David / Nicolas, un rétrofuturisme inspiré

Tout le monde s'arrache aujourd’hui ces deux jeunes designers et architectes d’intérieur libanais. Rencontre.

La page d’accueil du site de David Raffoul et Nicolas Moussalem a beau afficher : « Si vous êtes curieux de savoir ce que nous passons en ce moment en boucle dans notre studio, jetez un œil à notre playlist sur Spotify. (…) Et suivez-nous sur Instagram pour en apprendre plus sur nos sources d’inspiration et nos derniers projets », nous n’avons pas résisté à l’envie d’interroger directement le duo David / Nicolas.

David / Nicolas, un charme sans pareil

Nicolas Moussalem et David Raffoul, pour qui « la perfection est dans l’imperfection ».
Nicolas Moussalem et David Raffoul, pour qui « la perfection est dans l’imperfection ». Marco Pinarelli

En 2011, David Raffoul et Nicolas Moussalem établissaient le studio David/Nicolas à Beyrouth. Depuis, le duo de designers et d’architectes d’intérieur libanais séduit autant les galeries de design de collection – comme la Carpenters Workshop Gallery, qui a exposé les éditions limitées de leur collection « Constellation » –, que des éditeurs – comme Tacchini, avec le système modulaire d’assises « Victoria », Pierre Frey, avec la gamme « Verso », ou CC-tapis, avec les tapis « Plasterworks » –, sans compter nombre de clients privés. Situé au cœur du quartier de Mar Mikhael – ce hub pour créatifs ravagé par l’explosion du 4 août 2020 –, leur bel espace de la rue Pharaon, à proximité immédiate du port, a été en grande partie détruit. Il est dorénavant reconstruit, notamment grâce à House of Today, ONG et plate-forme qui éclaire le design libanais et accompagne le tandem depuis ses débuts.

À l’aube de 2022, tous deux s’apprêtent à ouvrir, après Beyrouth, à Milan, ville où l’un et l’autre viennent de s’installer, leur second bureau. Ce qui n’empêche pas David, comme un poisson dans l’eau en Italie depuis son passage à la Fabrica, l’école-laboratoire fondée par Benetton près de Trévise, de préciser : « Nous continuerons évidemment toujours à faire des allers-retours chaque mois à Beyrouth, car nous vivons vraiment entre les deux pays. On ne peut pas quitter le Liban, d’autant que nous y avons une super équipe de quatre personnes qui travaille avec nous là-bas. Nous avons besoin d’être là pour eux. »

Les assises modulables de la gamme « Verso » pour Pierre Frey.
Les assises modulables de la gamme « Verso » pour Pierre Frey. DR

À la recherche de liberté

Le flagship-store de Carine Gilson, à Bruxelles.
Le flagship-store de Carine Gilson, à Bruxelles. Frederik Vercruysse

La fluidité avec laquelle le duo navigue d’une ville à l’autre, mais aussi, au gré des projets, de Paris à New York ou à Riyad, entre autres, atteste d’un nomadisme cultivé. Autant géographique que temporel, celui-ci les pousse à aller piocher des détails esthétiques ainsi que la quintessence des attitudes lifestyle dans les décennies passées. Ce qui explique sans doute pourquoi, à leurs débuts, ils qualifiaient eux-mêmes leur style de « rétrofuturiste ». Ce scan des années 40 aux années 70, voire 80, et cette transculturalité Est-Ouest qui traverse leurs créations traduisent un non-cloisonnement, une liberté d’inspiration résolument milléniale.

Un mélange de matières

« Victoria », un système modulaire d’assises pour Tacchini, a remporté en 2021 l’Archiproducts Design Awards.
« Victoria », un système modulaire d’assises pour Tacchini, a remporté en 2021 l’Archiproducts Design Awards. DR

Parmi leurs dernières réalisations d’architecture intérieure, il faut bien sûr citer la résidence ANM, un appartement situé dans l’immeuble Beirut Terraces, signé Herzog & de Meuron, pour lequel ils ont créé de magnifiques boiseries et qui ne cesse, à juste titre, d’être partagé dans les médias et sur Instagram. Si le bois, associé ou non au laiton ou au travertin, est très présent dans leur vocabulaire esthétique depuis toujours, il s’impose ici avec une nouvelle force créative. « Le bois vit avec le temps et possède une très grande versatilité. Nos deux derniers projets d’aménagement en sont une excellente illustration. Dans l’appartement des Beirut Terraces, ce matériau est très travaillé par des artisans locaux, tandis que dans l’Orsonero Coffee at Meta, à Milan, un espace très simple pour lequel le budget était plus restreint, nous avons simplement joué avec la monocouleur du bois des panneaux », expliquent-ils.

Pour le duo, c’est une certitude : « Les projets d’architecture intérieure sont essentiels, car ils nous poussent à imaginer de nouvelles pièces de design. Nous aménageons actuellement un autre appartement à Beyrouth pour lequel nous dessinons tout un système mural, du mobilier, ainsi qu’un escalier, ce qui, à nos yeux, constitue un véritable point de rencontre entre l’architecture et le mobilier. » Une rencontre qui s’est aussi concrétisée dans l’aménagement des ascenseurs de la société Mitsulift. Et c’est avec une franchise rafraîchissante que s’impose cette conclusion : « Lorsque l’on travaille pour un client qui est très impliqué, cela suppose parfois de laisser aller. Ce n’est pas évident, mais nous croyons de plus en plus aujourd’hui que la perfection est dans l’imperfection, donc finalement cela nous va très bien. »

Le projet «META x Orsonero», un coffee shop situé à Milan.
Le projet «META x Orsonero», un coffee shop situé à Milan. Federico Torra

Les inspirations de David / Nicolas

Un musée 

«Depuis toujours, le Musée national de Beyrouth. Mais nous avons récemment adoré le Grand Musée égyptien du Caire, il est extraordinaire.»

Un livre 

«Celui qui nous avait tant inspirés pour notre première exposition : Les Identités meurtrières d’Amin Maalouf.»

Une couleur

«Le rouge.»

Un café 

David : «J’aimerais tellement dire Papercup (un café-librairie situé dans la même rue que leur studio de Mar Mikhael, à Beyrouth, détruit par l’explosion du 4 août 2020, NDLR), même s’il n’est plus là. C’était vraiment notre café préféré.»

Un designer

Nicolas : «Pierre Chareau.»

David : «Marc Newson.»

Une ville

«Beyrouth.»

> davidandnicolas.com