Et si on habitait dans des maisons imprimées en 3D ?

L’impression 3D, un outil qui se cantonnait auparavant dans le monde du design et de l’architecture, à la conception de maquette. Aujourd’hui, les designers s’en sont saisis pour proposer des objets à la silhouette et au procédé de fabrication innovants. Un chemin que semblent emprunter les architectes…

Tout le monde semble revendiquer le titre de premier village ou première maison imprimée en 3D, aussi connu sous le nom de fabrication additive. Le concept ? A partir d’un fichier numérique, un robot bâtit un objet ou un bâtiment, en déposant de la matière couche après couche. Une méthode nouvelle dont se sont saisis les créatifs du monde de l’architecture.



Dans cette liste de prétendants au Guinness des records de l’impression 3D, il y a ICON, l’un des leaders de l’impression 3D à grande échelle, qui, aux côtés de l’agence d’architecture BIG-Bjarke Ingels Group, propose « la plus grande communauté au monde de maisons imprimées en 3D ».

Situé au nord d’Austin, cet ensemble de 100 maisons « combine une robotique innovante, des logiciels et des matériaux avancés pour créer des maisons technologiquement avancées, écologiquement durables et remarquables sur le plan architectural », nous assure-t-on, pour un prix de départ à 400 000 $.

Autre réalisation de la même trempe par le studio du starchitecte danois et Icon, un ensemble hôtelier, toujours situé au Texas, à Marfa. Disponibles à la réservation cette année, d’après le site d’Icon, El Cosmico s’est offert ces maisons fabriquées grâce à la technologie d’impression 3D. Des bâtisses « imprégnées d’un design biophilique à couper le souffle qui se fondent sans effort dans l’environnement » explique Icon.

Une technologie qui séduit les Européens …

Projet Milestone imprimé en 3D
Projet Milestone imprimé en 3D Bart van Overbeeke

Le Vieux Continent n’a pas à rougir. En avril 2021, d’heureux locataires à Eindhoven ont pu s’installer dans la toute première maison imprimée en 3D aux Pays-Bas.

Baptisé « Milestone » , le projet notamment porté par l’Université d’Eindhoven, est une maison individuelle de plain-pied avec 94 mètres carrés de surface nette, un salon spacieux et deux chambres dans le quartier d’Eindhoven à Bosrijk. « La maison a la forme d’un gros rocher, qui s’intègre bien à l’emplacement naturel et démontre la liberté de forme offerte par l’impression 3D de béton » souligne l’université. « Les partenaires ont délibérément placé la barre haut en concevant la maison sous la forme d’un rocher irrégulier. Ces dernières années, les recherches et développement nécessaires ont été faits pour rendre possible l’impression du béton sous toutes sortes de formes. Il était particulièrement difficile d’imprimer les murs inclinés, mais cela a maintenant été maîtrisé. Avec les connaissances acquises, la porte est ouverte sur un type de construction complètement différent des maisons rectangulaires habituelles » ajoute-t-on.



Parmi les prouesses rendues possibles grâce à la 3D, il y a aussi le pont en acier inoxydable de 4,5 tonnes enjambant le canal Oudezijds Achterburgwal d’Amsterdam aux Pays-Bas. Conçue par le cabinet d’architecture Joris Laarman Lab et le cabinet d’ingénierie Arup et l’entreprise spécialisée dans l’impression 3D MX3D, la réalisation propose une silhouette sinueuse aux courbes innovantes.

Autre avantage des maisons imprimées en 3D, le gain de temps : « En principe, les maisons imprimées en 3D peuvent être construites beaucoup plus rapidement avec plus de flexibilité et des conceptions personnalisées. De plus, elles sont durables car moins de béton est nécessaire à leur construction » souligne l’équipe derrière le Project Milestone.

… et les Français ?

Parmi les entreprises officiant sur le territoire français, il y a Batiprint3D, issue de l’Université de Nantes et du CNRS. En mars 2018, celle-ci inaugurait, Yhnova, premier habitat social conçu avec l’impression 3D. Spécialisée dans la conception de façade isolante intérieure et extérieure en mousse polyuréthane, l’entreprise utilise un matériau qui est conçu à 23% de matière plastique recyclée. Une pratique qui « permet de limiter les effets de gaz à effet de serre » souligne Hedy Zouaoui, CEO de Batiprint3D.

Autre aspect notable de cette méthode, la diminution des aller-retour sur le chantier. « Nous arrivons sur le site avec nos bidons, la machine et un opérateur », un tiercé gagnant qui dépenserait moins en essence que tout une équipe d’ouvriers qui multiplient les trajets matins et soirs.

Et qu’en est-il du prix ? « Nous n’intervenons que sur une petite partie de l’acte de construire, les murs, et l’isolant » explique Hedy Zouaoui, « pas sur le carrelage, les fenêtres et le toit. La magie de l’impression 3D n’est pas dans le prix, mais dans la massification, sur le fait de faire plus ». La magie des maisons imprimées en 3D réside aussi dans la possibilité d’utiliser des matériaux d’un autre temps, explique le chef d’entreprise, qui s’apprête à construire un édifice en terre, une matière peut-être plus vertueuse que le traditionnel béton.

Espace nuit de la maison Tecla
Espace nuit de la maison Tecla Iago Corazza

La terre, un matériau qui a su séduire le bureau Mario Cucinella Architects, qui, associé à World’s Advanced Saving Project (WASP) un fabricant italien d’imprimantes 3D, a donné naissance à TECLA, ( pour Technology and Clay ). Localisé à Massa Lombarda en Emilie-Romagne, l’édifice est un projet à quasi zéro émission, grâce à l’utilisation de terre crue locale. En effet, privilégier le 100% local permet de réduire les déchets et les rebuts. En 200 heures, l’ingénierie de WASP a su édifier une bâtisse de 60 mètres carrés avec salon, cuisine, salle de bain etc… Quant aux meubles, ils ont été partiellement imprimés grâce à cette même terre, puis ensuite intégrés à la structure. Des meubles qui ont été conçus pour être partiellement recyclés ou réutilisés.  

Rapide, écologique, esthétique, l’impression 3D semble pouvoir relever tous les défis de l’architecture du XXIe siècle.