L’histoire débute à la fin des années 1950. Jean Monnet, le père de l’Europe, a convaincu son ami, le marchand d’art Louis Carré, de construire sa maison à proximité de sa propre demeure de Bazoches-sur-Guyonne (Yvelines). Ami de Le Corbusier, Louis Carré préfère faire néanmoins appel à Aalto, qu’il a rencontré à la Biennale de Venise en 1956 et à qui il donne carte blanche. Ce dernier part se promener une journée entière près de sa cabane perdue dans la campagne finlandaise et, à son retour, dessine d’une traite les plans de ce qui deviendra la Maison Louis Carré.
Surplombée d’un toit oblique de 400 m2, la bâtisse épouse la pente naturelle du terrain avec ses volumes imbriqués. Tout y est conçu pour mettre en valeur l’incroyable collection de tableaux du maître de maison. A la demande de Louis Carré, les matériaux utilisés (pierre de Chartres et ardoise) sont nobles. Aalto dessine également tout le mobilier et les lampes, en s’inspirant du travail du Danois Poul Henningsen. Avec son éclairage ultra-directionnel, la suspension Myrtille, toujours éditée par Artek, est ainsi créée spécialement pour la maison. Quant aux tapis, c’est sa femme qui les dessine.
Louis Carré vit ici jusqu’en 1977 et sa veuve jusqu’en 2002. Quand la maison est finalement mise en vente par leurs héritiers, elle est rachetée par la Fondation pour la culture finlandaise qui en confie la gestion à une association, présidée par Asdis Olafsdottir, une spécialiste d’Aalto. Si la maison a été vidée de ses inestimables œuvres d’art, la quasi intégralité du mobilier et des lampes est restée sur place.
Durant tout l’été 2020, la Maison Louis Carré accueille le public (sur réservation) à l’occasion de l’accrochage d’œuvres d’artistes finlandais baptisé « Call to the Wild », qui rapproche cette maison-cimaise de sa vocation originelle. Pour réaffirmer son lien avec la culture nordique, cet appel de la Nature orchestré avec l’Institut culturel finlandais et la galerie bruxelloise Spazio Nobile est centrée autour de l’ésotérisme cultivé dans ce pays.
Elle montre le travail de trois artistes, chacun spécialisé dans un médium différent, réparties dans toutes les pièces de la maison. Les tapisseries de Kustaa Saksi égayent ainsi la salle à manger et le salon de leurs motifs entre figuration et abstraction. Les formes organiques des sculptures en verre de Laura Laine répondent aux lignes rigoureuses de la chambre et de la bibliothèque. Quant aux statues anthropomorphes de Kim Simonsson, elles imposent leur présence surnaturelle à différents endroits, dont le sauna. Une façon de redonner vie aux murs de cette architecture iconique avec de l’art contemporain, une de ses composantes essentielles depuis les origines.
> « Call to the Wild » à la Maison Louis Carré. 2, chemin du Saint-Sacrement, 78490 Bazoches-sur-Guyonne. Tél. : 01 34 86 79 63. Jusqu’au 29 novembre 2020.