Penninghen, l’école qui forme les créatifs de demain

École phare de la scène design, Penninghen continue d’écrire son histoire et entend préserver l’exigence et la rigueur qui ont fait son succès.

Passer le porche du 31 de la rue du Dragon, c’est découvrir une histoire de l’art parisienne en perpétuel mouvement. Car, avant de devenir, en 1968, l’École Supérieure d’Art Graphique (ESAG), aujourd’hui appelée Penninghen, là, dans le 6e arrondissement, l’Académie Julian, école privée de peinture et sculpture fondée deux ans auparavant par les peintres Rodolphe Julian et Amélie Beaury-Saurel, a pignon sur rue depuis 1868.


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Un lieu chargé d’histoire

En 1902, l’Académie Julian est parmi les premières à accueillir les femmes – la porte de l’École des Beaux-Arts leur restant fermée – et bénéficie alors de six ateliers dans la capitale. L’institution forme les artistes Louise Bourgeois, Jean Dubuffet, Marcel Duchamp, Félix Vallotton, les affichistes Cassandre et Muscha, la designer Eileen Gray ou encore les architectes Art Nouveau Jacques Majorelle et Henri Van de Velde. Guillaume Met de Penninghen, peintre et céramiste, et Jacques d’Andon, architecte et designer, achètent les locaux de la rue du Dragon en 1959 pour y installer un atelier à leur nom. Celui-ci deviendra en 1968 l’École Supérieure d’Art Graphique (ESAG), aujourd’hui appelée Penninghen.

L’école Penninghen.
L’école Penninghen.

Depuis 2016, Gilles Poplin assure la direction de l’établissement. Ancien élève, il indique avoir trouvé, à son retour en tant que professeur, « une grande continuité dans les enseignements et les valeurs, une manière de faire pérennisée par Alain Roulot [directeur de 1988 à 2016, ndlr] ».

Un nouveau cursus en communication

Penninghen a effectivement quelques particularités qui font son identité. Parmi elles, un accès à la première année sans sélection particulière (hormis l’obtention du baccalauréat), celle-ci se faisant à la fin de cette prépa d’arts appliqués. Générale, intense, cette dernière permet d’apprendre les fondements, accordant une grande importance au dessin. Le temps se répartit entre des heures de cours en présentiel et d’autres consacrées au travail personnel. Si l’autonomie semble de mise, l’accompagnement méthodologique va avec. Fleur Delesalle, diplômée en 1995 et aujourd’hui architecte d’intérieur renommée, se souvient avoir apprécié
« la rigueur. Nous travaillions énormément tout en étant très bien encadrés. »

L’école Penninghen.
L’école Penninghen.

Des matières dédiées permettent de comprendre les différences et les passerelles entre les métiers du design, afin d’affiner son choix parmi trois spécialisations qui s’étudient ensuite sur quatre ans : les historiques, que sont l’architecture intérieure et la direction artistique, et plus récemment, la communication. Cette formation, qui a diplômé sa première promotion en 2022, a été lancée par Gilles Poplin. Il raconte avoir tiré de son parcours professionnel l’idée qu’un métier créatif soit multiple, « et suggère différentes postures – directeur, créateur, producteur, maquettiste, designer produit – et angles – collaborateur, auteur, prestataire… », ce qui l’a amené à vouloir insuffler « une vision holistique » dans l’école.

Plus précisément, ledit cursus, entre communication et stratégie créative, « convoque la direction artistique d’un projet, son narratif (le fond) quel qu’en soit le support (la forme). Il s’agit de structurer et donner une identité dès la conception, penser direction de création, rentabilité, brief, sourcing, aller vers une forme singulière en contrepied de l’uniformisation actuelle » poursuit-il. Au programme du master « qui séduit les entrepreneurs », glisse-t ’il, du design thinking, de l’éditorial, un travail d’écriture, d’éloquence, le développement de soft skills

L’école Penninghen forme les créatifs de demain.
L’école Penninghen forme les créatifs de demain.

