Depuis 61 ans, la maison de Barbie va de pair avec la farouche liberté qui cheville le corps (en plastique) de la poupée la plus connue de la planète. Traversant six décennies, son design a évolué en parodiant les codes de chaque époque pour mieux coller à l’air du temps. Une touche de rose en plus.
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Fréquemment réduite à l’image de « bimbo», la figurine de 29 cm au look rose bonbon mène, en réalité, une vie de femme active, autonome et accomplie, derrière une superficialité de façade. N’ayant besoin de personne (et surtout pas de Ken) pour suivre ses rêves, Barbie a vu son apparence radicalement évoluer depuis sa création en 1959 par Ruth Handler (avec l’introduction des premiers modèles de couleur en 1980 et plus récemment de nouvelles morphologies plus inclusives lancées en 2015).
Pourtant c’est grâce à ses innombrables accessoires que se dessine le caractère avant-gardiste de Barbie. D’abord par des tenues illustrant un CV extraordinaire balayant aussi bien des carrières d’astronaute que d’architecte ou même de présidente. Mais au-delà de cette garde-robe professionnelle inspirante pour des millions d’enfants dans le monde, son émancipation s’exprime aussi à travers les multiples objets estampillés Mattel pour étayer sa vie privée.
Du camping-car à la piscine en passant par son fameux avion, l’évolution du design de son univers traduit autant l’indépendance revendiquée par la poupée que le reflet de son époque. Son accessoire le plus emblématique ? La Dream House, la fabuleuse maison de Barbie acquise en 1962, à l’heure où seules 0,1% des Américaines étaient propriétaires de leur logement.
Déclinée dans de nombreuses versions jusqu’à nos jours (où il s’en vend une chaque minute sur la planète), l’évolution de la maison de Barbie fait l’objet du livre « Barbie Dreamhouse : An Architectural Survey » édité l’an dernier à l’occasion de son soixantième anniversaire par le magazine Pin-Up. Photographiée sous toutes les coutures par Evelyn Pustka comme le serait n’importe quel objet architectural sans l’ombre d’une poupée, son décryptage périodique révèle des accointances inattendues entre le monde édulcoré de Barbie et celui du design, bien ancré dans le réel.
1962 : La maison de Barbie originale
Alors que les Françaises n’avaient même pas encore le droit d’avoir leur propre compte en banque, Barbie s’offre une maison seulement trois ans après sa création. Transportable dans une fine boite, cette première mouture entièrement en carton (meubles compris) se compose de patrons à plier ou déplier pour composer un univers étonnamment sage et masculin, malgré (déjà) quelques timides notes de rose. Au centre, un tableau représentant sa maison d’enfance dans le Wisconsin inspirera le modèle commercialisé en 2000.
Un dortoir codifié
Reproduisant un mobilier années 50 clairement inspiré de celui de Charles et Ray Eames ou de Florence Knoll, l’accessoirisation de la toute première maison de Barbie préfigure quelques indices de la modernité de la célèbre poupée. Si l’absence de cuisine semble la libérer des tâches domestiques ; des étagères truffées de livres et des fanions universitaires indiquent ses études supérieures tandis que le lit simple et le portrait de Ken le relèguent au rang de simple visiteur. Aucun doute, il s’agit là du logement d’une étudiante prête à se lancer dans une trépidante vie active.
1974 : La maison de Barbie prend de la hauteur
Dans les années 70, les aspirations architecturales de Barbie montent d’un cran avec une impressionnante mini tour — haute de plus d’un mètre — dont la structure de dalles et de colonnes n’est pas sans rappeler la Maison Dom-Ino de Le Corbusier. Composé de trois étages, ce sculptural décor mélange des fonds cartonnés (dont le décor bohème aux accents victoriens met en scène des lampes Tiffany) à quelques meubles en plastique.
