Le ressenti guide Garance Vallée dans chacun de ses projets. Designer, scénographe, peintre : sa palette est infinie et pourtant un fil cohérent unit les différentes disciplines. Son histoire d’abord mais aussi les formes sinueuses et mouvantes qui rappellent sa passion pour la danse et les matières brutes qui évoquent sa formation d’architecte. Elle revient sur son dernier projet avec Sandro, une nouvelle expérience qui dévoile son langage artistique.
IDEAT : Pourriez-vous nous parler de votre dernier projet, la conception des vitrines des boutiques parisiennes de Sandro ?
Garance Vallée : Quand la marque Sandro est venue vers moi, l’idée était d’imaginer une vitrine ouverte vers l’extérieur, qui puisse créer des percées vers l’intérieur. Une mise en scène ouverte qui met en valeur la collection à petite échelle et fait entrevoir l’arrière de la boutique d’une façon plus architecturale. Pour une modularité totale, les éléments unitaires permettent de composer à l’infini : chaque vitrine est donc composée d’un module bas et d’un module haut, jouant sur les volumes et créant une véritable traversée visuelle.
Comment avez-vous abordé ce nouvel exercice ?
Garance Vallée : La marque étant dédiée à la mode femme et homme, le premier objectif était d’unir ces deux univers. J’ai ainsi travaillé sur la dualité des matériaux, bruts et travaillés, et joué sur leurs différentes textures. Le métal plus froid, le verre plus doux et transparent, le plâtre et la terre cuite plus poreuses. Leurs teintes résonnaient également avec celles de la nouvelle collection, à la fois des tons neutres de terre et des couleurs chaudes portée sur le Sud. Il y avait aussi cette envie d’intégrer mes vitrines dans l’agencement des boutiques imaginées par Festen. Leur regard m’inspire et se rapproche du mien par la recherche constante de la matière pure, incorporant le travail d’artistes et d’artisans.
Dans vos scénographies et installations, recherchez-vous cet effet d’œuvre totale ?
Garance Vallée : Le rapport de l’homme à l’espace est essentiel dans mes recherches : j’imagine toujours un projet comme un univers à créer entièrement dans lequel le corps peut s’immerger. C’est à ce moment-là que toutes les sensations sont en éveil. L’idée d’œuvre totale s’est concrétisée lors d’un défilé pour la Fashion Week de Milan en 2018. J’y avais réalisé des grands modules — des ruines contemporaines que les mannequins traversaient, effleuraient presque. Ce type d’installations immersives offre une autre dimension à l’objet, il s’anime et prend part à l’action. Ce lien entre mouvement et objet me fascine. Je l’interroge toujours et le pousse davantage dans mes projets récents. Ancienne danseuse et toujours passionnée, j’ai pu faire danser mon travail lors d’une collaboration avec la troupe de Léo Walk pour la marque Lacoste. Nous travaillons actuellement ensemble sur un projet de scénographie théâtrale. C’est un aboutissement pour moi de pouvoir mêler ces deux disciplines.
Le travail collectif est donc important dans votre pratique ?
Je crois au geste collectif. Lorsque je débute un projet, je m’entoure d’artisans avec qui je matérialise mes idées. À leurs côtés, j’apprends à connaitre la matière, à l’adapter et à faire évoluer mon idée. C’est pour cela que j’ai à cœur de valoriser et rendre visible leur geste dans mes projets. Ce fut le cas pour les vitrines pour Sandro. Les modules en plâtre notamment, ont été réalisés dans un atelier à Barcelone et laissent transparaitre les traces de leur main sur la matière. Et pour une future collection de chandelier en fer forgé, j’ai pu collaborer avec un ferronnier d’art, qui m’a partagé son savoir sur le métal martelé.
Justement, quels sont vos projets en cours ?
En plus des chandeliers en fer forgé, je prépare une installation pour la première édition de Design Miami à Paris en septembre. Puis, début 2023, j’aurai la chance de collaborer avec les ateliers Lison de Caunes, spécialistes de la marqueterie de pailles. Un rêve aussi se réalisera de créer une scénographie pour le théâtre du Châtelet à Paris. Sans oublier des projets d’installations à venir avec mon mari Franck Pellegrino.