Nous offrir le ciel, Air France sait faire depuis quatre-vingt-dix ans. Certes, il y a eu des hauts et des bas depuis son inauguration, en 1933. La compagnie a connu son âge d’or en 1960, quand les premiers jets à destination de New York avaient tout de l’hôtel volant au luxe inouï avec, déjà, cabines privées et fauteuils-couchettes. Mais elle a aussi frôlé la faillite après la guerre du Golfe, en 2004.
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Air France : l’expérience de l’exclusif
Depuis la refonte et de nouveaux partenariats, Air France-KLM affiche à nouveau un trafic record. Ses résultats lui donnent des ailes au point d’annoncer des embauches (de pilotes, par exemple) et de fêter son anniversaire en grande pompe. L’occasion pour nous de grimper sur la passerelle pour une vue panoramique entre passé et futur au travers de son patrimoine foisonnant et souvent innovant.
Qui n’a pas eu un cocorico au cœur, quelque part dans le monde, en repérant sur la piste l’hippocampe ailé dessiné sur la proue (« la crevette », comme l’appelle le personnel navigant) ? Dans sa version récente dite « au fil », il symbolise l’univers La Première, l’expérience de voyage la plus exclusive de la compagnie aérienne. Ses salons, et ceux de la classe Business, sont signés par des designers et des architectes de renom international, et le service y a tout du palace.
À l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle, certains ont peut-être eu la chance de découvrir le salon La Première au décor rouge et blanc de l’architecte Didier Lefort (2010), ou, au terminal 2E, dans le hall M, l’espace Business de Noé Duchaufour-Lawrance, imaginé avec Brandimage tel un parc en rupture avec l’ambiance de l’aéroport (2012). Le bar (hall L) magnifié par Mathieu Lehanneur donne quant à lui la sensation d’un balcon tout en courbes face à la skyline des pistes, tandis que le salon du terminal 2F, pensé par le studio Jouin Manku (en 2021), offre un aperçu délicat de l’art de voyager à la française. On retiendra aussi Jean-Marie Massaud, qui a signé les arts de la table de La Première et de la Business. Cette envolée vers toujours plus de confort n’est pas finie.
« Depuis quatre-vingt-dix ans, Air France se préoccupe de la montée en élégance de ses cabines », explique Véronique Jeanclerc, directrice architecture et design, expérience client sol et salon d’Air France. « Nous renouvelons actuellement notre flotte avec des Airbus A350 et A220 sur les longs, moyens et courts-courriers. Le niveau de confort y est optimum, comme ce siège Business équipé d’une porte coulissante pour améliorer l’intimité du passager. La Premium Economy dispose d’un siège avec position relax du dossier qui s’incline largement – les assises sont aussi remplacées sur les appareils plus anciens. Pour La Première, une cabine inédite sera dévoilée cette année. Enfin, nous voulons accompagner nos clients de A à Z et nous testons, à Paris, un service de prise en charge des bagages, au domicile ou dans des hôtels sélectionnés, qui seront ensuite enregistrés, pour toute personne qui le demande. »
Art embarqué et goût français
Cette quête incessante du chic a débuté en 1950 avec Jean Prouvé et Charlotte Perriand, chargés de construire l’unité d’habitation du personnel Air France à Brazzaville, au Congo. L’architecte et designeuse signera aussi les agences de Paris, Tokyo, Londres aux décors stylisés : photos, dômes vitrés, meubles écrans, rangements… Pendant ce temps, Raymond Loewy, inventeur de logos célèbres (Lu, Shell ou New Man), aménage l’intérieur des avions Super Constellation.
En 1976, Air France revient vers Charlotte Perriand et lui confie la première version du Concorde, reliant Paris et New York en 3h30 : décor du salon d’accueil à Paris-Charles de Gaulle, fauteuils Le Corbusier, cabine aux sièges colorés, éclairage, vaisselle et plateaux-repas.
Prendre l’avion dans les années 60-70 est un privilège réservé à une élite habituée au luxe, si bien que les bars des Boeing 707 s’ornent de toiles de maîtres et de tapisseries d’Aubusson aux motifs signés Sonia Delaunay, Camille Hilaire, Georges Mathieu, Pierre Soulages ou encore Alfred Manessier. De nos jours, les salons La Première exposent des pièces prestigieuses dont, dernièrement, une œuvre en bronze de Gérard Garouste.
Fin des années 70, Pierre Gautier-Delaye rénove les soixante-dix agences, dont celle des Champs-Élysées où il ajoute un bandeau en acier inoxydable qui fera date. Il impose les portes à ouverture automatique, les comptoirs de vente alignés sur des marches surélevées ou les planchers colorés. Il aménage le Boeing 747 – qui coïncide avec la démocratisation du transport aérien – et redonne des couleurs au Concorde entre 1985 et 1988, avec le rouge tulipe, le bleu et le beige.
Puis, toujours pour le Concorde, en 1994, Andrée Putman rafraîchit le sol d’une moquette géométrique noire et blanche et propose un plateau-repas en carton ondulé-plissé. La gastronomie n’est pas un détail, en témoigne la carte des menus dessinée par Pierre Alechinsky, Zao Wou-Ki ou Christian Lacroix. Loin des sandwichs spartiates des années 40, les mets sont conçus par des chefs de renom depuis 1973, puis mis au point par la filiale Servair pour 55 millions de voyageurs. Des étoilés tels qu’Anne-Sophie Pic régalent les passagers de La Première et de la Business.
Les autres cabines sont mises en appétit par des chefs régionaux soucieux de pêche durable et de produits locaux tandis que, et c’est unique au monde, du champagne est offert à chaque voyageur sur les longs-courriers.
L’uniforme couture
À bord des avions, hôtesses de l’air et stewards à la silhouette impeccable s’activent aujourd’hui dans leur uniforme reconnaissable entre mille, imaginé par Christian Lacroix. Là encore, le mythique vestiaire du personnel navigant a évolué au fil des modes, depuis les tenues militaires sévères de 1933, jusqu’au dressing aérien des décennies suivantes confié à Dior, Cristobal Balenciaga, Nina Ricci, Jean Patou et autres grandes maisons.
Les clichés d’hier détaillent les tailleurs marine, puis blancs, roses, sable, ciel ou tricolores, boutonnés, à motifs ou unis, en coton ou en laine, et le nœud à la taille conservé comme un trésor.
Ces images dévoilent également les bibis improbables des hôtesses de l’air : toques, bérets, tambourins, calots, képis et foulards coiffent ces sculptures de cheveux laqués d’où nulle mèche folle ne peut s’échapper. Les photographies de Karl Hab (qui est aussi ingénieur aéronautique!) sont un formidable moyen de revivre ces années-là. Elles viennent d’être réunies dans un bel ouvrage, à feuilleter comme on voyage… dans le temps.
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