En l’espace d’une dizaine d’années, Puerto Escondido, au Mexique, est passée de spot bohème pour surfeurs à hub en devenir pour l’architecture où, déjà, Tadao Ando, Kengo Kuma, Álvaro Siza et d’autres ont laissé leur trace. Un mouvement généré par l’ouverture de la Fundación Casa Wabi et son instigateur, l’artiste Bosco Sodi, pas en manque d’idées ni de moyens pour dynamiser ce territoire côtier du Pacifique.
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On commence à identifier Puerto Escondido sur la carte de la côte pacifique mexicaine à partir des années 30, tandis que ce petit port de pêche devient un point de chargement pour le commerce du café. À la fin des années 50, la bourgade connaît un nouvel essor avec l’arrivée de surfeurs américains qui ont repéré l’incroyable vague tubulaire qui déferle sur la plage de Zicatela. Dès lors, l’endroit devient une destination de choix pour les adeptes de la glisse, mais aussi pour les backpackers (« routards ») débarquant au petit matin après une nuit de bus depuis la ville de Mexico.
Si le tourisme s’accroît peu à peu, notamment grâce à la création d’un aéroport qui n’a d’international que le nom, aucune chaîne hôtelière haut de gamme ni restaurant gastronomique ne vont venir s’implanter. La station se développe ainsi gentiment, en conservant son caractère à la fois bohème, généré par le surf, et populaire, en raison d’une offre touristique bon marché.
Puerto Escondido, un paradis accessible
« En 2013, je travaillais sur un projet à Puerto Escondido pour un entrepreneur basé à Mexico, explique l’architecte français Ludwig Godefroy, installé depuis une quinzaine d’années au Mexique. Il avait de la famille là-bas et voulait y faire bâtir une villa résidentielle. En faisant le point avec des sous-traitants, l’un d’eux, spécialisé dans le béton, a voulu me montrer le chantier sur lequel il travaillait sur la côte, à une trentaine de kilomètres à l’ouest de la ville. Et, là, je suis tombé des nues en voyant l’ampleur de l’édifice en construction. »
L’architecte était tout bonnement en train de découvrir le chantier de la fondation d’art Casa Wabi, qui allait constituer, quelques années plus tard, un nouveau point de bascule pour faire de Puerto Escondido un centre d’intérêt spécifique. Cette structure d’art contemporain est née de la volonté du plasticien mexicain Bosco Sodi.
Son intention ? Accueillir des artistes en résidence et les amener à développer des projets en lien avec les communautés locales. Une idée qu’il a élaborée avec la curatrice Patricia Martín, bien connue pour son travail sur la collection Jumex. Mais surtout, issu d’une famille très influente dans la région, l’homme connaît parfaitement la zone et, avec l’aide de son père, trouve un terrain où développer son programme : une immense parcelle recouverte d’une végétation entre maquis et bush, située directement sur le littoral, à côté de la lagune de Manialtepec. Le site, sauvage et rustre, est de toute beauté.
Pour donner forme à son rêve, l’artiste est ambitieux : il sollicite ni plus ni moins que l’architecte japonais Tadao Ando, qu’il a croisé à Tokyo. Après plusieurs échanges, le sensei de l’architecture accède à sa demande et imagine une structure déployée autour d’un mur de quelque 310 mètres de long. « Cette paroi symbolise une sorte de limite entre la mer, à deux pas, et la chaîne de montagnes de Sierra Madre del Sur », explique le plasticien.
À une extrémité se trouve la demi-douzaine de studios pour les artistes ; à l’autre, des espaces d’exposition et son atelier ; et puis, au centre, une « maison » pour se rencontrer, échanger, prendre les repas… Le tout jouant avec la sobriété du béton, très wabi-sabi, le concept esthétique japonais qui va inspirer son nom à la fondation. Bosco Sodi raconte même que, les camions à béton ne pouvant arriver jusqu’au site, le matériau a été préparé sur place dans de petites bétonnières puis acheminé dans des seaux à dos d’homme. Il aura fallu deux ans de dur labeur, sous une chaleur parfois écrasante, pour faire sortir de terre ce projet unique.
