Gonflé, coloré, déjanté : le bouquet géant du collectif Uchronia fait sensation à Coachella !

Coachella, le festival de musique de Californie où les Daft Punk et Charlotte Gainsbourg ont brillé, accueille cette année un nouvel ambassadeur français. « Le Grand Bouquet», une installation de fleurs géantes gonflables réalisée par Julien Sebban et son collectif Uchronia, se dresse entre les scènes, apportant un peu de fraîcheur aux festivaliers. Et rappelle que l’art joue ici un rôle essentiel.

« J’ai rarement ressenti autant d’émotions », envoie le fondateur du collectif Uchronia sur WhatsApp, quelques secondes après la fin du show de Lady Gaga, le 11 avril dernier. Il a débarqué à Indio, au cœur de la vallée de Coachella – capitale officieuse de festivaliers lookés depuis 1999 – deux jours avant la performance pour découvrir « Le Grand Bouquet », sa première installation XXL en plein désert.


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Flower Power

Elle a fleuri là, sur les terrains du Empire Polo Club où se tient le festival de musique de Coachella depuis vingt-six ans, composition en sept fleurs géantes gonflées à bloc. « Les fleurs sont un leitmotiv dans notre travail, explique le fondateur du collectif Uchronia. L’idée d’en faire germer, en plein désert et à l’orée de l’été, a une portée psychédélique et poétique. Au printemps, les fleurs éclosent, on a envie de sortir, de s’amuser. Comme à Coachella ! »

Julien Sebban, fondateur du studio d’architecture Uchronia.
Julien Sebban, fondateur du studio d’architecture Uchronia. CLÉMENTINE BRICARD

Une semaine plus tard, alors que Lady Gaga entame ses répétitions à huis clos pour son deuxième show (public restreint à Julien Sebban, ses trois collaboratrices et quelques agents de sécurité traquant les téléphones indiscrets), les pétales faisant office de poufs de l’installation ont perdu de leur superbe. Victimes consentantes d’une armée de starlettes, d’influenceurs et de badauds éreintés par la chaleur et l’attente, ils sont à moitié dégonflés, écrasés par la hype.

Cette pause technique en plein milieu du festival est une respiration bienvenue. Elle permet à Julien Sebban de revivre la première apparition de la star. C’est aussi une chance inespérée d’observer « Le Grand Bouquet » dans un calme presque mystique, alors que Coachella draine chaque jour 125000 âmes.

Avec sa composition florale de 13 mètres de haut entourée de six petits satellites, « Le Grand Bouquet » est la première installation d’envergure du collectif.
Avec sa composition florale de 13 mètres de haut entourée de six petits satellites, « Le Grand Bouquet » est la première installation d’envergure du collectif. LANCE GERBER

Il aura fallu un an et demi de germination pour que cette idée prenne racine. C’est Raffi Lehrer, fondateur de Public Art Company, responsable de la curation artistique de Coachella, qui a lancé le projet après être tombé sous le charme de Seaweed, une lampe dessinée par le collectif Uchronia.

Paradis hypnotique

À Coachella, l’art a sa place. Et si la programmation musicale fait les gros titres, la dimension visuelle du festival a depuis longtemps transcendé les concerts. Les artistes transforment les terrains de polo en paradis hypnotique, créant par la même occasion le décor parfait pour les mises en scène existentielles des influenceurs en quête de likes.

Plus qu’un simple spectacle visuel, « Le Grand Bouquet » (ici vu de haut) est une offrande au désert.
Plus qu’un simple spectacle visuel, « Le Grand Bouquet » (ici vu de haut) est une offrande au désert. LANCE GERBER

À ses débuts, le festival californien empruntait des œuvres au Burning Man, le grand rassemblement halluciné qui se tient chaque année dans le désert du Nevada. Il faudra attendre 2016 pour que Paul Clemente, directeur artistique de Coachella, en commande pour son propre festival. Cette année-là, l’architecte Jimenez Lai érige « The Tower of Twelve Stories », une structure géométrique flirtant avec l’absurde. « Spectra », la tour arc-en-ciel signée Newsubstance, devient en 2018 le phare du site.

En 2019, c’est l’Astronaute géant de Poetic Kinetics qui foule une deuxième fois le sable du désert (il avait déjà été emprunté au Burning Man en 2014). En 2025, c’est donc « Le Grand Bouquet » qui prend le relais sur les stories de Paris Hilton. À ses côtés, une sculpture cinétique haute de 18 mètres aux allures de machine volante du XIXe siècle signée Helen + Isabel, et « Taffy », une installation monumentale faite de sept cylindres en mesh pastel, imaginée par la Canadienne Stéphanie Lin, basée à Scottsdale, Arizona.

Il aura fallu un an et demi de germination pour que cette idée prenne racine.
Il aura fallu un an et demi de germination pour que cette idée prenne racine. CLÉMENTINE BRICARD

Le fil rouge de ces pièces ? Leur vibe (c’est le curateur qui le dit) et leur utilité. Car à Coachella, l’ombre et les assises sont des ressources rares mais précieuses quand les portes s’ouvrent à 13 heures et que Lady Gaga fait son apparition sur scène à 1 heure du matin. Quand l’art devient une fonction vitale.

Vendredi 18 avril. Alors que le second week-end du festival débute, « Le Grand Bouquet » a retrouvé son panache. Les ingénieurs se sont mobilisés une bonne partie de la nuit, motivés par les répétitions de Lady Gaga, pour réactiver les « boucles lumineuses »: un protocole rotatif qui illumine chaque pétale grâce à des LED intégrées dans chacune des structures gonflables.

À la tombée de la nuit, les fleurs s’illuminent doucement, transformant le paysage en une forêt onirique.
À la tombée de la nuit, les fleurs s’illuminent doucement, transformant le paysage en une forêt onirique. LANCE GERBER

« De nuit, elles prennent vie sous nos yeux », explique Julien Sebban, qui a pensé son installation comme un hommage ludique au mouvement Flower Power des années 1960-1970. Les contours des fleurs rappellent les dessins d’enfants. Nous avions en tête de donner aux festivaliers un totem fédérateur, facile à comprendre, auquel ils pourraient s’identifier. »

L’esquisse originelle prévoyait un unique bouquet de fleurs. C’est Raffi Lehrer et son équipe qui ont ajusté l’idée à la réalité du terrain. Ce sont aussi ses ingénieurs qui ont supervisé la production de cette œuvre et de celles qui l’accompagnent – du fabriqué local, puisque les ateliers de production sont installés, chaque année, à côté du festival.

« Le Grand Bouquet», une installation de fleurs géantes gonflables réalisée par Julien Sebban et son collectif Uchronia, se dresse entre les scènes.
« Le Grand Bouquet», une installation de fleurs géantes gonflables réalisée par Julien Sebban et son collectif Uchronia, se dresse entre les scènes. CLÉMENTINE BRICARD

À 23 heures, Lady Gaga ouvre son concert avec Abracadabra, son nouveau tube. « Le Grand Bouquet » du collectif Uchronia est en plein dans son champ de vision. Peut-être a-t-elle ressenti une émotion similaire à celle de Julien Sebban : cette fierté discrète de voir une idée un peu folle devenir réalité, et toucher autant de monde, là, en plein désert.


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