Axelle de Buffevent, directrice de création de Perrier-Jouët

Si le terme « directeur de création » évoque, historiquement, le monde de la publicité dans lequel il est né, cette fonction s’épanouit dorénavant au sein des marques de luxe, quel que soit le domaine. C'est le cas de la marque de champagne Perrier-Jouët et de sa directrice artistique, Axelle de Buffevent.

Rencontre inspirante avec Axelle de Buffevent, directrice de création de Perrier-Jouët depuis 2012, qui lance une collection d’ouvrages.


IDEAT : Quel est le rôle d’une directrice de création ?  

Axelle de Buffevent : Pour moi, chez MMPJ (Martell Mumm Perrier-Jouët, NDLR), il s’agit avant tout de transformer nos maisons en leaders culturels. Inspirer, injecter de la créativité et, naturellement, de la cohérence dans les dispositifs mis en place pour aller à la rencontre de notre clientèle. S’inscrire dans le temps long, entre héritage (en 1902, Émile Gallé avait dessiné l’iconique bouteille Perrier-Jouët, NDLR) et pertinence culturelle actuelle.

IDEAT : En quoi consiste ce travail ?  

Axelle de Buffevent : Mon quotidien est d’apporter plus de culture au sein de l’entreprise et du monde du luxe. Ce travail, soutenu par une importante équipe de planning stratégique et créatif en interne, s’articule autour des mots, de la mémoire, de l’expérience, de l’image animée ou fixe, du design de produit et de l’environnement. Cela consiste, par exemple, à inviter des artistes qui ont cette capacité extraordinaire à mieux percevoir le monde que nous et qui nous aident à montrer la voie, à ouvrir des chemins.

Au sein de la maison Perrier-Jouët, Axelle de Buffevent œuvre pour apporter davantage de culture dans le monde.
Au sein de la maison Perrier-Jouët, Axelle de Buffevent œuvre pour apporter davantage de culture dans le monde. DR / Ed Reeve

IDEAT : Comment cela se matérialise-t-il ? 

Axelle de Buffevent : D’une part, il s’agit de répondre, en étant le plus créatif possible, à des problématiques commerciales de campagnes de publicité, de design de packaging (le coffret du studio Mischer’Traxler pour la cuvée Perrier-Jouët Blanc de blancs, NDLR) et d’expérience client (l’arbre HyperNature de la créatrice Bethan Laura Wood, NDLR). D’autre part, il faut continuer à construire nos patrimoines, à les faire vivre et à être toujours à la pointe, culturellement, pour s’assurer que nos réponses auront du sens. Aujourd’hui, mais aussi demain. 

IDEAT : Pourquoi avoir choisi de lancer une collection de livres avec Jean Boîte Éditions ? 

Axelle de Buffevent : Il y a deux ans, nous nous sommes retrouvés dans un monde à l’arrêt avec cette impossibilité d’organiser des foires, de faire voyager les œuvres et les artistes. Chez MMPJ, nous avons alors cherché comment continuer à véhiculer des idées qui sont, pour nous, de plus en plus ancrées dans notre terroir : le respect de la terre, des cycles, puisque nous venons de là – la nature. Cela a donné lieu à une discussion avec David Desrimais (cofondateur avec Mathieu Cénac de Jean Boîte Éditions, en 2011, NDLR), qui s’est concrétisée par la publication du livre Sentir, de Ryoko Sekiguchi (paru en 2021, NDLR). La première brique de cette bibliothèque enchantée Perrier-Jouët. 

L’ouvrage Alchimie moderne fait écho à la philosophie de l’Art nouveau, fondatrice de la marque de champagne, « dans laquelle il n’y avait pas de frontières entre les disciplines », souligne Axelle de Buffevent.
L’ouvrage Alchimie moderne fait écho à la philosophie de l’Art nouveau, fondatrice de la marque de champagne, « dans laquelle il n’y avait pas de frontières entre les disciplines », souligne Axelle de Buffevent. DR

IDEAT : Comment est né le livre Alchimie moderne ?

Axelle de Buffevent : David avait très envie de faire appel au philosophe Emanuele Coccia, car c’est lui qui a remis la nature et le végétal au cœur de la réflexion philosophique (il est notamment l’auteur de La Vie des plantes (2017), a été conseiller sur l’exposition « Nous les arbres » à la Fondation Cartier (2019), NDLR). Or, joli hasard, le jour même où Emanuele découvrait la maison Perrier-Jouët, à Épernay, Viviane Sassen shootait notre dernière campagne de publicité dans les vignobles. Ils ont immédiatement eu envie de construire ensemble, chacun avec leur médium, mais de façon séparée, sans qu’aucun des deux n’illustre ou ne commente le travail de l’autre.

Alchimie moderne n’est ni un livre de photos ni un essai : c’est une rencontre, un objet un peu ovni qui repousse les frontières et fait, d’une façon totalement contemporaine, écho à la philosophie de l’Art nouveau – si fondatrice de Perrier-Jouët –, dans laquelle il n’y avait pas de frontières entre les disciplines.

La directrice de création est à l’origine, avec Jean Boîte Éditions, de la naissance du livre Alchimie moderne, une série de 80 photos et un essai qui s’unissent pour montrer la puissance créatrice de la matière au sein du vivant.
La directrice de création est à l’origine, avec Jean Boîte Éditions, de la naissance du livre Alchimie moderne, une série de 80 photos et un essai qui s’unissent pour montrer la puissance créatrice de la matière au sein du vivant. DR

IDEAT : Quelle finalité voulez-vous donner à cette collection ?

Axelle de Buffevent : Notre désir est de construire une bibliothèque d’œuvres vers lesquelles on revient régulièrement. Ces livres que l’on aime et dans lesquels on va replonger. C’est la notion d’ouvrage de référence qui nous intéresse, tout comme Jean Boîte Éditions. Je pense que ce sont les idées, aujourd’hui, qui vont faire bouger le monde et nous avons donc besoin de les partager le plus largement possible.

IDEAT : Perrier-Jouët continuera-t-elle à soutenir le design, comme elle le fait depuis dix ans en commissionnant des expositions ?

Axelle de Buffevent : Nous poursuivons nos collaborations avec Design Miami, Design Art, à Tokyo, West Bund Art & Design, à Shanghai, avec la volonté de donner de la visibilité à de jeunes talents. De la même façon que les designers nous ont beaucoup apporté dans notre réflexion – qu’est-ce qu’être une marque dans le monde de la création ? –, les idées amènent à nous interroger sur ce qu’est une marque par rapport à la nature, à notre environnement, y compris socialement.