Ce 30 mètres carrés dans la ville rose doit sa rénovation vertueuse à la carte blanche offerte par ses propriétaires à l’Atelier Cécile Derrien. Fondé en 2015, il y a mis en exergue sa longue connaissance en recherche et en expérimentation de nouveaux matériaux, qu’ils proviennent de l’artisanat, du réemploi ou de l’économie des ressources. « Pour y arriver, nous associons étroitement les différents corps de métier – ébénistes, mosaïstes, maîtres verriers, etc. – à nos projets », explique Cécile Derrien.
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Nouvelle esthétique écoresponsable
Elle n’en est pas à son premier coup d’essai puisqu’elle a notamment relooké les boutiques Boucheron sous un prisme écoresponsable, tout en respectant la rigueur technique et esthétique associée à la charte du joaillier. « Mon idée est de renouveler l’esprit de l’architecture intérieure en ne transigeant pas sur la beauté. Ce principe a été appliqué à cet appartement en lui donnant une autre dimension visuelle », professe-t-elle encore.

Les questions écologiques ont ainsi porté sur la conservation de l’existant – comme les anciennes fenêtres changées en verrière par un artisan –, l’emploi de matières naturelles et locales, ainsi que l’achat sur des sites spécialisés de mobilier d’occasion qui retrouve une seconde jeunesse entre les mains des ébénistes.
Quant aux rebuts de démolition de l’appartement, retour à la circulation par leur mise en vente sur Cycle Up. « Nous chinons énormément pour enrichir nos stocks et aussi en cours de chantier. Sur celui-ci, nous avons trouvé les carrelages chez Maison Carrelle, spécialiste du réemploi et des fins de stocks, à Toulouse, les tissus et la cuisine sur Le boncoin ou sur d’autres chantiers. »

Ces recherches prennent un temps fou, sans compter leur valorisation et leur mise en œuvre sur mesure pour coller à l’agencement prévu. Ainsi, la cuisine achetée en seconde main étant trop grande, un artisan l’a désossée puis a recomposé les caissons aux bonnes dimensions, le surplus étant réemployé dans la salle de bains.
« Prix de la matière première : 100 €, alors qu’il faut compter environ 150 € pour un simple tiroir neuf et sa quincaillerie de marque. Le coût repose sur l’acheminement et le travail de l’artisan qui a plaqué sur de l’ancien une finition neuve dénichée dans des fins de stocks. Le bois du comptoir, banal à l’origine, a été fumé en cohérence avec l’esthétique désirée. Pour cette pièce, on a dépensé 2 500 €. Un montant bien moins onéreux que du neuf », résume Cécile Derrien, qui réduit au maximum les échanges par e-mails très chronophages avec ses clients.

« En revanche, nous préparons en amont et en détail les plans d’architecture, la liste des possibilités – puisque nous chinons, il faut s’adapter –, la quantification exacte des besoins (tiroirs, équipements ménagers…) qui seront réévalués au fur et à mesure. Cette efficacité nous permet d’être très présents auprès des corps de métier et sur le chantier. »
Un travail d’équipe
Avec Hélène Quatrefages, sa précieuse cheffe d’équipe, elles ajustent systématiquement leurs propositions décoratives au budget et aux éléments sourcés, cultivant souplesse, audace et débrouillardise. Par exemple, une fois le plancher en stratifié retiré, une simple dalle de béton a été coulée, puis finement poncée et cirée.

Ce choix économique, pour un effet brut assumé quasi invisible, permet aussi à l’œil de se poser plutôt sur les éléments esthétiques tels que des verres de couleur – réutilisés, cela va sans dire –, qui apportent leur gaieté lumineuse. « Sur ce projet, nous avons même prescrit l’électroménager écoresponsable et les matelas retravaillés et retapissés issus de l’économie solidaire et sociale trouvés chez Écomatelas ! »
Cette parcimonie bien pensée a permis de petits plaisirs, dont les poignées de porte en céramique signées Emmanuelle Arnaud pour l’Atelier Cécile Derrien, la vasque de salle de bains également en céramique ainsi que les voilages peints de fresques par l’architecte d’intérieur, leurs ombres portées rappelant les arbres environnants.

Enfin, l’espace 100 % upcyclé s’enorgueillit du fauteuil Nobody’s Perfect (2003), de Gaetano Pesce, d’une pièce en céramique signée Thaïs Loret et de la vitrine chinée et customisée par Cécile Derrien. Mettre la main à la pâte, l’ingrédient principal de cette recette unique…
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