PHOTO : Les marcheurs à l’arrêt de Lise Sarfati

Révélée en 1996 par « Acta Est », suite de paysages urbains déserts et délabrés de l’ex-URSS, célébrée en 2003 pour « The New Life », la balade triste de jeunes Américains perdus entre l’enfance et l’âge adulte, Lise Sarfati expose à Paris sa série « Oh Man » dont l’un des tirages fait l’affiche de Paris Photo (9-12 novembre).

Des hommes qui marchent dans la ville. Anonymes, ils avancent, déterminés ou résignés, mais toujours indifférents à leur environnement. Qu’ils entrent ou sortent du cadre, seul compte le mouvement. Et il n’est ni pressé ni nonchalant. Chacun de ces individus semble saisi sous le soleil de midi comme un animal dans les phares d’une voiture. Parfois, leur ombre s’invite dans l’image sans parvenir à déconstruire le réel. Ils sont bel et bien ancrés au milieu d’entrepôts aux rideaux de fers baissés, aux portes grillagées. Solitaires. La nouvelle série de Lise Sarfati s’intitule Oh Man ; elle est composée de dix sept grands formats (1,88 m ou 1, 65 m) exposés à hauteur d’homme, au premier plan, sans profondeur.

Photographie de la série « Oh Man ».
Photographie de la série « Oh Man ». lise sarfati

Libre à celui qui regarde de faire face à ces inconnus ou de cheminer à leurs cotés, de les regarder passer ou de les accompagner vers un ailleurs – dénué d’horizon – où règne le silence, la fragilité de l’existence, l’inutilité des biens matériels… Une impression qui correspond à la définition des Memento mori ; ces vanités d’aujourd’hui comme un bloc de temps et d’action au décor minimal traversé de lignes géométriques et de couleurs réduites à de simples taches : le bleu du ciel, le vert qui encadre une porte aux barreaux en métal, le rouge d’une bordure de trottoir… Aucun point de fuite, la composition évoque la rigueur du constructivisme russe, mouvement artistique mené notamment par Malevitch ou Rodtchenko que la Lise Sarfati a probablement étudié lors de son séjour prolongé en Russie dans les années 1990.

Photographie de la série « Oh Man » utilisée pour l’affiche de Paris Photo 2017.
Photographie de la série « Oh Man » utilisée pour l’affiche de Paris Photo 2017. lise sarfati

Ces images ont été réalisées à la chambre, entre 2012 et 2013, à Los Angeles, où vit la photographe. Un travail effectué à contre-courant du progrès technologique qui favorise le numérique, et « a contre-sens » de son utilisation habituelle. En effet, directement inspirée de la camera obscura, chère aux artistes de la Renaissance, ce procédé au protocole compliqué est d’ordinaire réservé aux photographes désireux de représenter fidèlement portraits, natures mortes, paysages ou bâtiments industriels (des typologies de Bernd et Hilla Becher à La ferme du Garet de Raymond Depardon). C’est cependant pour attraper les déplacements que Lise Sarfati est allé poser en pleine rue son encombrant matériel – un trépied surmonté d’un appareil à soufflet – comme un peintre y fixerait son chevalet. Résultat : le temps semble s’être arrêté sur ses silhouettes en marche. Une contradiction aussi belle qu’un oxymore.

> Lise Sarfati, « PARIS PHOTO – SOLO SHOW ».
Au Grand Palais. 3, avenue du Général Eisenhower, Paris VIIIe. Du 9 au 12 novembre 2017. 
www.grandpalais.fr

> Exposition « OH MAN »
La Galerie Particulière. 16 et 11, rue du Perche, Paris IIIe. Du 23 novembre 2017 au 13 janvier 2018.
www.lagalerieparticuliere.com

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