Conversation super normale avec Jasper Morrison

Lors du Salone Del Mobile, nous avons rencontré le grand designer anglais Jasper Morrison, venu présenter « Fugu », sa collection de mobilier chez le label japonais Maruni dont son confrère Naoto Fukasawa est directeur artistique. Pour ce spécialiste du bois, il a pu créer du mobilier « supernormal », un concept qu’il a théorisé et qui guide sa pratique…

Chez Maruni, comment votre travail de designer s’inscrit-il dans l’idée de Supernormal, un concept qui vous rapproche de Naoto Fukasawa ?
Jasper Morrison : Pour Naoto comme pour moi, l’idée de Supernormal imprègne notre travail sans même avoir à y penser… C’est comme si nous étions guidés. J’avais parfois quelques difficultés à penser, à savoir comment faire et pourquoi. Avec ce concept de Supernormal, ma vision s’est éclaircie. C’est un peu comme un principe directeur qui m’est d’une grande aide.

À gauche, le designer britannique Jasper Morrison. A droite, Naoto Fukasawa, directeur artistique de Maruni.
À gauche, le designer britannique Jasper Morrison. A droite, Naoto Fukasawa, directeur artistique de Maruni. Nacasa & Partners Inc

Il est évident que vous ne suivez pas les tendances. N’est-ce pas difficile en 2019 ?
L’avantage de ce concept de Supernormal, c’est qu’il ne se traduit pas par un style visuel précis. Il est même assez difficile d’expliquer exactement ce dont il s’agit… Ce n’est même pas quelque chose auquel je pense consciemment quand je suis en train de concevoir un projet. Supernormal est plutôt comme un cadre en arrière-plan de ce que je suis en train de faire, pour éviter les écarts. Cela permet de conserver au projet son caractère sensible. Parce ce qu’il n’y a rien de pire que de faire un projet qui ne soit ni pratique ni utile ni pertinent !

La Fugu Chair du designer dans ses versions avec et sans accoudoirs.
La Fugu Chair du designer dans ses versions avec et sans accoudoirs. DR

La collection « Fugu » penche-t-elle plus vers l’ADN de son éditeur Maruni ou vers votre style ?
Je ne dirai jamais qu’elle ne relève que de moi parce qu’un des plaisirs du designer est justement de travailler avec un éditeur. Il faut donc toujours garder à l’esprit l’identité de ces sociétés. Je n’aurais pu faire la chaise Fugu avec un autre éditeur que Maruni… Cette assise résulte d’une combinaison de connaissance de la marque et de ce que je pense pouvoir lui convenir. Chaque compagnie possède un savoir-faire différent, ses avantages et ses inconvénients.

Jasper Morrison valide l’assise et le confort de sa Fugu.
Jasper Morrison valide l’assise et le confort de sa Fugu. DR

Quels sont les atouts spécifiques de Maruni ?
La qualité de son savoir-faire artisanal, le travail ET la connaissance du bois, le fait de savoir comment le travailler. Aucune compagnie avec ce degré de compétence n’existe en Angleterre ni en France. On peut peut-être trouver un niveau similaire au Danemark ou en Finlande…

Les Fugu occupaient presque tout l’espace du stand Maruni à Milan.
Les Fugu occupaient presque tout l’espace du stand Maruni à Milan. DR

Les liens entre artisanat et design font-ils partie des points communs entre l’Europe du Nord et le Japon ?
En tant qu’Européen travaillant avec des Japonais, je suis plus familier avec l’histoire du mobilier scandinave qu’avec celle du mobilier japonais. Néanmoins, je sais que dans l’histoire de l’archipel, il n’y avait par exemple aucune chaise. C’est ce contexte culturel que j’ai en tête quand je travaille avec Maruni.

> En France, les meubles Maruni sont disponibles chez Silvera.