C ’est dans le très « français » quartier Brugmann – un peu le Saint-Germain-des-Prés bruxellois avec ses immeubles de style haussmannien et ses hôtels particuliers – que Lucia Esteves vit et travaille, c’est son fief ! L’acquisition de son nouveau logement lui ressemble: spontanée !
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Flamme septante
Elle raconte que, dans l’heure de la signature de la vente de sa maison, elle remarque dans la vitrine d’une agence l’annonce d’un appartement avec, en photo, une magnifique cheminée en laiton seventies inscrite dans un mur en velours vert-mordoré: coup de cœur, visite le lendemain, achat en dix minutes…
« J’ai beau faire partie d’une famille de l’industrie du textile, ce qui m’anime est la création d’univers, trouver l’âme d’une pièce, ce qui se construit autant avec une sensibilité qu’avec des matériaux. J’ai voulu cet appartement-là pour m’exprimer de A à Z et transmettre mon énergie », révèle la décoratrice.
Dans un premier temps, les « racines » de la construction lui paraissant puissantes, Lucia choisit d’en conserver l’essence : le sol de la cuisine, le mur tapissé et la fameuse cheminée du salon. « Je garde autant que possible les éléments d’origine parce que cela fait partie de l’histoire, de la mémoire d’un endroit, comme s’il avait une personnalité. Ensuite, je sublime l’existant. » Pièce maîtresse de son appartement, la cheminée en laiton d’époque a inspiré sa décoration tout en rondeurs et en matières organiques, emblématiques des années 70.
Dans un deuxième temps, les espaces ont été ouverts et redistribués pour faire entrer la lumière et pour profiter des frondaisons de l’avenue Brugmann. Dans la cuisine, le mobilier seventies, avec ses petites arêtes en aluminium, a été conservé et repeint; Lucia a joué le contraste avec un marbre « matiéré » associé à des éléments bleu-vert unis.
Des panneaux de noyer d’Amérique teinté, comme on peut en voir dans les maisons américaines du mouvement Mid-Century Modern (1945-1969), habillent les murs du couloir pour lui donner un caractère sophistiqué. Pour ce projet, Lucia s’est chargée de la direction artistique. Et s’est appuyée sur un architecte, Maxime De Campenaere.
L’amour des beaux objets
C’est rue Blaes, près des Sablons (un repaire d’antiquaires), qu’elle aime chiner son mobilier: les fauteuils en cuir Amanta, de Mario Bellini (1968, C&B Italia), les incontournables sièges Togo, de Michel Ducaroy (1973, Ligne Roset), les chaises Tulip, d’Eero Saarinen (1956, Knoll)… Seuls accessoires de facture récente, les suspensions en laiton Gervasoni signées Paola Navone, qui font écho à la cheminée.
Pour dégoter ses trouvailles, la maîtresse des lieux se rend chez RotorDC, récupérateur de matériaux de construction (voir IDEAT HS architecture #27) et d’objets vintage. On retrouve aussi de sublimes tapis de l’artiste belge Carine Boxy, en peaux de mouton teintées.
Le tapis bleu électrique du salon twiste avec les coloris sourds de l’appartement, apportant une touche actuelle, mais reliée avec les seventies. Des fourrures qui contribuent à créer une atmosphère chaleureuse et un peu sauvage.
Des panneaux japonais translucides, qui se superposent pour moduler la lumière, ont été ajoutés devant les fenêtres, en plus des rideaux, un dispositif que Lucia propose aux clients qui lui confient leur intérieur après avoir passé la porte de son concept-store. Car, arrivée à l’étape de la décoration, Lucia a l’impression de « re-sculpter les espaces. »
Elle poursuit: « Je m’appuie sur une harmonie des couleurs et des matières que les lieux ou la personnalité des clients m’inspirent. Je parle plus d’émotions que de prise de mesures… Tout ce qui est invisible et sensible me touche. Je ne me contente pas de vendre des meubles et des objets, j’accompagne ma clientèle. Je ne suis pas enfermée dans un style. Si les années 70 m’attirent, je sais m’adapter. Dernièrement, j’ai travaillé sur un appartement très contemporain. Évidemment, j’ajoute ma patte et celle-ci est assez organique: j’adore les peaux, les plantes, je collabore beaucoup avec des céramistes, j’apprécie l’artisanat, l’empreinte de la main… »
Lucia aime aussi composer avec la couleur, car celle-ci possède une vocation émotionnelle. Aussi peint-elle toutes les pièces jusqu’au plafond dans des teintes profondes (de la marque Ressource). Plus qu’une capsule spatio-temporelle, l’appartement de Lucia est un livre ouvert sur sa personnalité.
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