Passion cabane : luxe planqué, nature retrouvée

Refuge de l’enfance, symbole de liberté et de reconnexion à la nature, la cabane inspire aujourd’hui hôteliers, architectes et décorateurs. Ces micro-architectures tantôt simples, tantôt sophistiquées s’imposent comme un art de vivre. Il est temps de s’encabaner !

Entre cabanes perchées et lodges écoresponsables, l’hôtellerie de plein air réinvente un mythe universel. Plus qu’un simple hébergement, la cabane devient le symbole d’un luxe sensible, entre confort, nature et retour à l’essentiel.


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La cabane : une parenthèse de simplicité

Qui n’a jamais rêvé, enfant, de construire sa propre cabane ? Un abri secret, niché entre ciel et terre, où l’on pourrait échapper au monde adulte et recréer un territoire intime. Cet imaginaire collectif, longtemps cantonné à l’enfance, séduit aujourd’hui des adultes en quête de déconnexion, de liberté et de nature. « C’est le côté simple de la cabane qui fait rêver. On se dit : « je peux le faire » », raconte la décoratrice et illustratrice Zoé de Las Cases, qui a dessiné et fait construire sa propre cabane au bord d’un étang en Normandie, là où elle vit. Un projet modeste, « du bois de récup’ et un budget d’environ 2000 euros », mais porteur d’un idéal : revenir à l’essentiel sans renoncer à l’esthétique.

Zoé de Las Cases, qui a dessiné et fait construire sa propre cabane au bord d’un étang en Normandie, là où elle vit.
Zoé de Las Cases, qui a dessiné et fait construire sa propre cabane au bord d’un étang en Normandie, là où elle vit. DR

Cet attrait pour la cabane s’est amplifié ces dernières années, renforcé par le besoin d’évasion que la crise sanitaire a révélé. « On était assoiffés de voir autre chose que le mur d’en face, se souvient Charline Gerbault, autrice du guide Passion Cabanes (chez Elytis). Dès qu’on a eu l’autorisation de quitter Paris, nous sommes partis très vite en forêt avec notre van. »

Avec son compagnon photographe, elle a sillonné la France à la recherche de cabanes singulières, des plus rustiques aux plus confortables. « La cabane est devenue notre fil rouge, un refuge extérieur à la vie quotidienne. Elle offre un luxe émotionnel, celui du retour à la simplicité. Nous avons expérimenté un très large panel, une micro cabane à 35 euros la nuit et des lieux ultra confortables, si ce n’est luxueux, avec jacuzzi. »

«À travers ce guide, j’ai voulu offrir à chacun l’opportunité de trouver un refuge, un endroit où ralentir et se reconnecter à l’essentiel », explique Charline Gerbault, autrice de « Passion cabanes ».
«À travers ce guide, j’ai voulu offrir à chacun l’opportunité de trouver un refuge, un endroit où ralentir et se reconnecter à l’essentiel », explique Charline Gerbault, autrice de « Passion cabanes ».

Cette diversité de formats répond à une réalité : une partie de la clientèle urbaine, souvent bourgeoise, aspire à la nature, sans pour autant être prête à renoncer à un certain niveau de confort. « Ils ont besoin de conserver leurs acquis avant de pouvoir envisager quelque chose de plus rudimentaire, plus rustique », observe Charline Gerbault. Ce glissement progressif, du bien-être standardisé vers un confort plus sobre, traduit une évolution des attentes, mais aussi une véritable philosophie de vie, à rebours de la démesure.

De la simplicité rustique à l’architecture contemporaine : la montée en gamme de la cabane

Si la cabane conserve son aura de bricolage poétique, elle s’est aussi métamorphosée sous l’impulsion des hôteliers et des architectes. Des acteurs comme Loire Valley Lodge, 48° Nord, Coucoo, Youza, Slow Village ou encore Collection Rivages ont transformé l’abri rudimentaire en micro-architecture design et désirable. Mais avant cette nouvelle vague de cabanes haut de gamme, certains pionniers avaient déjà posé les jalons d’une autre façon de vivre les vacances, entre nature et dépouillement.