Inspiration Design
Avec seulement un lit, un sofa, un fauteuil, une table et trois chaises en porte-à-faux (dont le design évoque furieusement le modèle classique de Verner Panton ou la Cesca de Marcel Breuer), le trousseau de la maison de Barbie reste encore modeste mais s’offre son premier ascenseur qui deviendra un élément caractéristique de son architecture.
1979 : La maison de Barbie façon banlieue moderniste
Assurément femme des années 80, Barbie démarre la décennie avec une nouvelle maison dont la forme en A rappelle celle du programme immobilier Sea Ranch, initié à l’époque par Charles Moore dans le nord de la Californie. Son architecture post-moderniste avec façades ventilées, portes coulissantes et puits de lumière augure des préoccupations environnementales naissantes mais aussi de l’avènement de l’outdoor la décennie suivante.
The sun shines in
Cette fois encore, très peu de rose mais une palette résolument automnale articulée autour de la teinte Harvest Gold, couleur tendance qui ensoleilla la fin des années 70. Le mobilier en revanche s’étoffe de quelques pièces bariolées comme un large canapé couleur avocat dont la forme plate évoque la célèbre chauffeuse Togo, créée par Michel Ducaroy pour Ligne Roset en 1973.
Transition colorée
En 1986, Mattel commercialisera une nouvelle version de la maison de Barbie conservant l’architecture triangulaire de la précédente mais épousant pour la première fois le total look Barbapapa qui lui collera à la peau jusqu’à nos jours. Au point de devenir une couleur Pantone en 2008 ou de provoquer une rupture de stock de peinture rose en Californie lors du tournage du film de Greta Gerwing l’année dernière.
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1990 : Overdose rose dans la maison de Barbie
Ce n’est qu’à l’aulne des années 90 que Barbie plonge la tête la première dans l’hyperféminité avec cette maison rose pastel qui mélange la fantaisie des colonnes doriques et des fenêtres palatines à une baie de style Tudor. Avec son solarium typique des maisons de banlieue de l’époque et ses papiers-peints Laura Ashley, elle est présentée comme « magique » en raison de son téléphone, de sa sonnette, de sa cheminée et de son lustre fonctionnant à piles. Dotée de la plus grande surface habitable jamais proposée, elle est aussi truffée de détails plus complexes que dans toute autre maison de Barbie.
2000 : Retour en enfance
Bien qu’elle célèbre un nouveau millénaire, cette version victorienne de la maison de Barbie est la plus rétro de toutes. Ressemblant étrangement à son manoir d’enfance représenté sur le tableau décorant sa toute première maison, elle est néanmoins dotée d’un mobilier dont la ligne rappelle les assises moulées en polycarbonate créées par Philippe Starck pour Kartell à la fin des années 90.
2023 : Barbie fait son cinéma
À l’occasion du premier Live Action Movie de son héroïne, Mattel lancera cet été son ultime version de la maison de Barbie, inspirée du film de Greta Gerwing. Cumulant 75 accessoires dont un ascenseur accessible aux fauteuils roulants et de nombreuses options sonores et luminaires, elle possèdera notamment le plus grand toboggan jamais conçu à ce jour pour Barbie, traversant les trois niveaux de l’habitation pour se jeter dans la piscine.
La vraie maison de Barbie …
Des dimensions toutefois modestes comparées à celles de la maison de Barbie grandeur nature aménagée par Mattel à Malibu en 2019 pour les 60 ans de sa poupée. Dotée d’une piscine à débordement, d’une salle de cinéma et d’un terrain de sport, son aménagement mélange du mobilier moderne et vintage du milieu du siècle dernier.
… Et de Ken (qui s’exprime enfin !)
Tout récemment réagencée par Ken, il sera même possible d’y séjourner gratuitement deux nuits cet été pour les heureux gagnants d’une opération promotionnelle organisée par Airbnb à l’occasion de la sortie du film. Pour que le rêve se confonde complètement avec la réalité.