Abribus portugais : une véritable leçon d’architecture

En sillonnant le Portugal, l’artiste Étienne Bouet a découvert une diversité de formes insoupçonnée : celle des abribus qui ponctuent les routes de campagne et dont il a décidé de dresser un inventaire non exhaustif en publiant un livre de photographies sur le sujet.

En béton brut ou peint, en métal, en bois, en verre, en matière plastique… les abribus portugais ne semblent pas tous sortis du même moule, ni de la patte du même designer ou architecte. C’est ce dont on prend conscience en ouvrant l’ouvrage Contemporary bus stops design (PT) d’Étienne Bouet. Lors d’un voyage à travers le Portugal, cet artiste aux pratiques multiples (photographie, peinture, graphisme, musique…) fait ce constat d’une incroyable profusion architecturale, à la fois dans les styles et les factures, pour un objet extrêmement modeste.


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Aux abribus anonymes

La simple remarque visuelle va devenir au fil de son parcours une vraie curiosité. Il constate très vite que ces abribus ne comportent aucun nom d’arrêt, aucun panneau publicitaire, très rarement des signalétiques et quasi jamais de mention de ligne. Et pourtant, à bien y regarder, certaines de ces micro-architectures, aussi anciennes soit-elles, semblent régulièrement faire l’objet de rénovations, d’ajustements, ou encore de réparations.

L’artiste Étienne Bouet.
L’artiste Étienne Bouet.

Cette non-uniformité est d’autant plus frappante que la conception de ces objets ne semble régie par aucun processus industriel qui viserait à en simplifier la fabrication. Mais peut-être est-ce aussi notre esprit français qui est conditionné par le fait qu’une entreprise française détient le quasi monopole dans l’Hexagone de la fabrication de ce type d’équipement public et imprime ainsi une sorte de marque de fabrique ? Tandis qu’ici, au Portugal, la fabrication semble laissée au libre arbitre de chacune des communes.

« Le choix des matériaux et leur mise en œuvre sont guidés par des enjeux de simplicité et de cohérence, explique Étienne Bouet. Le métal et le béton se retrouvent sur l’ensemble du territoire et forment la base du réseau. Le plus répandu et le plus primaire à la fois est celui fabriqué en tôles. La version de base possède une ossature de section carrée, une couverture et des murs en tôle, à la façon des bâtiments secondaires des maisons comme les garages. »

Il y manque souvent des indications qui nous semblent essentielles : nom de l’arrêt, itinéraires des lignes, heures de passage… © Étienne Bouet
Il y manque souvent des indications qui nous semblent essentielles : nom de l’arrêt, itinéraires des lignes, heures de passage… © Étienne Bouet

« Du design ordinaire au design pas si ordinaire« , selon Étienne Bouet

Rien qu’en l’espace d’une vingtaine de kilomètres, le photographe va jusqu’à relever 15 modèles différents, de toute époque et de toute facture, mais qui ne se réfèrent jamais à un quelconque langage folklorique. Autrement dit, impossible d’y déceler un héritage spécifiquement portugais. Il en vient à se dire qu’il a rarement pu observé dans le passé une telle non-uniformité dans une production typologique à priori simpliste. S’il devait compter le nombre de références croisées, la liste atteindrait probablement les 200.

Le livre « Contemporary Bus Stops Design » d’Étienne Bouet fait le constat, au Portugal, d’un grande diversité de formes d’un objet du quotidien pourtant modeste, les abribus © Étienne Bouet
Le livre « Contemporary Bus Stops Design » d’Étienne Bouet fait le constat, au Portugal, d’un grande diversité de formes d’un objet du quotidien pourtant modeste, les abribus © Étienne Bouet

« Avec cette multitude formelle d’arrêts de bus, on progresse du design ordinaire au design pas si ordinaire, avec parfois des structures conçues avec des éléments plus complexes, qui tendent vers l’architecture. Au cours d’un trajet en car au Portugal, on peut voyager d’un abribus en béton de style brutaliste à un autre surgit des années 1970 en structures métalliques et bulles de plexiglass. »

Dans l’ouvrage, les photos ne comportent aucune présence humaine, pas plus que l’on n’y voit de bus. Bus dont Étienne Bouet ne croisera d’ailleurs jamais de spécimens sur les routes durant son trajet. La mise en page qui demande que l’on fasse pivoter le livre de 90° pour le mettre en format à l’italienne, agit un peu à la manière d’un catalogue de formes. On découvre ces micro-architectures dans leur environnement et dans leur simplicité à la fonctionnalité double.

Parfois, les abribus portugais se réduisent au stricte minimum. © Étienne Bouet
Parfois, les abribus portugais se réduisent au stricte minimum. © Étienne Bouet

Celle d’être une structure d’accueil – un abri – pour les potentiels voyageurs dans l’attente du bus à venir à heure dite, et celle induite d’être un repère dans le paysage indiquant justement où attendre, ou soulignant simplement le fait qu’un bus passe bien sur cette route. « Pour être raccord avec l’esprit de ces micro-architectures, je voulais justement un ouvrage modeste, de petite taille, facile à manipuler. Un « beau » livre, de grande taille, n’aurait pas aussi bien servi le projet éditorial », conclut l’auteur et photographe, Étienne Bouet.

> « Contemporary bus stops design (PT) », par Étienne Bouet, Paragem Editions, 240 x 165 mm, 48 pages, relié, deux prints détachables, 19 €.


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