Mode et cuisine forment un mélange à la fois subtil et inspirant que Marion Chatel-Chaix manie avec brio. Après avoir fait ses premiers pas comme styliste, elle a réalisé un rêve d’enfant en lançant son studio, Exquisite, pour titiller les chefs dans leur approche esthétique.
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Marion Chatel-Chaix : de la mode à la cuisine
IDEAT : Pourquoi avoir repris des études en design culinaire après avoir travaillé plus de dix ans dans la mode ?
Marion Chatel-Chaix : C’est lors du Paris des Chefs [animation à Maison&Objet, NDLR] que j’ai découvert le design culinaire et les liens possibles entre la gastronomie et l’univers de la mode, du design ou de l’art en général. J’ai eu envie de me réorienter dans cette direction. J’ai donc entamé une formation à l’École supérieure d’art et de design de Reims (ESAD).
J’y ai mené une année de recherches autour de l’éphémère en mettant en parallèle la mode et la cuisine: d’un côté, la conservation alimentaire dans sa symbolique du temps ; de l’autre, la préservation des savoir-faire et des métiers de la mode qui conduisent, par le geste, à des expressions créatives nouvelles.
IDEAT : Quelles ont été la genèse puis l’évolution de votre studio ?
Marion Chatel-Chaix : Avec une amie diplômée comme moi de l’ESAD, j’ai dans un premier temps voulu lancer le premier magazine de design culinaire. Projet que j’ai finalement transformé en cahiers d’inspirations culinaires à destination des chefs en 2017. Pendant un week-end passé avec mon conjoint à La Grenouillère, dans le Pas-de-Calais, j’ai dévoilé ce projet à Alexandre Gauthier.
Le cuisinier – visionnaire – a tout de suite perçu la valeur ajoutée de ma proposition et a acheté mon premier cahier. Une belle reconnaissance du travail que je produisais dans l’ombre depuis des mois, d’autant que ce professionnel incarne exactement ma conception d’une expérience au restaurant: une direction artistique cohérente qui vient toucher tous nos sens via une expérience globale. Tous les six mois, ces éditions m’ont permis de présenter ma vision et de devenir « la designeuse qui murmure à l’oreille des chefs ».
« Je travaille avec nos cinq sens«
IDEAT : Comment voyez-vous votre métier évoluer avec les nouvelles technologies ?
Marion Chatel-Chaix : Je travaille autour de nos cinq sens. L’intelligence artificielle (IA) peut être un moyen de générer des réflexions créatives ou poétiques. En revanche, elle ne pourra jamais remplacer ni le corps humain ni notre imaginaire: le monde physique reste l’outil le plus puissant pour transmettre une émotion, un message, une interaction. Plutôt que de devenir une forme de luxe ostentatoire, la gastronomie d’aujourd’hui devrait, selon moi, retrouver son essence d’hospitalité et sa fragilité sensible.
IDEAT : Travaillez-vous seulement avec des chefs ?
Marion Chatel-Chaix : Non. J’ai participé à la mission de promotion « Autour du Louvre-Lens » (ALL) avec un cahier d’inspirations culinaires mettant en lumière les valeurs du territoire. En rappelant les racines minières du bassin lensois, cet outil conçu pour les professionnels a pour objectif d’imaginer une culture culinaire et régionale qui puise dans la typicité du lieu.
J’ai aussi travaillé avec l’île de La Réunion et sa mission touristique pour accompagner les chefs dans la création de recettes iconiques de la gastronomie locale, en intégrant les besoins des clients d’aujourd’hui: moins de gras, moins de viande et plus de végétal. Cela a conduit à l’édition d’un cahier à destination des cuisiniers et des pâtissiers pour imaginer un storytelling autour de leurs assiettes et ne pas travailler uniquement des recettes. Tout ne se joue pas en cuisine!
IDEAT : D’où viennent vos idées de mise en scène ?
Marion Chatel-Chaix : L’inspiration est partout, autant dans la rue ou la nature que dans les musées. Tout est une question de regard. Et, surtout, il faut tester des choses. C’est en faisant des essais que les synchronicités se produisent. J’ai d’abord une phase de réflexion et de recherches historiques, de contexte, de définitions, de vocabulaire…
Ensuite, je passe par la mise en images, avec des moodboards. Associer images, textures et sensations me permet de mettre mon cerveau sur pause, de changer d’échelle et de perspectives. C’est souvent dans ces dialogues visuels que l’idée ou le concept m’apparaît, en confrontant des imaginaires qui n’étaient pas faits pour se rencontrer
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