Portrait : Necchi Architecture, un éclectisme cultivé

À travers son goût pour l’anachronisme, les compositions hétéroclites et les détails, l’agence d’architecture intérieure propage dans Paris, depuis deux ans, son écriture libre et éclairée. Dernière réalisation en date : l’Hôtel Château d’Eau, dans le Xe arrondissement de Paris.

Quel est le point commun entre une garçonnière d’inspiration seventies chic, avec table basse en Inox, et une boutique d’accessoires de luxe aux allures de bivouac napoléonien, avec tissus à rayures et gravures équestres ? Les deux projets sont signés Necchi Architecture, agence fondée en 2021 par Charlotte Albert et Alexis Lamesta, qui ont respectivement fait leurs armes chez Sarah Lavoine pendant huit ans et chez Jean-Louis Deniot pendant six ans.


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Des expériences formatrices

Portrait de Charlotte Albert et Alexis Lamesta, les deux fondateurs de Necchi Architecture.
Portrait de Charlotte Albert et Alexis Lamesta, les deux fondateurs de Necchi Architecture. Ludovic Balay

C’est là qu’ils ont tout appris (et non à l’école dont ils sont sortis diplômés en 2013 et qu’ils préfèrent ne pas mettre en avant). « Une expérience très formatrice en dessin technique, qui m’a enseigné à appréhender l’espace, le langage du métier et à oublier mes références », explique le jeune architecte.

Son associée évoque plutôt un sens de la débrouillardise et une agilité qu’elle utilise désormais pour les travaux de l’agence. Leur premier projet – la garçonnière –, pour lequel ils sont allés jusqu’à choisir la vaisselle et le linge de maison, est un succès. Le duo reçoit alors une série de commandes.

Le bar de la brasserie Alfred.
Le bar de la brasserie Alfred. Ludovic Balay

« En deux mois, on nous a contactés pour les restaurants Alfred et Chimère, pour la boutique d’accessoires de luxe Cinabre et ses suites, lesquelles viennent tout juste d’ouvrir, enfin pour l’Hôtel Château d’Eau, dont l’inauguration est prévue en février. » Cependant, le pied-à-terre du célibataire décliné dans une palette de bruns et doté d’un grand mur laqué, d’une table basse Willy Rizzo et d’un tapis panthère « nous a vite catalogués seventies, explique Charlotte Albert. En réalité, nous n’avons pas peur de proposer des mélanges bizarres, comme des tentures issues des archives Pierre Frey avec un tissu bleu électrique ou des pilastres années 30 avec de l’Inox années 70. » Un plaisir de l’anachronisme – en évitant le pastiche – qu’ils assument. « Ce qui nous guide, c’est le confort. L’effet “waouh” et les détails instagrammables nous hérissent le poil », s’agace Charlotte, qui démarre tous ses projets par un moodboard historique truffé de références.

L’une des chambres de la résidence Tuileries signées Necchi Architecture.
L’une des chambres de la résidence Tuileries signées Necchi Architecture. Ludovic Balay

Pour autant, les détails sont au cœur du travail de Necchi Architecture, un nom de baptême qui reprend celui de la célèbre villa milanaise Art déco rationaliste de Piero Portaluppi. « À la fin de nos études, nous nous sommes rendus à Milan au Salon du meuble, se souvient Alexis. L’occasion pour nous de visiter cette maison construite dans les années 30 dont nous avions tant entendu parler… Ce fut pour nous un véritable choc artistique. Chaque centimètre carré fait l’objet d’attentions particulières: les calepinages, les plafonds en croisillons… Ce lieu a vraiment été le point de départ de notre soif de culture historique. »

Leur autre signature, c’est le choix sans compromis des matériaux, naturels ou industriels. « Nous avons horreur des imitations et préférons un vrai lino plutôt qu’un faux parquet », résume Alexis. Une démarche qu’ils ont appliquée à l’Hôtel Château d’Eau, leur tout dernier projet « réalisé pour le groupe hôtelier Touriste et qui est finalement assez emblématique de la couleur sulfureuse de nos créations », avouent-ils.

Les details de l’une des suites Cinabre.
Les details de l’une des suites Cinabre. DR

Avec ses têtes de lit en moquette, ses imprimés léopard et sa laque noire, l’établissement offre un contre-pied intéressant à l’air du temps pétri de minimalisme artisanal. Un hôtel pour lequel ils ont aussi dessiné du mobilier. C’est d’ailleurs leur ambition pour 2024 : explorer davantage l’univers du design, comme le dessin d’une table de backgammon pour l’éditeur Monde Singulier. Mais ils souhaitent également diffuser leurs fauteuils, entre autres. Une nouvelle étape, déjà, dans leur jeune carrière.

Ce qui inspire Necchi Architecture

Cuisine de la résidence Tuileries par Necchi.
Cuisine de la résidence Tuileries par Necchi. Ludovic Balay

Un bâtiment : « La villa Savoye, de Le Corbusier, à Poissy. Mon premier choc architectural, lors d’une visite alors que j’étais collégien. J’ai dû la visiter 17 fois !« , confie Alexis Lamesta.

Un maître à penser : « Adolf Loos. J’aime son côté très tranché dans la façon de vivre les espaces », explique Charlotte Albert.

Un objet : « Un vide-poche du céramiste Georges Jouve. J’ai un amour fou pour tout son travail« , livre Charlotte Albert.

Une influence : « Les animaux nous inspirent tous les deux ! Qu’il s’agisse de ceux des Lalanne (hippopotames, moutons), des motifs oniriques de Josef Franck ou de la récente exposition « Anima », à la galerie Dumonteil« , scande le duo en coeur.


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