Quelle femme étiez-vous en 1970, quand vous avez monté Designers Guild ?
Tricia Guild : Passionnée et déterminée. Et je le suis toujours ! Les années 70 et 80 n’étaient pas des années tendres et j’ai dû travailler énormément pour que Designers Guild devienne ce qu’elle est aujourd’hui. Dès que ça a commencé à marcher, nous avons exporté nos produits dans des boutiques et dans des agences de design et d’architecture intérieure du monde entier. Mais c’est à Paris que nous avons exposé pour la première fois, en 1978.
Qu’est-ce qui a changé cinquante ans plus tard ?
Aujourd’hui, les gens me semblent plus sereins quand ils abordent la décoration de leur intérieur, plus sûrs de leurs choix aussi, qu’ils aiment les couleurs neutres ou vives, les motifs chargés ou minimalistes. Les tendances passées étaient enracinées dans des thèmes traditionnels, des chintz classiques, des motifs fleuris déclinés dans des tonalités pastel… Les marques fonctionnaient en compartimentant chaque secteur de création. Aujourd’hui, elles proposent davantage un tout, un art de vivre. Or, c’est ce que nous avons toujours défendu à travers notre univers. Mais surtout, je me suis évertuée depuis les débuts à créer quelque chose qui fasse écho à mon époque.
Quelles ont été les meilleures années ?
Difficile de répondre à cette question, car chaque collection a été une merveilleuse aventure, avec toutefois un summum de travail mais aussi de passion. Parmi les plus mémorables, je dirais peut-être « Paper Roses » (1970), « Geranium » (1976), « Kusumam » (1993), « China Rose » (2003), la « Kids Collection » (2011), « Saraille » (2014), « Caprifoglio » (2015). Et puis, bien sûr, nos gammes d’unis : « Brera » (1996), « Mezzola Maggiore » et « Varese » (2004)…
Une carrière, un voyage
Pourquoi ce titre, Out of the Blue, pour le livre célébrant vos 50 ans de carrière ?
Mon histoire a vraiment commencé out of the blue, c’est-à-dire « à l’improviste ». Je n’ai jamais fait de formation pour devenir architecte d’intérieur. Mais en regardant en arrière, je m’aperçois que tout était là, dès le début. Quant au bleu, c’est effectivement l’une de mes (nombreuses) couleurs favorites.
Qu’avez-vous souhaité dire avec l’exposition au Fashion and Textile Museum, à Londres ?
Expliquer mon travail à travers mes inspirations, mes voyages – en Inde, au Japon, en Scandinavie – et expliquer comment ces inspirations se sont traduites en collections, montrer combien nous attachons d’importance au détail, à la création, à la fibre artistique.
Les voyages sont-ils si importants ?
Absolument. Je n’ai jamais envisagé de créer une collection sans tenir compte des différentes cultures, des multiples paysages et des divers modes de vie des pays traversés. C’est parfois une photo, une œuvre d’art, une archive, un air d’opéra, des fleurs dans un jardin… Chaque nouvelle collection commence toujours de manière artistique, telle une peinture faite à la main. L’important est que cela sonne juste au moment où je la dessine.
Comment voyez-vous le marché actuel ?
Plus averti, plus diversifié, plus généreux. Aujourd’hui, un nombre incalculable de marques offrent un panel créatif très exhaustif. Ce n’était pas le cas dans les années 70. On se rendait dans un magasin de tissus pour acheter du tissu, dans un magasin de luminaires pour acheter des luminaires. Grâce à ces nouveaux réseaux de communication, on est devenu plus ambitieux, plus inventif quand il s’agit de décorer nos intérieurs.
Quel bilan dressez-vous de ces cinquante années ?
Notre offre très large a été la clé de notre réussite, de même que le fait de miser sur l’innovation et sur la qualité. C’est ainsi que nous nous en sommes toujours sortis, même en période difficile, et que nos clients ont toujours cru en ce que nous faisions.
> Designers Guild, Tél. : 01 44 67 80 71, Designersguild.com