Editeurs : Les 10 acteurs essentiels du design au Japon

Les éditeurs nippons ont cette étonnante capacité à être à la fois pertinents et durables. Avec des produits bien pensés, bien dessinés et très bien fabriqués, ils semblent même témoigner d’une disposition innée pour le design.

1/ Karimoku

Lampe de table CHL01 de Christian Haas, à retrouver dans le catalogue de Karimoku aux cotés des sofas Elephant (en haut).
Lampe de table CHL01 de Christian Haas, à retrouver dans le catalogue de Karimoku aux cotés des sofas Elephant (en haut). DR

Karimoku New Standard, fondée en 2009, est née de la volonté d’un fabricant de mobilier créé dans un petit atelier d’ébénisterie à Kariya (Aichi) dans les années 40 de renouveler sa production. Karimoku a ainsi choisi de ne pas se limiter au bel ouvrage mais de s’inscrire davantage dans son époque. Des designers internationaux ont été sollicités, de Nathalie du PasquierBig Game en passant par Christian Haas. Ce dernier a non seulement dessiné des fauteuils, une table, des tabourets, des étagères, mais aussi une cuisine, ultra-sobre mais pas austère. L’exploitation du bois se fait sans intermédiaires et les designers peuvent avoir confiance en une production respectueuse, de l’environnement, comme des traditions. Celui qui en profite, c’est l’acheteur. Ce modèle d’édition à la japonaise, qui adopte un modèle vertueux, est aussi moderne par son attitude.


2/ Maruni

Roundish Arm Chair de Naoto Fukasawa.
Roundish Arm Chair de Naoto Fukasawa. DR

Dans un pays comme le Japon où la chaise est arrivée tardivement, Maruni est aujourd’hui le nom qu’on cite en exemple pour parler de sièges en phase avec les sensibilités contemporaines et occidentales. Ses assises en bois n’ont jamais autant été objets de désir. Le designer anglais Jasper Morrison, auteur des chaises en bois Fugu, est formel : « Pour Naoto (Naoto Fukasawa est le directeur artistique de Maruni, NDLR) comme pour moi, l’idée du “supernormal” imprègne notre travail. C’est la boussole qui guide les designers. » Avec ou sans accoudoirs, les chaises de Jasper Morrison expriment la légèreté. Même chose pour les Roundish Arm Chairs, de Fukasawa. Cette simplicité raffinée est aussi le fruit de l’expertise de Maruni en matière de bois. « Pour trouver un niveau de compétences comparable dans le monde, il faut aller au Danemark ou en Finlande… », assure le designer anglais.


3/ Muji

Lecteur CD mural de Naoto Fukasawa, un classique du catalogue Muji.
Lecteur CD mural de Naoto Fukasawa, un classique du catalogue Muji. DR

Depuis 1980, les clients qui envahissent les allées des magasins Muji du monde entier, aéroports inclus, ne souhaitent pas forcément habiter une maison japonaise traditionnelle, avec des espaces vides, des tatamis et des cloisons de papier. Ce qu’ils viennent chercher, ce sont des produits minimalistes, héritiers d’une culture du rangement et de l’objet adéquat, vêtements et cosmétiques compris. Même les plus bordéliques s’entichent de ses boîtes transparentes empilables ! Mais aussi du discret lecteur de CD mural que l’on met en route en tirant sa ficelle, d’une valise chic à la couleur subtile qu’on peut malmener sans crainte. Côté vêtements, ce sont de bons basiques qui dissimulent votre addiction au shopping… Derrière son image de « qualité sans marque », l’identité de la maison, arrivée en France en 1998, est suffisamment forte pour qu’un paquet de cotons-tiges semble différent, papier recyclé oblige. Stylo-bille ou casserole, il existe même un hôtel Muji !


4/ 1616/Arita

Plats en porcelaine Arita.
Plats en porcelaine Arita. © ANNE MARIE JO

En 1616, à Arita, sur l’île de Kyushu, au sud du Japon, les potiers coréens introduisent l’art de la porcelaine. Aujourd’hui, la maison Arita est devenue la star discrète des foires de design. Sous la houlette contemporaine de son directeur artistique, Teruhiro Yanagihara, elle s’est montrée l’héritière d’une tradition en phase avec l’époque. Collaborations avec des designers internationaux obligent, la marque est devenue un laboratoire d’idées où la tradition évolue, mais où la technique reste inchangée (argile et pierre concassée). On voit d’ailleurs rééditée la vaisselle du Palace Hotel Tokyo (1961), avec ses chrysanthèmes en relief, la fleur emblème de la famille impériale. Chez Arita, la douceur du blanc au fin glaçage du service Chrysanthème, grâce à la densité supérieure de l’argile dont il est constitué, ne lui fait craindre aucun lave-vaisselle.


5/ Ha’ Porcelain

Vase Tuba de Sebastian Bergne.
Vase Tuba de Sebastian Bergne. DR

À Hasami, près de Nagasaki et à une trentaine de kilomètres des ateliers du fameux porcelainier Arita, il se fabrique de la porcelaine fine depuis quatre cents ans. Il y a à peine plus d’un an, au salon Maison & Objet, Ha’ dévoilait ses premiers vases du troisième type. Arrondis comme des tubas pour végétaux plantés ou fleurs coupées, ces vases exhibaient une porcelaine différente, très mate, rose chair, vert pâle, gris foncé ou blanche. Ou bien ronds comme des pommes dans lesquelles planter une unique tige. Derrière Ha’ se trouve le porcelainier Sakai et le designer anglais Sebastian Bergne en tant que directeur artistique. Pour lui, ces vases invitent la nature dans le moindre espace. Ce design mixte parle le langage international de l’ouverture d’esprit à travers la beauté de l’objet le plus simple de la vie quotidienne.