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« J’avais juste exprimé un souhait : que le bâtiment principal évoque une palapa, cette habitation à toit de chaume typique des environs. » Sauf que celle-ci est sans aucun doute la plus importante jamais construite dans la région. Au fil des années, Bosco Sodi va solliciter d’autres architectes et les inviter à intervenir sur un domaine qu’il a délimité : Kengo Kuma pour un poulailler, Alberto Kalach pour un four à céramique, Álvaro Siza pour un atelier de l’argile, Jorge Ambrosi et Gabriela Etchegaray pour un jardin…
Sur le terrain restant inoccupé, il fait dans la foulée édifier un hôtel, l’Escondido, dont il confie la gestion au groupe mexicain Habita, ainsi que deux villas, Las Marianas et Casa Cons. Il cède également plusieurs lots qui vont permettre la construction d’autres villas parfaitement intégrées dans le paysage et, là encore, imaginées par un florilège d’architectes : Alberto Kalach (Punta Pajaros), Luby Springall et Julio Gaeta (Casa Matilda), Alberto Calleja (Casa Malandra et Casa Altanara), S-AR (Casa Cosmos), Ambrosi-Etchegaray (Casa Volta), Aranza de Ariño (Casa Tiny)…
Pendant ce temps, sur les hauteurs du bourg de Puerto Escondido, Ludwig Godefroy a eu le temps d’achever Casa Ollama, qu’il a totalement pensée… en béton. Entre fortin et riad, la demeure occupe toute la superficie de la parcelle et cache en son sein les pièces pour séjourner, une piscine, des jardins en espalier ainsi qu’un toit-terrasse qui permet de profiter de la vue. Fort de ce projet, l’architecte est sollicité quelque temps plus tard par un couple d’amis de Mexico désireux de quitter la mégalopole pour la station balnéaire. Il réitère le même principe, en jouant cette fois-ci avec des plans obliques pour structurer l’espace.
« Le terrain, situé en pleine ville, n’était pas très grand, et l’idée d’un jardin autour d’une maison était trop périlleuse. J’ai donc opté pour des villas jumelles refermées sur elles-mêmes, là encore avec piscine, terrasses et lieux de vie à l’abri des regards », explique-t-il. Il en délivre une première paire (Casa VO), puis une seconde (Casa WO), que Gisela et Daniel, les heureux propriétaires, gardent un temps mais ne vont pas hésiter à revendre pour se lancer dans un nouveau projet.
« Nous avions repéré un autre terrain faisant face à la réserve naturelle de La Punta, sans vis-à-vis. Nous pensions au départ construire trois maisons sur le même principe que les précédentes. Le Covid est passé par là, les idées ont évolué… et nous avons eu envie de nous lancer dans un projet hôtelier », déclare le couple argentino-mexicain. Ludwig Godefroy adapte alors les plans mais conserve la structure, qu’il perfore de grands cercles qui, aujourd’hui, sont la signature visuelle de Casa TO.
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Parallèlement, non loin de là, l’architecte Alberto Kalach répond à la commande de l’homme d’affaires argentin Ezequiel Ayarza Sforza. Séduit par la nature de La Punta, celui-ci y a trouvé une parcelle où il souhaitait dans un premier temps faire bâtir une résidence secondaire. Puis il s’est ravisé et, dans un acte « philanthropique », a décidé de projeter un hôtel « de manière à pouvoir partager avec d’autres cette splendeur naturelle », confie-t-il.
Pour autant, l’établissement Casona Sforza demeure très discret. Depuis la route, aucun panneau n’indique cette architecture composée de deux élégantes successions d’arches en brique littéralement posées sur la plage. Peu après, Alberto Kalach s’illlustre de nouveau avec un hôtel, situé cette fois-ci à proximité de Casa Wabi et dans un style totalement différent.
Dès son lancement, Terrestre, opéré par Grupo Habita, défraie la chronique médiatique avec son allure de temple maya en brique qui semble jaillir du bush. Là encore, on parle d’une petite quinzaine de chambres qui assurent aux résidents une jolie qualité de vie lors de leur séjour.
Les trois établissements présents sur le territoire de la fondation – Alberto Kalach y avait déjà signé une première structure hôtelière – ainsi que la quinzaine de villas à louer composent désormais une petite agglomération dont la dynamique a d’ores et déjà commencé à se propager vers le sud, en direction de Mazunte, et qui n’a pas tardé à attirer les aficionados de l’architecture du monde entier. Inutile de préciser que les tarifs demandés n’ont plus rien à voir avec ceux qui sont pratiqués en ville.
En faisant quelques recherches sur un célèbre site de location résidentielle, on trouvera facilement les villas Casa Naila et Casa Cal, signées par BAAQ’ – l’agence qui a supervisé la construction de Casa Wabi pour Tadao Ando –, Casa Cova, dessinée par Anonimous, ou encore Casa en El Torón, par Ignacio Urquiza Arquitectos (IUA).
