Dans l’appartement baroque de Joy Herro à Milan

Visite de la demeure inspirante de la designeuse fantasque.

Fondatrice de The Great Design Disaster avec l’architecte d’intérieur et galeriste Gregory Gatserelia, Joy Herro partage avec sa clientèle son expertise de l’art contemporain et du design, mais lui propose aussi de s’impliquer dans le processus de création. Un concept qui donne naissance à des pièces uniques comme celles ponctuant l’appartement de la designeuse.

C’est en 2017, lors d’un dîner à Beyrouth, au Liban, que Joy Herro et Gregory Gatserelia se sont rencontrés. « Gregory avait commandé des mezze et j’ai créé accidentellement une œuvre comestible en renversant la nourriture sur la table », se rappelle, amusée, la jeune femme.

Joy Herro est assise sur une chaise chinée aux puces. Commode Souffle d’un désert de Vincent Dubourg (2012). Miroir Deux Soleils signé Joy Herro.
Joy Herro est assise sur une chaise chinée aux puces. Commode Souffle d’un désert de Vincent Dubourg (2012). Miroir Deux Soleils signé Joy Herro. Helenio Barbetta
Dans l’entrée, portemanteau costumisé Sciangai, design De Pas, D’Urbino + Lomazzi (1973, Zanotta). Applique de Gregory Gatserelia réalisée pour l’ancien restaurant Cocteau, à Beyrouth. Miroir vintage. Console Demistella Half Moon, design Ettore Sottsass (Up & Up).
Dans l’entrée, portemanteau costumisé Sciangai, design De Pas, D’Urbino + Lomazzi (1973, Zanotta). Applique de Gregory Gatserelia réalisée pour l’ancien restaurant Cocteau, à Beyrouth. Miroir vintage. Console Demistella Half Moon, design Ettore Sottsass (Up & Up). Helenio Barbetta

Le gourmet est dépité, l’esthète ravie. De cette rencontre naîtra, en 2019, The Great Design Disaster (TGDD), dont l’objectif est de faire participer pleinement les collectionneurs et les particuliers à la conception de leurs objets.


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Dans le salon, table basse Artona, design Afra et Tobia Scarpa (1975, Maxalto), sur laquelle est posée la coupe Grande Alzata d’Alessandro Mendini (Venini). Sur la table d’appoint Multistrata, de Gregory Gatserelia, sculpture en papier mâché peint chinée. Fauteuil et canapé Artona, série « Africa », design Afra et Tobia Scarpa (1975, Maxalto). Pouf Triangular Bomb de Robert Stadler (Carpenters Workshop Gallery).
Dans le salon, table basse Artona, design Afra et Tobia Scarpa (1975, Maxalto), sur laquelle est posée la coupe Grande Alzata d’Alessandro Mendini (Venini). Sur la table d’appoint Multistrata, de Gregory Gatserelia, sculpture en papier mâché peint chinée. Fauteuil et canapé Artona, série « Africa », design Afra et Tobia Scarpa (1975, Maxalto). Pouf Triangular Bomb de Robert Stadler (Carpenters Workshop Gallery). Helenio Barbetta

« Nous sommes partis d’un constat : les gens ont de plus en plus tendance à accumuler de belles choses et à personnaliser leur environnement. Avec TGDD, on avait envie de revenir aux sources, à une ère préindustrielle où le prêt à l’emploi n’existait pas encore et où le sur-mesure était la règle. C’est exactement notre vocation : réaliser des œuvres qui correspondent à l’esprit et au sens esthétique de nos clients », expliquent les deux fondateurs.

Sculpture Candor Chasma Rim de Raquel Quevedo. Coupe à fruits Murmansk, signée Ettore Sottsass (Memphis Milano).
Sculpture Candor Chasma Rim de Raquel Quevedo. Coupe à fruits Murmansk, signée Ettore Sottsass (Memphis Milano). Helenio Barbetta

Née au Liban, Joy Herro quitte Beyrouth à l’âge de 22 ans pour s’installer à Rome où elle étudie le design de produits puis intègre différents cabinets d’architecture intérieure avant de gérer une galerie basée à Rome, spécialisée dans le design italien des années 50 à 70. Gregory Gatserelia est, lui, originaire de Géorgie, dans le Caucase. Il passe son enfance en France.