Un réseau fort de ses diplômés et professeurs

Autre point fort de l’école, comme l’indique Fleur Delesalle, « l’équipe de professeurs était très inspirante, il y avait beaucoup d’échanges, et avec réciprocité. Le fait qu’ils aient leur agence à côté, que ce soit des professionnels, rendait l’apprentissage très vivant, enrichissant ». En effet, aujourd’hui encore, les 130 enseignants ont tous une carrière en parallèle. Leurs profils
sont variés : Penninghen compte parmi ses « noms » Yorgo Touplas (Yorgo&Co), Jade Lombard (direction artistique pour Diptyque, Chopard…), Johanne Casagrande (directrice création & image chez Maison Ladurée), Sarah Kahn (Revue America, MK2, Luma Arles…).

Ainsi, l’école supérieure a su créer un réseau fort de multiples connexions : professeurs mais aussi diplômés, parmi lesquels des créateurs reconnus : Fleur Delesalle, Hugo Toro, Dorothée Boissier, Soledad Bravi, Leïla Sy … Façon de prolonger son rayonnement, elle délivre annuellement à deux anciens diplômés le prix Met de Penninghen. Ce dernier entendant, selon le verbatim associé, « récompenser la qualité des créations, les trajectoires professionnelles mais également les valeurs humaines nécessaires à leur réalisation ».

À Penninghen, l’accent est mis sur l’apprentissage du dessin.
À Penninghen, l’accent est mis sur l’apprentissage du dessin.

Assez tôt également, l’école s’est ouverte à l’international, d’une part en cofondant l’Association internationale des arts indépendants et écoles de design (l’AIAS), d’autre part en rejoignant dès 1991 les réseaux Erasmus et Cumulus pour permettre aux étudiants de 4e année d’être reçus dans des écoles d’art et design européennes et internationales. Ils peuvent choisir de passer un semestre à la Willem de Kooning Academy à Rotterdam ou à la School of Visual Arts de New York, entre autres. Des séjours d’étude sont également prévus autour de projets interdisciplinaires. Ainsi, les étudiants de 3e année ont-ils en octobre
dernier arpenté Venise, ses musées et canaux, carnets de croquis et appareils photos à la main. Le directeur d’établissement mentionne également vouloir accueillir davantage d’étudiants d’autres pays.

Penninghen a également aménagé la 4e année afin de consacrer une période obligatoire de 8 mois de stage dans deux entreprises différentes. Auparavant, les étudiants peuvent également bénéficier de conventions pour des stages sur les périodes de vacances, s’ils le souhaitent. L’objectif est alors bien entendu de se confronter à la réalité du métier envisagé.

L’école Penninghen.
L’école Penninghen.

Particularité inchangée au fil des décennies : un passage de diplôme exigent avec une présentation de projet en face-à-face avec chacun des membres du jury composé de six à sept profils qui correspondent au panel des différents métiers d’une spécialisation. « C’est un moment de professionnalisation », souligne Gilles Poplin. « Le niveau était assez époustouflant », se souvient Fleur qui a été membre du jury en 2022, tout en exhortant les futurs étudiants « à prendre des risques dans la création ». « Rendre intéressant le réel, y trouver de l’intérêt, observer le monde et le représenter pour y trouver du sens, voilà un enjeu majeur » déroule le directeur, qui indique que Penninghen est là « pour donner les outils et les armes en ce sens ». Avis à ceux que cela inspire.

Le cursus de l’école Penninghen en bref :

300 places en 1ère année
1 sélection à la fin de la 1ère année pour 180 places en 2ème année
5 ans d’études au total pour obtenir un master (certifié RNCP)
3 spécialisations : architecture intérieur, direction artistique, communication
8 mois de stage minimum
1ère année à 10 900 €
La possibilité de faire une immersion dans l’école pour les potentiels candidats : cette année du lundi 8 au vendredi 12 avril
Prochaines portes ouvertes : le 1er juin

Le réseau éducatif Galileo dont fait partie Penninghen inclut d’autres écoles supérieures d’enseignement créatifs et d’arts appliqués : l’Institut Supérieur des Arts Appliqués (LISAA), l’Atelier Chardon Savard dédié à la création textile et au design de mode, l’Atelier de Sèvres avec une première année préparatoire et un cursus en Animation, et l’École Bellecour à Lyon.

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