Que Christophe Delcourt soit français était-il déterminant pour le solliciter ?
Roberto Minotti : Cette décision remonte à 2016 et mes intuitions ont été récompensées. Nous suivions son travail depuis longtemps. Son charme parisien relevé d’une touche de modernité, sa sensibilité aux matériaux et aux couleurs, c’est ce qui nous a séduits. Cette approche singulière nous a convaincus pour enrichir notre ADN, relié à l’architecture intérieure plus qu’aux pièces de mobilier elles-mêmes. Le projet de créer des chaises, des rangements et des tables a finalement évolué vers la conception de systèmes d’assises, comme Granville en 2018 et Daniels cette année. Articulés, ces ensembles de canapés modulables, activité centrale de Minotti, composent de nouveaux paysages pour de grands intérieurs raffinés.
Christophe Delcourt : Connaissant mon travail, l’entreprise m’a donné carte blanche. Ils m’ont dit les choses ainsi : « Propose-nous du mobilier et des assises correspondant à ce que Minotti représente pour toi aujourd’hui. » Sans aucune contrainte, pas même de matériaux…
Attendaient-ils de vous quelque chose de spécifiquement français ?
C.D. : Ils voulaient travailler avec un designer français, c’est vrai. Minotti appréciait cette vision que l’on a d’architecte d’intérieur plutôt que de designer pur. Et mon approche de la matière leur importait beaucoup.
R.M. : Christophe apporte un dialogue dynamique ; il a tout de suite exprimé son intention d’aller plus loin que le pur design de produit pour plonger davantage dans la façon dont les espaces évoluent au diapason des habitudes des utilisateurs. Nous avons beaucoup parlé de nouveaux matériaux et de finitions en définissant des caractéristiques précises, afin de rendre cohérente chaque pièce de mobilier. Ce partage d’intuitions et d’expertise, c’est totalement gagnant-gagnant.
« La question était de savoir ce que je pouvais apporter, mais sans imposer mon design »
Sur quoi l’ADN de Minotti repose-t-il ?
R.M. : Sur une esthétique discrète, une élégance intemporelle, du pur made in Italy et un artisanat mêlé d’innovation. Cela représente soixante-dix ans d’héritage, d’où notre volonté d’affirmer un style reconnaissable. Nos collections répondent à un goût transversal et universel, reflet de ce « code Minotti ». Nous avons donc toujours évolué dans un souci de continuité. Nous tenons à produire en Italie, ici, à Meda, dans la Brianza. C’est la seule façon de garantir un haut niveau de qualité, assorti d’un véritable dévouement envers nos clients, et c’est ce qui nous vaut partout une solide réputation.
Gardiez-vous toujours en tête ce fameux code Minotti, Christophe ?
C.D. : Mon travail de designer est de rentrer dans la marque, de comprendre les soixante-dix ans de création de Minotti, dont vingt sous la houlette de l’architecte Rodolfo Dordoni. La question était de savoir ce que je pouvais apporter, mais sans imposer mon design.
Quel est l’esprit général de Daniels ?
C.D. : L’objectif est de pouvoir composer n’importe quelle forme de canapé ; c’est ce qui démontre toute la force de savoir-faire d’une marque. Avec un catalogue bien fourni en éléments différents, près de 150 variations sont possibles : angle droit, rond, méridienne intégrée ou non…
« Je suis inspiré par les artistes décorateurs français. Mon écriture recherche la séduction »
Et pour la table basse ?
C.D. : J’ai opté pour des éléments inscrits dans le prolongement du canapé. Droite ou courbe, la nouvelle table Amber est un rangement sur lequel on peut poser une lampe, par exemple. Fini la table basse en face du canapé dans laquelle on risque de buter !
Comment vos créations pour Minotti ont-elle été reçues ?
C.D. : L’accueil a été formidable. Avec mes courbes, je voulais du mobilier enveloppant. Je ne suis pas un pur designer industriel. Je suis inspiré par les artistes décorateurs français. Mon écriture recherche la séduction.
Quand vous créez, pensez-vous au secteur du contract ?
C.D. : Pour moi, c’est intéressant que les frontières entre la sphère domestique et le contract disparaissent. Je crois qu’avec Daniels on a réussi cela. Le système s’adapte aussi bien à un hall d’hôtel qu’à un appartement de 50 m2, avec la même écriture et le même confort.
Quel est le plus grand défi de Minotti ?
R.M. : Voir loin dans un monde qui bouge très vite, en restant fidèle à notre héritage et sans perdre de vue la complexité d’un marché mondialisé. Nous sommes très fiers d’être une société familiale dont la troisième génération devrait garantir cette continuité, en poussant plus loin notre projet de faire de Minotti une « maison » dans le domaine du design.