormais obsolètes de l’immeuble tertiaire d’avant la pandémie de Covid-19.
Cependant, ils ne croient pas à la mort du bureau, mais plutôt au fait d’offrir aux gens des lieux qui donnent envie d’y passer du temps. Ils viennent de terminer le bâtiment des services d’exploitation du parc et de la Grande Halle de la Villette, qui porte le nom de Kaplas, pensé en lien étroit avec les utilisateurs, dans une forme de dialogue qui permet de savoir pourquoi et pour qui on construit.Deux édifices qui, comme leur agence, célèbrent le bois, matériau pour lequel ils ont acquis une solide expertise.
À Minorque, ils ont imaginé un hôtel autosuffisant et écologique baptisé « Son Blanc » dans un site magnifique de 100 hectares, sauvage et préservé. Ils mènent actuellement pas moins de six projets dans le sud de la France, notamment le futur siège de France TV Côte d’Azur, à Nice, « Coeur de ville », à Cavalaire-sur-Mer (Var), qui vise à redynamiser le centre sur les traces de l’ancien stade municipal, et « La Calanque verte », l’extension d’une villa des années 70 sur le cap Bénat (Var). Des chantiers très différents, des échelles multiples, mais toujours le même investissement et une diversité à laquelle ils sont viscéralement attachés.
Demain ? « Nous espérons continuer à être surpris et à travailler sur une grande variété de projets. Nous ne pensions pas en être là aujourd’hui. Nous vivons une véritable aventure humaine auprès de notre équipe, impliquée et motivée. Nous sommes donc très curieux de ce qui va nous arriver par la suite. »
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