Lisbonne, nouvel eldorado des céramistes français

À Lisbonne, ces cinq dernières années, la scène artisanale s’est enrichie de céramistes français. Aussi doués qu’engagés, ils s’y sont parfaitement intégré.

La deuxième édition de la Lisbon Design Week, qui avait lieu en mai dernier, a démontré que de plus en plus d’artisans venus de France choisissent Lisbonne comme terre d’accueil. Co-fondé par deux entrepreneures belges, Michèle Fajtmann et Julie de Halleux (déjà derrière la foire Lisbon by design), l’événement a mis à l’honneur près de 80 designers et artisans, à travers différents ateliers et lieux de la capitale, dont une bonne dizaine de céramistes français.


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À Lisbonne, un nouveau souffle créatif post-Covid

Pour expliquer ce qui les a amenés à s’installer ici, ces créateurs emploient les mêmes mots clefs : la bienveillance des gens, une douceur de vivre, l’océan, la lumière, la végétation, la nature… Autant d’inspirations pour Cécile Mestelan, Clotilde de Kersauson et Margaux Carel (installées au Studio Mirante), Victoire de Lencquesaing (Main Edition), Amande Haeghen et Alan Louis, qui pratiquent la céramique.

Portrait d’Amande Haeghen.
Portrait d’Amande Haeghen.

Le Portugal a une longue histoire avec l’artisanat en général et la céramique en particulier, qui a fluctué au rythme des contextes économiques. Dans les années 80, de nombreux artisans lusitaniens émigrent pour chercher de meilleurs salaires, délaissant leurs ateliers. En 2008, la crise économique et la dette impactent particulièrement le pays, entrainant un nouvel élan de fermetures forcées. Aujourd’hui, dopée par un regain d’intérêt pour le « slow-life« , l’éco-responsabilité et l’artisanat, la demande est repartie et est devenue telle que les ateliers subsistants sont trop peu nombreux pour y répondre, laissant à de nouveaux la possibilité de s’installer.

Attirés par un immobilier moins coûteux, des démarches administratives simplifiées et suite à des changements professionnels (Alan Louis est un ancien officier de la Marine et Amande Haeghen était manageuse de talents), les internationaux et notamment les français ont tiré parti de cette situation favorable. Et l’un dans l’autre, forte de son héritage et enrichie de ces profils extérieurs, le secteur connait un souffle nouveau. Victoire de Lencquesaing l’affirme : « Ce qui se déclenche à Lisbonne et dans tout le pays, c’est une rencontre avec le monde. Les échanges s’intensifient. » Et le studio Mirante de compléter : « La scène artisanale est riche, abondante, il y a beaucoup de savoir-faire différents et une énorme générosité quant au partage des connaissances. »

Les objets de Cécile Mestelan.
Les objets de Cécile Mestelan.

Soutien et valorisation à l’honneur

Comme le confie Margaux Carel, l’entraide est réelle entre les différents artisans, en termes de conseils, de dépannage, de prêt de matériel… Avec Clotilde de Kersauson, elles se sont formées en amateur à la céramique, avant de se rendre compte que le temps qu’elles passaient en atelier était si conséquent qu’il devenait pertinent d’en faire leur activité principale. Connaissances de longue date, elles développent chacune leur pratique (des sculptures et assiettes modelées pour Margaux, des bougeoirs au tour pour Clotilde) au sein du Studio Mirante.

Clotilde de Kersauson et Margaux Carel de Studio Mirante dans leur atelier.
Clotilde de Kersauson et Margaux Carel de Studio Mirante dans leur atelier.

Dans ce lieu ouvert en 2021 et nommé d’après la rue éponyme, elles orchestrent une curation. Elles racontent : «Nous avons un goût assez éclectique, nous aimons mélanger les styles et les époques. Nous travaillons souvent avec des artistes dont nous aimons l’histoire et la sensibilité. Il est assez difficile à Lisbonne de se faire connaitre, beaucoup d’ateliers sont discrètement cachés au fond d’une cour ou les gens travaillent de chez eux et n’ont pas nécessairement d’endroits pour montrer leur travail donc nous aimons les aider car nous avons la chance d’avoir un espace complètement génial !» Lors de la Lisbon Design Week, elles ont exposé les céramiques colorées de Laetitia Rouget et les patchworks graphiques de Claire Duport, également françaises expatriées, et d’autres créateurs d’ici et d’ailleurs.

Victoire de Lencquesaing (Main Eédition) a aussi assuré une curation au cours de l’évènement. Elle y a exposé les mains ouvertes qu’elle façonne et les objets de sept autres créatifs, parmi lesquels ceux de Studio Haos, studio de design mobilier mené par Sophie Gelinet et Cédric Gepner, basé lui aussi à Lisbonne. Même envie d’accueillir pour Amande Haeghen, faiseuse de lampes aux nuances océaniques. Dès son installation en 2021, elle a pensé un lieu pour son travail mais aussi celui d’autres créateurs. Celui-ci se dévoile désormais derrière un portail en fer rosé et sous le nom House of Haeg. La céramiste précise : « C’est à la fois mon atelier de céramique, de verre mais aussi un studio photo et une chambre noire. Nous accueillons des workshop céramique et photo toutes les semaines et des résidences d’artistes. Le but de ce lieu est de créer une synergie entre médium et un partage entre artistes. C’est un lieu d’échange, de création et d’expérimentation. »

Les mains poétiques de Victoire de Lencquesaing.
Les mains poétiques de Victoire de Lencquesaing.

Par ce travail d’ouverture, toutes se placent dans la lignée de l’artiste plasticienne Stéphane Mulliez, qui lança dès 2018 la Junqueira, une résidence accueillant des artistes, souvent français. Les échanges et la mise en valeur des uns et des autres, et le travail main dans la main entre français et portugais contribuent considérablement à redonner de la vivacité à un artisanat qui séduit depuis longtemps.


En savoir plus sur ces céramistes français 

Autodidacte, Alan Louis a établi un catalogue de formes (boules, picots…) qu’il associe et décline à l’envie dans des créations brutalistes.

Amande Haeghen sculpte la lumière. Depuis son installation à Lisbonne, ses créations portent le nom de plages ou lagunes portugaises comme Faro et Olhao, deux grandes sculptures conçues pour la Lisbon Design Week. Crédit du portrait : Elsa Lebaratoux

Diplômée de l’ECAL en Suisse et installée à Lisbonne à la suite d’une résidence à Vista Alegre, Cécile Mestelan propose une vaisselle utilitaire en grès aux couleurs sable et bleues. crédit photo ©Sanda Vučković

Victoire de Lencquesaing a fait des mains, « notre premier outil, la plus sûre expression de nos intentions, de notre présence au monde », son fil conducteur.

Clotilde de Kersauson et Margaux Carel pratiquent dans leur studio de la rue Mirante depuis environ 3 ans. Elles y organisent également des dîners, des rencontres et des expositions.


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