Art Paris 2023 : 12 artistes à ne pas manquer

Art Paris 2023 célèbre ses 25 ans. Une nouvelle édition résumée ici en 12 rendez-vous incontournables.

Art Paris 2023, c’est reparti ! Dirigée d’une main de maître par Guillaume Piens, la foire fête du 30 mars au 2 avril son quart de siècle sans changer de slogan : elle est à la fois « régionale, nationale et cosmopolite ». Trois caractéristiques auxquelles il convient désormais d’ajouter le qualificatif de « défricheuse ».

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En effet, deux thématiques permettent de découvrir nombre d’artistes méconnus dans nos contrées : ceux réunis par Amanda Abi Khalil, fondatrice de TAP (Temporary Art Platform), autour de l’exil, et ceux sélectionnés par Marc Donnadieu, ancien conservateur en chef du musée Photo Élysée, à Lausanne, pour illustrer la question de l’engagement. Art Paris 2023 poursuit donc son ascension et célèbre ses 25 ans en attirant des galeries issues de… 25 pays. Une édition résumée ici en 12 rendez-vous incontournables.

« L’exil » à Art Paris 2023

1. Anas Albraehe, un fauve oriental

Né en 1991 dans la campagne syrienne et désormais installé au Liban, Anas Albraehe garde de son enfance le goût des couleurs qui, dit-il « s’animent sous mes yeux pour donner vie aux scènes du quotidien ».



C’est donc cette palette fauve inspirée par Matisse qui détermine et équilibre la composition élaborée comme une superposition de bandes horizontales : la plus importante, au premier plan, représente une couverture aux motifs orientaux, les trois suivantes, les travailleurs endormis.

Untitled 2021 du peintre Anas Albraehe.
Untitled 2021 du peintre Anas Albraehe. Anas Albraehe

« Anas Albraehe leur permet ainsi d’exister, extraits de tout contexte, en dehors de toute perspective – qu’elle soit sociale ou picturale », écrit Amanda Abi Khalil. Loin de l’état d’anxiété et de peur qui règne aujourd’hui en Syrie.

> Saleh Barakat Gallery (Beyrouth). Stand H5.


2. Tirdad Hashemi, le diable au corps

Fuir l’insécurité et la répression de l’homosexualité qui sévit dans son pays natal, l’Iran, où Tirdad Hashemi est née en 1991, et vivre pleinement « en zone libre », à Paris puis à Berlin. Tel est le propos d’As We Start Moving our Fear Will Vanish, enchevêtrement de corps dénudés, solitaires, en couple ou en groupe, qui s’agitent sur un fond tourbillonnant.

As We Start Moving our Fear Will Vanish de Tirdad Hashemi, 2023.
As We Start Moving our Fear Will Vanish de Tirdad Hashemi, 2023. Tirdad Hashemi

Celui-ci cerne ces figures à peine esquissées au pastel gras ou au crayon comme saisies à la volée, leur composant un cocon protecteur. « Tirdad Hashemi s’inspire de son parcours autobiographique pour témoigner de situations de survie », souligne Amanda Abi Khalil. En effet, telle une page arrachée à un journal intime, cette peinture retrace les aventures, réelles ou fantasmées, d’une jeune lesbienne iranienne de « la manière la plus crue et directe possible ». 

> Gb agency (Paris). Stand C9.

3. Boris Mikhaïlov, la femme bleue

Boris Mikhaïlov, né en 1938 en Ukraine, a commencé son travail photographique en 1965, abandonnant une carrière d’ingénieur pour être désormais considéré comme l’un des artistes contemporains les plus influents d’Europe de l’Est.

Il s’empare de sujets sociaux et politiques afin de créer une œuvre expérimentale que caractérisent la superposition des images et le recours à la colorisation. Comme cette photographie sur tissu à la tonalité bleuâtre, une couleur qui évoque à l’artiste « le blocus, la famine et la guerre… les bombardements, des sirènes hurlantes, des projecteurs dans le ciel splendide et bleu marine ».

Untitled From the « FotoZeit Salzau »series de Boris Mikhaïlov, 1997.
Untitled From the « FotoZeit Salzau »
series de Boris Mikhaïlov, 1997. Boris Mikhaïlov

Dans cette image, le bleu illumine un paysage de forêt dévastée dans laquelle une femme apparaît telle une déesse de la fertilité, nue et les yeux clos. Exposée pour la première fois, cette œuvre provient de la collection personnelle de la regrettée Suzanne Tarasieve.

> Galerie Suzanne Tarasieve (Paris). Stand C7.

« Art et engagement » à Art Paris 2023

4. Kubra Khademi, la puissance invaincue des femmes 

Adoptée par la France – elle a réalisé l’affiche du dernier Festival d’Avignon –, Kubra Khademi, née en 1989 en Afghanistan, est une « artiviste » qui, à coups de grands aplats de couleurs, dénonce le joug patriarcal de sa société natale.



Menacée de mort à la suite d’une performance dans les rues de Kaboul, c’est en France qu’elle s’est réfugiée pour poursuivre son combat féministe. Ses armes ? Pinceaux et crayons avec lesquels elle représente des femmes nues, plus grandes que nature, « ornées d’une esthétique liée à la force féminine et à leur pouvoir sexuel », précise-t-elle.

The Great Battle de Kubra Khademi, 2023.
The Great Battle de Kubra Khademi, 2023. Kubra Khademi

Kubra Khademi puise son inspiration dans les miniatures perses et mongoles, les écrits mystiques et érotiques de Djalâl ad-Dîn Rûmî, comme dans les souvenirs de son enfance. Une façon de militer avec humour et poésie. 

> Galerie Eric Mouchet (Paris, Bruxelles). Stand B3.


