Rendez-vous à Paris, XVe arrondissement, au coin de l’avenue Émile-Zola et de la rue Violet, là où le quartier a du caractère. Pour preuve, l’église toute proche est classée monument historique… Si les façades sont haussmanniennes, les environs ont longtemps été industriels. Le centre d’affaires Biome occupe la place d’une ancienne chocolaterie. « Les usines Citroën n’étaient pas loin », rappelle le designer Patrick Jouin, menant la visite de concert avec son associé, l’architecte Sanjit Manku.
Un bâtiment intemporel
À cet emplacement s’élevait un bâtiment sixties d’Henry Pottier et de Raymond Lopez, des architectes lauréats du prix de Rome, connus comme auteurs du Front de Seine. Ce premier édifice a été conservé, mais sa façade a été redessinée. Le quartier s’y reflète aujourd’hui de manière diffractée. Sous nos pieds s’enfonçait un grand parking de bus. Seuls les poteaux ont été gardés. Désormais en intérieur, ils rythment une belle hauteur sous plafond. L’agence Jouin Manku y a fait entrer un maximum de lumière naturelle.
L’idée est ensuite venue de construire un second bâtiment attenant, tronconique. Des accès ont été installés en sous-sol ainsi qu’une série de passerelles à chaque étage. Ce deuxième immeuble est en fait un exosquelette. Réalisé par l’entreprise française de construction de bâtiments Bouygues, c’est un tour de force technique qui a l’avantage de libérer de l’espace sur les plateaux de bureaux. L’usager ou le visiteur s’y sent protégé tout en bénéficiant de balcons offrant une vue à 360° jusqu’à la tour Eiffel.
Un défi environnemental
Sanjit Manku, architecte, et Patrick Jouin, designer, travaillent à quatre mains, mais pas de la même manière. Ils ont été contactés pour ce chantier en 2017, quand la Société foncière lyonnaise (SFL) a racheté le siège du groupe d’assurance SMABTP.
À ce moment-là, ils ont été invités à venir y réfléchir et ont, pour ce faire, rencontré l’architecte Yrieix Martineau, déjà sur le projet. Avec leur profil atypique, ils auraient pu détonner. « C’est peut-être parce que nous refusons de mettre des limites entre ce que nous savons faire et ce qui peut bien fonctionner », explique Patrick Jouin.
Qu’il s’agisse de conception architecturale, d’architecture intérieure ou de direction artistique, Patrick Jouin qualifie leur mission d’aussi « complexe que complète ». Sanjit Manku la détaille : « En général, pour qui travaille dans un lieu ouvert, il y a besoin de place pour pouvoir s’isoler, d’où la nécessité d’avoir de l’espace. Mais comment faire plus de pièces sans abîmer ces grands volumes intérieurs ? Il a fallu réfléchir, en partant du premier immeuble, à ce qu’allait être la vie des utilisateurs. Sur ce site, il y a heureusement beaucoup de surface pour un immense jardin, une sorte de petit parc au centre de Paris. C’est une idée du tout début du projet. »
Le hall du second bâtiment du centre d’affaires Biome donne sur un autre jardin extérieur, en contrebas, orné d’un très bel arbre. Au total, quatre jardins ont été créés. Parallèlement, l’« étendard technique » porté avec panache par le bâtiment sixties flotte toujours ! Les éléments de l’exosquelette ont, par exemple, été moulés sur place, sur mesure. Chaque moule a été modélisé à distance, fabriqué au laser et installé dans sa position exacte et définitive.
L’agence Jouin Manku, réputée pour son intervention dans les établissements du chef Alain Ducasse ou à l’hôtel La Mamounia, à Marrakech, a construit en sous-sol de Biome un beau restaurant, comme le fond d’une piscine qui aurait vue sur le ciel, très évocatrice de l’univers carrelé chic du réalisateur américain Wes Anderson.