Pour Audemars Piguet, BIG crée un musée de l’horlogerie architectural

Au cœur du Jura suisse, capitale mondiale de l'horlogerie, BIG rend hommage aux artisans et horlogers avec le musée Audemars Piguet, une folie architecturale.

On fait souvent l’éloge de l’horlogerie suisse sans forcément savoir qu’une grande partie de ces montres de prestige sont produites dans une région en particulier, pour ne pas dire un épicentre : la vallée de Joux. Une bande de terre nichée à 1 000 mètres d’altitude, au cœur du massif du Jura, le long de la frontière française. C’est là que, à partir du XIXe siècle, des hommes, paysans l’été et horlogers durant les très rudes hivers, ont commencé à déployer un savoir-faire d’exception.

Rendre hommage aux horlogers et artisans

En 1875, Jules-Louis Audemars et Edward Auguste Piguet vont ainsi poser les bases de la manufacture Audemars Piguet en s’installant dans une maison du Brassus. La société s’est évidemment développée avec le temps et cette Maison des fondateurs a été transformée en musée. Mais elle n’était pas d’une ampleur suffisante pour dévoiler toute l’histoire de l’entreprise. « Nous souhaitions que les visiteurs puissent vivre notre patrimoine, notre savoir-faire, nos origines culturelles et notre ouverture sur le monde dans un espace qui reflète à la fois nos racines et notre esprit visionnaire, précise Jasmine Audemars, présidente du conseil d’administration. Mais nous voulions avant tout rendre hommage aux horlogers et aux artisans qui, de génération en génération, ont fait de la manufacture Audemars Piguet ce qu’elle est aujourd’hui. »

Épuration sans contraintes

En 2004, un concours restreint est lancé pour compléter le dispositif existant – entièrement réagencé au passage – et c’est l’agence danoise BIG, en duo avec le bureau suisse CCHE, qui remporte le projet. Avant de rendre sa copie, Bjarke Ingels a profité d’un voyage sur place pour visiter Le Brassus ; il rentre marqué par l’environnement très naturel de la vallée, mais aussi par la culture horlogère, qu’il méconnaissait. « J’ai pris conscience que la volonté d’épure des maîtres ne doit en rien contraindre les performances d’une montre, ces fameuses complications qui caractérisent la très haute horlogerie », fait remarquer l’architecte.

Il propose alors un édifice jouxtant le bâti historique et s’appuie pour cela sur une forme circulaire, récurrente dans cet univers. Et, pour créer la dynamique intérieure de l’espace, il interprète le principe du ressort spiral, qui sert à accumuler l’énergie pour battre la mesure et assurer le mouvement horloger.

Du land art architectural

Et le projet de dialoguer avec la nature grâce à des parois totalement transparentes et à un toit végétalisé. Au total, ce sont 108 panneaux de verre courbes (comprenant six couches) qui constituent l’ossature du bâtiment et viennent soutenir un couvrant de quelque 470 tonnes. « Le verre est un matériau certes fragile, mais lorsqu’une plaque, qui plus est incurvée, est disposée à la verticale, le taux de compression qu’elle peut recevoir est encore supérieur au béton », souligne l’architecte.

Et si le résultat fini semble d’une simplicité biblique, la mise en œuvre s’est révélée d’une grande complexité. Pour ne pas dire qu’elle a tenu de l’exploit. « Il a fallu convaincre les autorités d’accepter de sortir des règles d’un bâti doté d’un toit à deux pans obliques, rappelle Bjarke Ingels. Aujourd’hui, tout le monde adore le projet… qui ressemble presque davantage à une œuvre de land art qu’à un bâtiment. »

Certes, mais l’architecture de 2 500 m2 est bel et bien fonctionnelle. La muséographie réalisée par les Allemands de l’Atelier Brückner présente environ 300 objets horlogers cohabitant avec deux ateliers opérationnels au quotidien ; l’un voué au travail des grandes complications et l’autre aux métiers d’art. Pour assurer des conditions parfaites pour le personnel, BIG a conçu un mobilier spécifique, géré la question de l’acoustique et imaginé un brise-soleil réalisé dans une maille en laiton dont la forme répond à l’incidence des rayons de l’astre du jour sur le bâtiment.

Un oxymore à la complexe simplicité de l’horlogerie

« Avec ce projet, nous avons presque créé un oxymore qui fait bien écho à la complexe simplicité de l’horlogerie », résume l’architecte. Prochaine étape : le rendu, en 2021, de l’Hôtel des Horlogers voisin, pour lequel BIG a conçu un projet tout aussi insolite.

> Musée Atelier Audemars Piguet. Route de France 18, Le Brassus, 1348 Le Chenit, Suisse. Tél. : +41 21 642 32 66. Museeatelier-audemarspiguet.com

En haut des panneaux de verre, un treillis en laiton fait office de brise-soleil.
En haut des panneaux de verre, un treillis en laiton fait office de brise-soleil. Iwan Baan
L’audacieuse architecture signée BIG, l’agence de Bjarke Ingels, est un bel hommage au mouvement horloger avec son interprétation du principe du ressort spiral.
L’audacieuse architecture signée BIG, l’agence de Bjarke Ingels, est un bel hommage au mouvement horloger avec son interprétation du principe du ressort spiral. Iwan Baan
A l’intérieur du musée, un maximum de lumière naturelle, élément indispensable aux techniciens du fabricant.
A l’intérieur du musée, un maximum de lumière naturelle, élément indispensable aux techniciens du fabricant. Iwan Baan
Le musée vu du ciel…
Le musée vu du ciel… DR