Amanda López

Scandales, regards crus et grands espaces : la photo US fait sa révolution à Amsterdam

Par

Sabrina Silamo

le 26 mai 2025

Qui dit Rijksmuseum pense Vermeer et Rembrandt. Célèbre pour ses chefs-d’œuvre de l’âge d’or de la peinture néerlandaise, le musée d’Amsterdam possède aussi un fonds photographique exceptionnel. En témoigne une exposition, qui présente toute la richesse et la diversité de l’histoire de ce médium aux États-Unis. De l’instant décisif aux clichés militants, du vintage au numérique : voyage visuel à travers une Amérique brute, bouleversante et parfois déconcertante.

C’est un événement ! « American Photography » est la première grande exposition monographique en Europe consacrée à la photographie américaine au Rijksmuseum. Elle révèle non seulement l’évolution des techniques – d’un daguerréotype de givre sur plaque de verre des années 1850 aux tirages numériques sur du papier en bambou réalisés par Sarah Sense en 2023 –, mais également des mœurs et des pratiques. Scènes de rue, portraits et autoportraits, nus et natures mortes sont ainsi immortalisés de jour, de nuit et par tous les temps.

American History

Et force est de constater que la créativité des photographes semble inépuisable. Pour certains, l’ambition est de montrer le monde tel qu’il est, des paysages grandioses dénués de présence humaine, des campagnes devenues bidonvilles (Bryan Schutmaat) ou des rames de métro couvertes de graffitis (Gordon Matta-Clark).

Portrait of a Woman, Binghamton de Bruce Wrighton (1950–1988). *COURTESY LAURENCE MILLER GALLERY*

Pour d’autres, il s’agit de documenter leur vie personnelle. Telles des pages extraites d’un journal intime, ces tirages révèlent alors la vie privée et les tourments des photographes: Nan Goldin s’immortalise l’œil tuméfié par son amant tandis que Robert Mapplethorpe pose le buste dénudé et les yeux maquillés.

La photographie est aussi le terrain de jeu de nombreux artistes avant-gardistes comme Laszlo Moholy-Nagy, l’un des pionniers du mouvement dada. Juché sur le toit d’un immeuble qui surplombe un parking enneigé, il fixe en plongée les traces des pneus qui dessinent des lignes courbes autour de carrés noirs symbolisant les voitures.

Hulleah Tsinhnahjinnie (1954), ‘This is not a commercial, this is my homeland’, 1998. *Courtesy of the artist*

L’automobile, particulièrement le rétroviseur, favorise l’invention d’autres perspectives. L’effet rétro est notamment à l’origine du Baiser californien, d’Elliott Erwitt, en 1956, parfaite illustration de cet « instant décisif » cher à Henri Cartier-Bresson. Mais au-delà de ces potentialités artistiques, cette discipline permet de sauver de l’oubli des faits divers pour les graver dans la grande histoire.

Sans Jack Jenkins, qui se souviendrait de cette étudiante afro-américaine à l’allure altière qui brava la haine pour tenter d’entrer dans cette école blanche de Little Rock dans l’Arkansas en septembre 1957 ?

> « American Photography ». Au Rijksmuseum Amsterdam, Museumstraat 1, Amsterdam (Pays-Bas), jusqu’au 9 juin. Informations ici.