Comment cette société de débarras de maison est devenue la meilleure amie des antiquaires

En vingt ans, Di Mano in Mano, coopérative sociale milanaise de débarras d’habitations, est devenue une actrice majeure du monde des antiquaires, tout en préservant ses valeurs d’entraide et d’insertion professionnelle. Un modèle vertueux à plus d’un titre.

À l’origine, il s’agit surtout d’une histoire de solidarité. Di Mano in Mano (« de la main à la main », en français) a vu le jour en 1999 à l’initiative d’un groupe de jeunes issus de la communauté familiale de Villapizzone (une structure expérimentale de vie collective développée à Milan dans les années 70 par une poignée de familles et quelques pères jésuites visionnaires, NDLR).


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Ensemble de bustes en marbre, terre cuite et terre cuite de Signa (fin XVIIIe à début XXe).
Ensemble de bustes en marbre, terre cuite et terre cuite de Signa (fin XVIIIe à début XXe). Filippo Bamberghi

Organisée en coopérative, la structure a eu d’emblée pour objectif d’appliquer les mêmes valeurs sociales fondées sur le respect de l’autre dans le monde du travail. Au départ, le cadre professionnel est simple et ne nécessite que peu de compétences : proposer une prestation de débarras à quiconque souhaite vider un appartement, une maison, un local professionnel…

Si le service est évidemment payant, à un coût toutefois très raisonnable, Di Mano in Mano se fait fort de compléter les gains obtenus par la revente des biens collectés. Chaque collaborateur est rémunéré, mais il n’y a pas d’écart de salaire tel qu’on peut l’observer dans une entreprise classique.

En vingt ans, Di Mano in Mano est devenue un acteur majeur du monde des antiquaires tout en préservant ses valeurs, 2023 – IDEAT
En vingt ans, Di Mano in Mano est devenue un acteur majeur du monde des antiquaires tout en préservant ses valeurs, 2023 – IDEAT Filippo Bamberghi

De même, chacun gère son emploi du temps selon ses contingences personnelles ou familiales – une souplesse qui a depuis fait son chemin dans le monde du travail –, et les bénéfices sont intégralement réinvestis dans le fonctionnement de la structure – soit l’acquisition d’équipements, l’accroissement du nombre d’employés, le financement des formations…

Di Mano in Mano va non seulement rencontrer un écho très positif chez les personnes et les sociétés à la recherche de ce type de service, mais aussi s’imposer comme une formidable plate-forme de retour à l’emploi pour des personnes en difficulté, souvent sans formation et en mal de repères.

Chaises N° 634 par Carlo De Carli (Cassina, 1954), petite table avec plateau en marbre, en provenance de Florence (seconde moitié du XIXe), et lampe Gatto par Achille et Pier Giacomo Castiglioni (Flos, 1960).
Chaises N° 634 par Carlo De Carli (Cassina, 1954), petite table avec plateau en marbre, en provenance de Florence (seconde moitié du XIXe), et lampe Gatto par Achille et Pier Giacomo Castiglioni (Flos, 1960). Filippo Bamberghi

« Initialement, nous étions une douzaine et disposions d’un local modeste pour stocker les biens. Mais les sollicitations de plus en plus nombreuses nous ont permis de nous agrandir et de créer d’autres emplois. Aujourd’hui, nous sommes une centaine, épaulés par une trentaine de jeunes en insertion », explique Enrico Sala, qui travaille depuis l’origine au sein de la coopérative et fait désormais valoir, outre ses talents de manager, une expertise de référence sur les antiquités.

Car, au fur et à mesure des missions, Di Mano in Mano va mettre la main sur des œuvres d’art, du mobilier ou bien des livres d’une valeur qui dépasse de loin celle croisée dans une simple brocante. « Chacun de nous a décidé de se spécialiser dans un domaine, pour délivrer une expertise de qualité », ajoute-t-il.


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Des experts en la matière

Enrico Sala (à gauche), le directeur de Di Mano in Mano, et l’un de ses collaborateurs, Mattia, expertisant deux bronzes du début du XIXe siècle. À leurs pieds, Portrait du jeune Donizetti, attribué à Francesco Coghetti (vers 1825), et, à l’arrière-plan, Nature morte par Maximilian Pfeiler (début XVIIIe).
Enrico Sala (à gauche), le directeur de Di Mano in Mano, et l’un de ses collaborateurs, Mattia, expertisant deux bronzes du début du XIXe siècle. À leurs pieds, Portrait du jeune Donizetti, attribué à Francesco Coghetti (vers 1825), et, à l’arrière-plan, Nature morte par Maximilian Pfeiler (début XVIIIe). Filippo Bamberghi

De même, certains collaborateurs vont chercher à acquérir de solides compétences en restauration de mobilier et d’œuvres d’art, qu’il s’agisse de pièces anciennes ou d’objets plus récents. « Ne l’oublions pas, Milan est la capitale du design, et nombre d’habitations ont été aménagées avec ce type de mobilier que nous cherchons à remettre en état », rappelle Enrico Sala.

Si, depuis 2016, l’intégralité des références est consultable et achetable en ligne, il ne faut pas hésiter à faire le déplacement à Cambiago (Via Castellazzo 8) pour prendre la mesure du dispositif de 4 000 m2 et plus encore de l’incroyable stock dont dispose aujourd’hui Di Mano in Mano.

Le restaurateur Davide travaille sur une console des années 50 de fabrication italienne. Fauteuil Senior, de Marco Zanuso (Artflex, 1952).
Le restaurateur Davide travaille sur une console des années 50 de fabrication italienne. Fauteuil Senior, de Marco Zanuso (Artflex, 1952). Filippo Bamberghi

En ayant de surcroît à l’esprit que les pièces sont souvent disponibles à des tarifs très compétitifs. « Nous sommes conscients de ce que nous avons en notre possession. Aussi, nous avons décidé en 2021 de créer une entité spécifique pour les objets de grande valeur baptisée Fine Art by Di Mano in Mano. Nous n’avons pas trop sectorisé les objets puisqu’à l’heure actuelle les architectes d’intérieur comme les amateurs aiment faire dialoguer les époques et les styles », ajoute l’expert en art ancien.

Pour mettre en avant ces trésors, la structure s’est dotée d’un espace d’exposition dans Milan (Viale ­Espinasse 99), où elle n’hésite pas à faire intervenir designers et décorateurs pour gérer des accrochages, à l’image de Daniele Daminelli, de Pietro Russo ou encore de Tommaso Spinzi, quant à lui chargé d’orchestrer une présentation dans le cadre du Lake Como Design Festival.

Si cette évolution atteste du très grand professionnalisme désormais déployé, elle n’entache en rien la mission première de la coopérative, très attachée aux valeurs de bienveillance.


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