« Les tarifs du foncier à Puerto Escondido ayant énormément grimpé en l’espace de trois ans, les futurs propriétaires s’éloignent de l’agglomération ou du site de Casa Wabi, désormais très identifié », confirme Ludwig Godefroy. Un phénomène qui pourrait bien aller en s’accroissant, si l’on considère la récente reprise des travaux d’agrandissement de l’aéroport « international », orchestrée par… Alberto Kalach.
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Nos meilleures adresses à Puerto Escondido
Casa TO
Conçu par Ludwig Godefroy à La Punta, ce riad moderne recelant 9 chambres se déploie dans un écrin de béton qui abrite également une piscine, un lobby ombragé et un restaurant ouvert à la clientèle extérieure.
> Morelos s/n, Brisas de Zicatela, La Punta.Tél. : +52 56 4157 7458. Casato.mx
Terrestre
Dans le périmètre de la Fundación Casa Wabi, cet établissement géré par Grupo Habita est le dernier-né des hôtels de la zone. Comprenant 14 chambres, un spa, une piscine circulaire, un restaurant, un bar et un jardin, le projet architectural d’Alberto Kalach, pour le moins radical, semble émerger de la mangrove.
> Carretera Federal Salina Cruz – Santiago Pinotepa Nacional Km 113. Tél. : +52 55 5282 2199. Terrestrehotel.com
Casona Sforza
Cette succession d’arches en brique conçue par Alberto Kalach, située au sud de La Punta, abrite 11 suites, un bar, un restaurant (ouvert à la clientèle extérieure) ainsi qu’une somptueuse piscine circulaire, le tout à deux pas de la plage.
> La Barra de Colotepec. Tél. : +52 55 1328 4105. Casonasforza.com
Kakurega Omakase
Jouxtant l’hôtel Terrestre mais opérée par l’Hotel Escondido, la table de Keisuke Harada se déploie dans une palapa dessinée par l’atelier d’architecture TAX. Selon un menu de dégustation omakase (une sélection surprise), le chef japonais envoie une dizaine de plats où les saveurs du pays du Soleil-Levant croisent celles de ce rivage-ci du Pacifique.
> Carretera Federal Salina Cruz – Santiago Pinotepa Nacional Km 113. Tél. : +52 95 4201 8768.
Chicama
Située presque au bout de la rue principale de La Punta, cette table péruvienne fera le bonheur des amateurs de poisson mariné sous la forme de ceviche.
> Alejandro Cárdenas Peralta, Brisas de Zicatela, La Punta.Tél. : +52 95 4141 7428.
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Atarraya
Cette table récente est sans doute le meilleur plan de Puerto Escondido. Pour son cadre charmant à l’écart du brouhaha de La Punta, ses cocktails de haute volée et, évidemment, sa cuisine qui sort des sentiers battus.
> Guerrero 633, Brisas de Zicatela, La Punta. Tél. : +52 81 1277 7802.
Xcaanda
Échappez-vous de votre hôtel pour prendre un desayuno (« petit déjeuner ») sur la plage. Le spot idéal pour siroter un capuccino et grignoter des pancakes en scrutant les vagues.
> Sur les plages de Zicatela et de La Punta. Xcaandapuerto.com
Fundación Casa Wabi
Créée à l’initiative de l’artiste Bosco Sodi, cette fondation d’art contemporain conçue par Tadao Ando accueille des artistes en résidence ainsi qu’une exposition annuelle (actuellement, et jusqu’à la fin du mois de janvier 2024 : « Claudia Comte. From Where We Rise »). Réservation en ligne obligatoire.
> Carretera Federal Salina Cruz – Santiago Pinotepa Nacional Km 113. Casawabi.org
Meridiano
Inaugurée en février 2023, cette galerie d’art fondée par Nicholas Olney et Boris Vervoordt organise deux expositions par an (actuellement, la Coréenne Kimsooja) dans une architecture minimaliste très inspirante pour la méditation.
> Carretera Federal Salina Cruz – Santiago Pinotepa Nacional Km 113. Meridiano.art
Comment aller à Puerto Escondido ?
Air France dessert l’aéroport Mexico-Benito Juárez depuis Paris-CDG : 12 vols/semaine. Aller-retour à partir de 711 € en classe éco. Ensuite, emprunter l’une des compagnies mexicaines (Viva Aerobus, Volaris…) pour rallier, en 1 h 20, l’aéroport de Puerto Escondido. Pour visiter les architectures évoquées, il est conseillé de louer une voiture chez l’un des loueurs présents à l’aéroport. Ceux qui ne souhaitent pas conduire pourront recourir à des taxis, ou même faire organiser des transferts depuis leur hôtel.
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