Charline Gerbault, autrice de « Passion cabanes » a répertorié 100 cabanes dans toute la France, testées et approuvées par elle et sa famille.
Charline Gerbault, autrice de « Passion cabanes » a répertorié 100 cabanes dans toute la France, testées et approuvées par elle et sa famille.

Précurseur du tourisme de plein air en France, le CO de Calvi, fondé en 1948, a de longue date exploré cet imaginaire. Ses cabanes en bois sous la pinède avec vue imprenable sur la baie corse proposent une expérience authentique et rustique, fidèle à l’esprit du camping sauvage. Certaines ont été modernisées, grâce à l’ajout de sanitaires et de douches privatifs, tandis que d’autres conservent le charme d’antan à travers des installations communes. Ce mélange d’héritage et d’évolution incarne parfaitement la tendance : préserver l’esprit cabane tout en répondant aux attentes de l’époque.

Cet envie de frisson de vie sauvage n’a pas échappé à un ancien opérateur de camping traditionnel, Collection Rivages, qui a repensé ses sites en réduisant leur densité pour privilégier l’éclosion de folies, beach houses et cabanes en bois intégrées dans leur environnement.

« Chaque habitat dialogue avec le site : marais salants, gorges, arrière-plages…, explique l’architecte du groupe, Roman Penigaud. Notre démarche s’inscrit dans le régionalisme critique, où l’architecture respecte les paysages tout en proposant des formes contemporaines. À Rive d’Arc, par exemple, nous avons travaillé sur la question du bâti sur pilotis, en référence aux constructions traditionnelles des bords de rivière. À Quiberon, nous avons cherché une résonance formelle avec le cap granitique situé en face, en imaginant un jeu de toitures pentues, comme autant de pointes rocheuses. L’idée est de ne pas imposer un produit standardisé, mais au contraire de prolonger avec justesse le génie du lieu. »

« C’est séduisant la cabane, c’est la boîte à chiller. C’est les vacances. » Roman Penigaud, architecte.

L’intérieur suit la même philosophie : minimalisme, matériaux locaux, espaces traversants pour favoriser la ventilation naturelle… « On a tout dessiné, de l’enveloppe extérieure jusqu’au mobilier », ajoute l’architecte marseillais. Des références majeures guident ces projets, du cabanon de Le Corbusier à Glenn Murcutt et son élégante simplicité.

Pour Zoé de la Cases, cette montée en gamme ne gomme pas l’essentiel : « Le luxe, c’est avant tout la nature et le bien-être. Une cabane trop luxueuse peut perdre de son charme. Il faut trouver l’équilibre entre faste et simplicité. »

La cabane : entre design de vie et nouvelle hospitalité

Plus qu’un abri ou une fantaisie architecturale, la cabane devient aujourd’hui un mode de vie. Une façon d’habiter le monde autrement, plus doucement, plus intensément. Héritière du glamping et du tourisme expérientiel, elle séduit une clientèle en quête d’authenticité mais pas prête à renoncer à un certain confort. Passer une nuit dans une cabane perchée, accessible par une passerelle ou un escalier secret, c’est une aventure en soi, même sans partir à l’autre bout du monde. On ne dort pas seulement dans une cabane, on dort dans « sa » cabane, comme dans un rêve d’enfant reconstitué grandeur nature.

L’une des 18 cabanes de Youza Ecolodge.
L’une des 18 cabanes de Youza Ecolodge. DR

Cette projection personnelle, intime, touche aussi à l’aménagement intérieur. « Je me suis toujours dit que j’allais traiter ma déco comme une cabane. C’est réconfortant, chaleureux, cocooning. Cela m’excite autant de penser un petit espace qu’un grand loft », confie Zoé de Las Cases, qui rêve désormais de décliner cette philosophie dans un hôtel de cabanes.

Ce retour à la cabane dit quelque chose de notre époque : un besoin de ralentir, de simplifier, de renouer avec des gestes essentiels. « C’est une micro-architecture entre mobilier et habitat, un espace minimal qui laisse place à l’improvisation et à l’expérience personnelle », résume Charline Gerbault. À la croisée de l’intime et du paysage, elle devient le symbole d’une hospitalité nouvelle : plus responsable, plus sensible, plus désirable.


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