6/ Meetee

Casiers de rangement Kiri de Stefan Diez.
Casiers de rangement Kiri de Stefan Diez. DR

Tout commence chez Fuchu Furniture, à Hiroshima. S’y est inventée Meetee, une marque qui bénéficie de son expertise et de ses savoir-faire. Quand on voit la chaise Nadia de Jin Kuramoto, on ne devine pas ce qu’elle doit au kumiki, une technique d’assemblage de pièces de bois, issue de la construction des coques de bateaux. Au Japon, plusieurs entreprises spécialisées dans le travail du bois ont pensé, comme Meetee, que l’avenir impliquait de s’investir dans le design contemporain. Dans le sillage de Jin Kuramoto est même venu travailler le trio danois Claesson Koivisto Rune, qui signe les chaises Five. En visite à Hiroshima, le designer allemand Stefan Diez s’est inspiré des coffres à kimonos en paulownia pour réaliser « Kiri », collection de petits cabinets muraux dont la porte se divise et se plie en deux et les charnières sont reliées par un fin ruban. C’est presque du design fusion : conçu en Allemagne, né au Japon.


7/ Yamagata Dantsu

Tapis Kou du designer Mikiya Kobayashi.
Tapis Kou du designer Mikiya Kobayashi. DR

Certains tapis sont si raffinés qu’on les accroche volontiers au mur comme des néo-tapisseries. Il est vrai que quelques-uns rivalisent à leur façon avec les harmonies chromatiques d’un tableau de Mark Rothko. Si vous dites cela à Hiroaki Watanabe, président d’Oriental Carpet Mills (société fondée en 1935 avec sept artisans chinois, et devenue depuis Yamagata Dantsu), lui et son fils Takashi, venus présenter au salon Maison & Objet la crème des tapis des artisans de la préfecture de Yamagata, vous regarderont aussi souriants que surpris. L’exquise civilité de la politesse nipponne ne saurait cacher toute la sophistication d’un savoir-faire ancien qui, loin de se refermer sur lui-même, collabore avec des designers contemporains comme Mikiya Kobayashi, installé entre le Japon et l’Espagne. Pour être conquis, il suffit de voir les deux versions de son tapis Kou, comme des couchers de soleil tout en dégradés, sans un atome de kitsch.


8/ Ariake

Cabinet Kumiko (Ariake).
Cabinet Kumiko (Ariake). DR

Au Japon, ariake signifie « aube ». C’est aussi le nom d’un éditeur de mobilier qui voulait exprimer le nouveau départ que représentait pour lui la réunion en un seul label de deux usines spécialisées dans le bois. À Morodomi (préfecture de Saga), Ariake mêle aujourd’hui, dans son catalogue d’une trentaine d’assises, chêne, cèdre, hinoki et frêne avec le cuir, la corde de papier ou le coton. La liste des designers est cosmopolite : Shin Azumi, Keiji Ashizawa, Gabriel Tan, Staffan Holm, Anderssen & Voll, Zoë Mowat, Norm Architects et Studio MK27. C’est pourquoi le mobilier d’Ariake investit intérieurs privés et hôtels dans un souci de justesse plutôt que de japonisme. Place peut lui être faite aussi bien dans un salon contemporain que dans un ryokan Et pourquoi pas – encore mieux – à côté d’une pièce de mobilier scandinave ?


9/ Delfonics

Carnets de note Rollbahn en format A5.
Carnets de note Rollbahn en format A5. DR

Au Japon, du quartier tokyoïte de Shibuya jusqu’à Osaka, Delfonics, maison de papeterie et d’articles de bureau, fondée en 1987, est une institution. Baptisée du nom d’un groupe de soul musique des sixties, l’entreprise montre depuis 1987 à quel point le moindre objet de bureau peut être sexy. Ah! cet agenda en tissu turquoise, orné d’une citation allemande en fines lettres d’or, ou ce nouveau sac Inner Carrying en toile multicolore ! En 2012, lors de l’ouverture de la boutique du Carrousel du Louvre, à Paris, le gérant, Tatsuro Sato, expliquait que Delfonics était pour lui, grand voyageur, un reflet du monde. L’architecture intérieure du magasin avait même un je-ne-sais-quoi de service administratif allemand des années 50 revu par Wes Anderson. C’était voulu. Les premiers clients espérés par Delfonics étaient d’ailleurs les créatifs. Aujourd’hui, tout le monde y passe !


10/ Hosoo

Textile No.9133 Olio édité par Hozoo.
Textile No.9133 Olio édité par Hozoo. DR

Hosoo fait dans l’édition textile depuis 1688 ! La cour impériale et l’élite des samouraïs y commandaient alors kimonos et obis (ces larges et esthétiques ceintures en soie). La gloire de la maison, c’est le tissage de Nishijin, technique de teinture du fil née il y a mille deux cents ans, qui joue aujourd’hui avec des dessins contemporains, également aptes à habiller les murs. En septembre 2019, un flagship-store a ouvert à Kyoto pour diffuser la collection de tissus. Au salon de thé s’ajoute une galerie qui expose actuellement la designer néerlandaise Mae Engelgeer, venue en résidence. La maison est ouverte aux créateurs. Depuis une dizaine d’années, les Danois d’OeO Studio collaborent avec eux, notamment pour leurs projets de restaurants (Inua, au Japon, et Kadeau, au Danemark). Tandis que Peter Marino, architecte des boutiques Chanel, Dior et Vuitton, achève de faire de Hosoo la grande référence textile.

Thématiques associées