Côté salon, canapé Artona, série « Africa », design Afra et Tobia Scarpa (1975, Maxalto). Lampadaire Siluro, signé Angelo Lelli et Ettore Sottsass (1957, Arredoluce). Chaise chinée aux puces. Commode sculpture Souffle d’un désert de Vincent Dubourg (2012). Miroir Deux Soleils de Joy Herro.
Côté salon, canapé Artona, série « Africa », design Afra et Tobia Scarpa (1975, Maxalto). Lampadaire Siluro, signé Angelo Lelli et Ettore Sottsass (1957, Arredoluce). Chaise chinée aux puces. Commode sculpture Souffle d’un désert de Vincent Dubourg (2012). Miroir Deux Soleils de Joy Herro. Helenio Barbetta

Diplômé de l’Académie libanaise des beaux-arts, à Beyrouth, ce globe-trotteur entame sa carrière d’architecte d’intérieur dans les années 80 à Toronto, au Canada, où il fonde en 1985, avec son frère Alexander, Gatserelia Design. À la fin de la guerre civile libanaise, le designer et conseiller en art contemporain déménage son studio à Beyrouth où il multiplie avec succès les projets aux États-Unis, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. 

Table vintage. Chaises Plia de Giancarlo Piretti (1970, Castelli). Néon Sahten Habibi, design Gregory Gatserelia.
Table vintage. Chaises Plia de Giancarlo Piretti (1970, Castelli). Néon Sahten Habibi, design Gregory Gatserelia. Helenio Barbetta

Passionnée de design et d’art contemporain, la clientèle de TGDD vient pour l’essentiel de Londres, de Paris, de Dubai, de Beyrouth et de Marrakech. Depuis la première création – un vestibule recouvert de 10 000 carreaux en métal, travaillés un à un à la main –, une trentaine de projets ont été honorés.


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Dans le couloir, peinture numérique Catherine II par Florian Schneider (2003). Banc vintage série « Artona », design Afra et Tobia Scarpa (1975, Maxalto).
Dans le couloir, peinture numérique Catherine II par Florian Schneider (2003). Banc vintage série « Artona », design Afra et Tobia Scarpa (1975, Maxalto). Helenio Barbetta

« On a des demandes originales, d’autres plus classiques comme une table ou une console, mais ce n’est jamais simple. Il faut toujours s’assurer que la forme est adaptée au matériau ou vice versa, et si ce n’est pas le cas, on entre dans la phase de recherche. Quelquefois, les requêtes nécessitent une réalisation au centimètre près, ce qui peut se révéler compliqué en termes techniques avec certains matériaux, comme le verre de Murano », indique Joy Herro.

Dans la chambre, paravent vintage. Chaise en bronze de Karim Chaya (2015). Miroir Lipstick, design Roger Lecal (1970, Chabrières & Co).
Dans la chambre, paravent vintage. Chaise en bronze de Karim Chaya (2015). Miroir Lipstick, design Roger Lecal (1970, Chabrières & Co). Helenio Barbetta

« On s’est installé à Milan pour être au plus près des artisans, précise-t-elle. Je passe la majeure partie de mes journées dans leur atelier pour suivre le travail en cours. » Triée sur le volet, cette vingtaine de professionnels maîtrise aussi bien le travail du bois, du verre, du textile, du métal que du bronze.

Dans la chambre, au mur, œuvres Obelisk et Blackboard de Franco Angeli (1988). Meuble Bliard Créations (2005). Lampadaire chiné aux puces.
Dans la chambre, au mur, œuvres Obelisk et Blackboard de Franco Angeli (1988). Meuble Bliard Créations (2005). Lampadaire chiné aux puces. Helenio Barbetta

« Le désir du client déclenche tout le processus, explique la designer. Avec l’équipe de TGDD, nous l’aidons à exprimer sa vision à travers des dessins et des rendus 3D. Ensuite, nous choisissons avec l’artisan la meilleure option pour concrétiser l’idée initiale. Nos collaborateurs prennent en charge toutes les étapes : de l’estimation des coûts jusqu’au résultat définitif. Nous ne sommes pas dans un contexte industriel, aussi le cheminement est long. Mais c’est la beauté de l’expérience ! C’est une aventure de gestation affective, un peu comme une mère attend la venue de son bébé. » 

Dans la salle de bains, table d’appoint, design Fadi Mansour (2011).
Dans la salle de bains, table d’appoint, design Fadi Mansour (2011). Helenio Barbetta

Une fois n’est pas coutume, The Great Design Disaster vient de signer un tapis pour la galerie Nilufar. Et d’ici octobre, la plate-forme devrait inaugurer un espace à Milan. Une nouvelle étape qui confirme le succès du concept.  


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