Nina Yashar se plie au jeu du compromis et revient sur son esthétique exubérante et joyeuse, un doigt sur le pouls de la jeune création, en mode et en design.
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IDEAT : En 1979, votre galerie milanaise présentait du mobilier d’Alvar Aalto posé sur des tapis orientaux. Une définition forte mais claire du design. Votre vision a-t-elle évolué ?
Nina Yashar : Au début, je faisais très attention à l’aspect fonctionnel du design, à l’utilité. C’était un peu ma règle d’or. Mais le monde change et mon travail consiste à garder un œil sur les tendances et les préoccupations contemporaines. Il faut savoir s’adapter.
IDEAT : Est-ce pour cela que vous avez inauguré le gigantesque Nilufar Depot en 2015 ?
Nina Yashar : Il me permet de montrer des pièces monumentales, difficiles à placer dans un environnement domestique. Le lieu est pensé comme une institution où raconter des histoires importantes, comme celle de Lina Bo Bardi. J’expose aussi beaucoup de jeunes talents. En avril, le studio Objects of Common Interest, d’Eleni Petaloti et Leonidas Trampoukis, montre des travaux réalisés avec une formule de résine découverte récemment. Je suis toujours à la recherche de nouveautés, sinon je m’ennuie.
IDEAT : Vous avez avoué privilégier l’esthétique. C’est un parti pris que vous assumez toujours ?
Nina Yashar : Chez moi, les canapés sont sublimes, mais peu confortables ! J’ai la même approche avec les vêtements, mais cela ne concerne que moi ! En 2019, j’ai collaboré avec Valentina Ciuffi, du Studio Vedèt. L’exposition « Far » répondait à des considérations fonctionnelles, esthétiques et formelles. En tant que galeriste, je dois trouver un équilibre. C’est d’ailleurs un des points forts du projet présenté au Salon du meuble de Milan cette année.
La collection signée et produite par Nilufar pose la fonctionnalité sur un pied d’égalité avec l’esthétique et le confort : une première pour moi ! Gal Gaon a dessiné des fauteuils inspirés par des macarons. Il y a aussi des pièces de designers habitués de la galerie, comme David/Nicolas, Khaled El Mays et Filippo Carandini.
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IDEAT : En octobre, vous avez investi la boutique Modes, à Paris, avec du mobilier de Bethan Laura Wood, des vases de Flavie Audi et des sculptures d’Audrey Large.
Nina Yashar : Nous avons réalisé des associations chromatiques en harmonie avec les collections et produit des pièces, comme les immenses sculptures de Jonathan Trayte. La sélection de ces personnalités est toujours intéressante, car leur point de vue est très singulier.
IDEAT : Vos liens avec la mode remontent à 2013, au pop-up Spot. Vous aviez créé des rideaux à partir de tissus Prada de 2004, abolissant la frontière entre prêt-à-porter et décoration.
Nina Yashar : La mode a souvent été en avance sur son temps, proposant des idées radicales que le monde de la déco finit par adopter. Miuccia Prada, qui est une amie, a accepté de me prêter des étoffes, que nous avons juxtaposées avec un tapis français des années 40, un luminaire d’Archimede Seguso et un canapé de Carl Malmsten.
IDEAT : De nombreuses maisons de couture se sont mises à éditer des objets de décoration.
Nina Yashar : Les marques ont compris l’importance de nos lieux de vie, surtout pendant la pandémie. C’est aussi un moyen d’étendre leur présence. Les deux mondes évoluent désormais à la même vitesse, main dans la main.
IDEAT : Peut-on vraiment fusionner les disciplines sans perdre son identité ?
Nina Yashar : La collection « Screenshot », née de la collaboration entre le designer Martino Gamper, la photographe Brigitte Niedermair et la marque de tissus Dedar, avec laquelle je travaille depuis des années, est un bon exemple de cette perméabilité réussie. J’avais adoré leurs tableaux en tissu, aux motifs inspirés par des images d’œuvres d’art iconiques récupérées sur Internet. Ensemble, nous avons étendu le projet pour proposer du mobilier et des rideaux ainsi qu’un tapis, que j’ai édité.
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