Dimitri Mussard a le don de saisir les opportunités. Après avoir embrassé une carrière dans la finance, il s’offre en 2007 une disponibilité pour parcourir le monde pendant six mois. Un voyage au cours duquel le jeune homme découvre le Brésil.
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Oasis hédoniste et bohème
À son retour en France, le constat est sans appel: le trading n’est pas fait pour lui. Le hasard l’amène à rencontrer son voisin brésilien à Paris qui possède un appartement à São Paulo. Ni une, ni deux, il largue à nouveau les amarres et s’installe dans cette mégalopole. Très vite, il trouve un travail dans un fonds d’investissement et, au gré de ses déplacements, ses pas le mènent à Catuçaba.






Un village figé dans les années 1950, posé au milieu des montagnes de la forêt atlantique, striée de cascades et de rochers saillants. « Un extraordinaire sanctuaire de biodiversité, hors du monde et hors du temps, où l’on est en communion avec la nature », précise l’entrepreneur, qui apprend un jour par sa mère – Pascale Mussard, fondatrice de la ligne « Petit H » d’Hermès et présidente de la Villa Noailles – qu’une parcelle de deux hectares est à vendre. Et de partir ensemble la découvrir et tomber instantanément amoureux du site.
Un an plus tard, Pascale Mussard rencontre l’architecte Marcio Kogan – notamment à l’origine de l’Hotel Fasano, à São Paulo –, qui lui propose de construire la première maison autonome du pays. « Un projet fou qui a mis cinq ans à sortir de terre, précise l’homme d’affaires, amoureux de ce bout du monde où il passe désormais plusieurs semaines par an. Marcio Kogan a voulu réaliser une maison off grid (hors réseau, NDLR), qui a obtenu en 2015 la meilleure note de l’organisme GBC (Green Building Council) en matière de durabilité. »
Baptisée « Casa da Pedra », en référence au rocher près duquel elle est bâtie, cette ferme moderniste autosuffisante fonctionne grâce à un mélange d’énergie éolienne, de panneaux solaires thermiques et photovoltaïques, l’eau potable provenant d’une source située sur la propriété. Préconstruits dans l’État de São Paulo, les panneaux en bois de la villa sont alors transportés en camion puis assemblés sur place tel un Lego. « Ce refuge prouve que réconcilier esthétique et écologie n’est pas une utopie », résume le propriétaire.
Aucune maison à l’horizon, le regard se perd dans une mer vert émeraude, vierge de tout bâti, le village de Catuçaba étant à sept kilomètres de là. Édifiée à 1600 mètres d’altitude, cette construction qui s’étire à l’horizontale sur la colline est suspendue tel un belvédère sur seize piliers, permettant aux eaux de pluie de s’écouler avant d’être récupérées.
Architecture durable
Exceptionnellement, Marcio Kogan a délaissé ici son matériau fétiche, le béton, inhérent à l’architecture moderniste brésilienne, au profit d’une structure intégralement en bois local, certifié FSC (Forest Stewardship Council), choisi moins pour ses qualités décoratives que pour sa parfaite isolation et ses bonnes performances énergétiques. « Traversants, les volumes sont si bien ventilés qu’on a banni la climatisation », détaille Dimitri Mussard.





À l’intérieur, l’architecte a privilégié les perspectives acérées, la rationalité des espaces et les matériaux durables. Ainsi, les parois aux extrémités de la « Casa da Pedra » sont en adobe – un mélange d’argile, de paille et d’eau –, les sols, élaborés à partir de briquettes de terre et les fenêtres, habillées de rideaux d’eucalyptus qui protègent du soleil et filtrent la lumière.
Un plan tout en longueur et de plain-pied, aux lignes tendues, organisé autour d’une immense terrasse en bois cumaru qui fait entrer le paysage dans le salon mais aussi dans les quatre chambres, abolissant les frontières entre intérieur et extérieur.
Adeptes d’une frugalité joyeuse, les heureux propriétaires ont pris leur temps pour décorer la maison avec du mobilier strictement brésilien, au gré de leurs déplacements ou des rencontres fortuites. Loin de l’ostentation. Peu de meubles signés, à l’exception d’une chaise ou d’un tabouret des frères brésiliens Humberto et Fernando Campana, mais beaucoup de pièces glanées chez des artisans ou des potiers de la région, dans des fermes près de Bahia ou dans l’État du Minas Gerais.
« On cherche l’objet de charme ou vernaculaire dont la forme, la texture ou l’histoire imprime notre rétine », ajoute Dimitri Mussard, toujours en quête d’un masque d’une ethnie d’Amazonie ou d’une assise qui révélerait la poésie locale. Et quand la famille n’occupe pas cette oasis, elle la loue sur Airbnb en espérant transmettre aux hôtes le bien-être et le sentiment de sérénité que lui procure ce repaire solaire.
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