«À Reggio Emilia, il faut pousser les portes en bois des vieilles bâtisses du centre historique pour découvrir… » Stop aux clichés éculés, même teintés de vérité ! Il y a quatre ans, Domenico Rocca se lançait dans la rénovation de la maison de sa grand-mère, Via della Concia. La diviser en appartements ? Pas question ! Le fondateur, avec Alberto Nespoli, d’Eligo Studio a eu la bonne idée de faire non pas un boutique-hotel de plus mais une locanda (« auberge ») d’aujourd’hui. Tour du propriétaire
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Une architecture médieval
L’état délabré de la bâtisse représentait un enjeu de taille. Domenico Rocca a dû se transformer, comme il le décrit, en « coarchitecte, client, gestionnaire de budget et futur hôtelier ». Le stress n’aurait pas été aussi grand si le duo n’avait eu l’ambition de créer un lieu remarquable.
Certains éléments de la maison – qui fut un cloître, une filature puis une tannerie – remontent à la période médiévale. Les deux professionnels ont passé tout en revue, hospitalité comprise. Une fois la porte en bois rouge de l’entrée franchie, les clients sont reçus de façon personnalisée, qui augure du caractère intime des lieux.
Pour Alberto Nespoli, « c’est une question de culture, je dois éprouver le même confort mental que chez moi. En France, je n’irais pas dans une chaîne d’hôtels qui ne serait que le reflet de mon statut social, avec un service impersonnel ». Selon lui, l’authenticité de l’accueil ainsi que celle de la cuisine du chef participent de cette intimité.
La partition d’Eligo Studio brouille rapidement les frontières entre ce qui est vintage et ce qui ne l’est pas. Si beaucoup de meubles ont été dessinés par l’agence, le choix du mobilier a été confié en partie au studio To-do, spécialisé dans le design du XXe siècle. Au rez-de-chaussée, dans l’entrée, les fauteuils Caccia et les miroirs inspirés de la décoration des bistrots sont une création d’Eligo Studio.
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Quant à la rénovation du lieu, les architectes ont conservé tout ce qu’ils ont pu : les escalier, les sols, les murs et les poutres. Ils n’ont pas hésité cependant à faire recouvrir les sols de carreaux de terre cuite ou à chauler les murs : Alberto Nespoli fait toujours confiance à son associé pour le choix des couleurs qui, ici, ignorent les tons vifs, à l’exception du panneau en stuc violet autour de la cheminée du restaurant Le Bistrot. La jeune cheffe qui y reçoit fait découvrir une savoureuse cuisine locale, mais en la twistant.
On reconnaît là la patte d’Eligo Studio, toujours partant pour revisiter la tradition à l’image du style « campagne » des chaises. Dans la suite du dernier étage, l’espace cuisine est l’occasion de découvrir le travail du designer artisan Giacomo Moor, au travers du bloc de métal brut, aussi casual que monumental. Il n’en demeure pas moins que l’essentiel pour les architectes est le sentiment de convivialité, qui règne jusqu’à la petite piscine sur le toit !
Dans certaines chambres (huit au total dont deux suites), les cloisons de verre strié séparant la salle de bains contribuent à cette impression, tout en apportant de la lumière. Ce verre cannettato, ou cannelé, fait référence à celui prisé de certains maestri, comme Luigi Caccia Dominioni (1913-2016).
Ce projet, qui a triomphé de la crise sanitaire, répond en tout point aux attentes de Domenico Rocca. Dans leur activité d’enseignants (à la Nuova Accademia Di Belle Arti et à la Creative Academy, à Milan), les deux architectes d’intérieur insistent constamment sur l’histoire des styles italiens pour en souligner la pertinence. Un précepte qu’ils ont largement appliqué à la Locanda la Concia.
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