En plein cœur de la ville de Hyères, le mythique Hôtel du Parc s’est métamorphosé. Sous la houlette du nouveau propriétaire, guidé par le studio Haddou Dufourcq, l’établissement, rebaptisé l’Hôtel Lilou, écrit le prochain chapitre de son histoire. Rencontre.
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Hyères, ville fantasmée
Kim Haddou et Florent Dufourcq, fondateurs du studio Haddou Dufourcq, connaissaient Hyères de loin, et n’y avaient jamais mis les pieds avant de participer au festival Design Parade, en 2018. Le couple à la ville comme à la scène fantasmaient une ville de villégiature peuplée de palaces majestueux, ceux qui ont accueilli de la fin du XVIIIe siècle jusqu’aux années 1950 tant de personnalités, d’Alphonse de Lamartine à Man Ray en passant par Jean Cocteau et, évidemment, les mécènes Charles et Marie Laure de Noailles. Tout une population fortunée désireuses de passer l’hiver sous la douceur méditerranéenne.
Quel ne fut pas l’étonnement du duo lorsqu’ils découvrent que ces établissements ont fermé leurs portes depuis longtemps, transformés notamment en hôpitaux et en habitations. Au milieu de ces bâtiments métamorphosés, l’Hôtel du Parc, construit en 1890 sous le nom d’Hôtel des étrangers avant d’être rebaptisé quelques années plus tard, résistait pourtant encore et toujours à l’envahisseur…
David Pirone rachète en 2020 ce joyau situé dans le centre-ville de Hyères. Séduit par Grotto, projet lauréat en 2018 du Grand Prix Design Parade Toulon et signé Haddou et Florent Dufourcq, diplômés de l’école Camondo et par leur seconde scénographie réalisée l’année suivante pour la Villa Noailles en tant qu’invités, l’entrepreneur confie la rénovation au duo. « David nous a connu alors que nous n’avions décoré que deux pièces de 10 mètres carrées. Malgré tout, il nous a fait confiance. » Ce n’est pas une première. Déjà, pour la création de La Reine Jane, David Pirone avait, épaulé de Jean-Pierre Blanc, ami de longue date et directeur du Centre d’Art, fait appel à 14 designers passés par les bancs de la Villa Noailles.
L’Hôtel Lilou, ode à la lumière de la Méditérannée
Le couple a carte blanche. « Il nous a seulement donné les directives dans les grandes lignes : il désirait un quatre étoiles, un bar, un certain nombre de chambres, un petit salon… Mais en terme de style, il nous a suivi entièrement. » Kim Haddou et Florent Dufourcq, touchés par la nostalgie qui émane de la ville où a grandi David, s’immergent dans son histoire, s’engouffrent dans son patrimoine afin d’en écrire ce nouveau chapitre.
« Nous aimons nous rattacher au lieu, à l’existent. La façade de l’ancien Hôtel du Parc était prometteuse, mais à l’intérieur aucun décor n’avait été conservé de cet âge d’or, pas même une corniche ou un pan de mur sur lequel on aurait pu rebondir. Nous avons donc cherché ailleurs nos inspirations. »
Le duo privilégie des teintes neutres, des camaïeux de beiges et des essences de bois clair que l’on retrouve d’ailleurs dans leur propre appartement parisien. « Nous expérimentons au quotidien des espaces relativement doux, qui évoluent en fonction de la lumière du jour et qui procurent une grande sensation de liberté. A contrario, si vous vous trouvez dans une pièce entièrement rouge, vous allez avoir une réaction. » Les deux designers rendent hommage à la magnifique luminosité qui baigne la cité, typique de la Côte d’Azur. « Une grande partie des chambres est orientée plein sud et est donc accompagnée par cette lumière changeante tout au long de la journée. Ces nuances donnent la part belle aux rayons du soleil, les laissant s’exprimer pleinement. »
Haddou & Dufourcq en dehors des clichés
Les deux acolytes se détachent des clichés propres aux hôtels de la Méditerranée, du bleu Klein et des tomettes brique. L’établissement du centre ville a été imaginé comme une élégante villa, provoquant l’émerveillement grâce aux beaux volumes et à l’architecture plutôt qu’à des couleurs fortes. « À l’époque, on faisait construire des villas pleines d’audace. La reine Victoria passait l’hiver à Hyères, la décoration intérieur des résidences de la famille royale, incroyables, s’inspirait de leurs voyages en Perse. Nous essayons d’évoquer cette ère sans être trop littéral ni tomber dans le pastiche, notamment grâce à des arches mauresques présentes dans certaines chambres. » Le duo imagine quatre décors de chambre différents : « Dans les maisons de famille, chacun a sa chambre préférée ou celle qu’il aménagé selon son goût. Par ailleurs, nous voulions stimuler la curiosités des invités. »
Une grande part du mobilier, des tables aux guéridons en passant par les bureaux et le bar, a été dessiné par Haddou & Dufourcq. Le reste est un mélange joyeux d’époques et de styles. Les chaises Tropique créées par Matthieu Matégot dans les fifties côtoient les sofas en rotin dessinés par Gabriella Crespi dans les années 70.
« L’idée était de faire appel à des pièces fortes de périodes différentes faisant écho à une histoire commune autour du voyage. Sur toutes les images des années 20 que nous avons retrouvées des hôtels hyérois, le rotin, matériau novateur évocateur d’escapade, est légion. Nous voulions retrouvé cette filiation notamment à travers les pièces de Crespi elles-mêmes inspirées de ces assises en rotin des années 20. Nous aimions le flou temporel qui entoure ce matériau. »
Résultat ? Un lieu intemporel, hors du temps et des tendances, qui a vocation à rester d’actualité. « Nous voulions que les hôtes retrouvent l’image fantasmées des hôtels de Hyères de cette époque que nous avions en tête, leur permettre d’expérimenter cette vie là, ce décor qui nous fait voyager et nous transporte ailleurs. »
> Hôtel Lilou, 7, Boulevard Pasteur, Hyères. Informations et réservations ici
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