5. Paz Corona, mise à nu

Selon Marc Donnadieu, « cette figure accroupie sur un socle et au bord du basculement est l’allégorie d’un questionnement quasi introspectif : Comment puis-je sortir de mon déséquilibre, d’un désordre, de ce désastre ? » Il est vrai que la position de cette jeune femme paraît aussi énigmatique qu’inconfortable.

Elle pose, la croupe offerte, les yeux plantés dans ceux du spectateur. Et ce regard ôte à cette scène tout caractère érotique voire toute interprétation de soumission. Artiste ainsi que psychanalyste, la Franco-Chilienne Paz Corona, née en 1968, a pour ambition de « montrer ce qui ne se voit pas et qui pourtant s’éprouve ».

Untitled de Paz Corona, 2022.
Untitled de Paz Corona, 2022. Matthieu Gauchet

Et c’est bien ce qu’engendre ce tableau à tiroirs où affleurent sentiments cachés et émotions inavouées. Une peinture que l’arrière-plan, largement brossé de bandes colorées, ne facilite pas à ancrer dans la réalité. Un hermétisme élégant. 

> Galerie Les Filles du Calvaire (Paris). Stand D2.

6. Angèle Etoundi Essamba, force et fierté

Au-delà des stéréotypes, Angèle Etoundi Essamba, née au Cameroun en 1962, immortalise depuis plus de trente-cinq ans des Africaines qui sont, dit-elle, « l’expression de la lutte et l’épanouissement, la fragilité et la force, la résilience et l’engagement ».

En témoigne ce portrait où le modèle se fond dans l’obscurité renforçant la blancheur immaculée de cette coiffe en dentelle, accessoire traditionnellement réservé aux bourgeois des XVIe et XVIIe siècles et qui abonde dans la production des peintres flamands tels Rubens ou Rembrandt.

Jeu de formes d’Angèle Etoundi Essamba, 2020.
Jeu de formes d’Angèle Etoundi Essamba, 2020. Angèle Etoundi Essamba

Extrait de sa judicieuse série « Renaissance », réalisée au Sénégal, au Bénin et au Brésil (pays ayant subi esclavage et colonisation), ce clair-obscur se révèle aussi symbolique qu’esthétique.

> Galerie Carole Kvasnevski (Paris). Stand J8.

« Solo shows » à Art Paris 2023

7. Robert Couturier, dessin dans l’espace

« Vous, Couturier, dans le genre mal foutu, vous ferez quelque chose de très bien. » Ainsi adoubée par Aristide Maillol en 1928, la carrière de Robert Couturier (1905-2008) démarre sous les meilleurs auspices.



D’abord dans l’ombre de son maître, le créateur se libère des conventions académiques pour devenir, après-guerre, l’un des représentants de la nouvelle sculpture figurative aux côtés de Germaine Richier ou d’Alberto Giacometti. Il privilégie la ligne, joue avec les pleins et les vides et crée des figures, généralement des nus féminins, qu’il qualifie de « dessins dans l’espace ».

Son ambition ? « Évoquer le plus d’humanité possible en cherchant les moyens les plus réduits et les plus simples de la matière. » Et qu’importe le matériau – bronze, plâtre, fil de fer ou autres éléments de récupération.

> Galerie Dina Vierny (Paris). Stand F12.


8. Jean-Pierre Pincemin, vers la figuration

Jean-Pierre Pincemin (1944-2005) a eu plusieurs vies : mécanicien, critique d’art, puis artiste. Et une formation anticonformiste : le musée du Louvre, les disques de jazz, les concerts de musique sérielle, les films de cinéma expérimental et… la pensée marxiste. Affilié au mouvement Supports/Surfaces, il décide à la fin des années 80 de « tout balayer et de tout assimiler ».

Untitled de Jean-Pierre Pincemin, 1994.
Untitled de Jean-Pierre Pincemin, 1994. Jean-Pierre Pincemin

Il emprunte alors à Mondrian, à Jackson Pollock, à Mark Rothko, à Andy Warhol, aux gravures anciennes, aux estampes japonaises ou aux miniatures indiennes… « Représenter, c’est le but de la peinture. Il faut organiser des réponses à ce que l’on voit », disait-il. Et pour ce faire, Jean-Pierre Pincemin puisa dans toute l’histoire, brouillant les genres et les références, dans une perpétuelle réinvention.

> Galerie Dutko (Paris). Stand E2.

9. Gérard Schneider, fuir le contrôle 

Étudiant, le Suisse Gérard Schneider (1896-1986) entre aux Beaux-Arts dans l’atelier de l’ancien professeur de Vincent Van Gogh et d’Henri de Toulouse-Lautrec. Jeune homme, il fréquente le cercle surréaliste et s’adonne à l’écriture automatique.

Après-guerre, avec Georges Mathieu, Hans Hartung et Pierre Soulages, il pose les jalons de l’abstraction lyrique. Sa gestuelle est ample, puissante, quasi calligraphique, son œuvre rythmée, lumineuse et colorée.

Sans titre de Gérard Schneider, 1984.
Sans titre de Gérard Schneider, 1984. Gérard Schneider

« Geste, forme et couleur fusionnent de manière égale et complémentaire pour structurer des compositions ardentes, celles d’un romantique qui bondit pour saisir l’instant fugitif », selon le critique d’art Michel Ragon, qui témoigne que l’artiste n’avait qu’une ambition : « Fuir le contrôle et le raisonnement. » 

> Alexis Lartigue Fine Art (Paris). Stand F13.

« Promesses » à Art Paris 2023

10. Angélica Serech, le tissage comme fil conducteur

Le Guatemala, ses volcans, ses forêts tropicales, ses anciens sites mayas et, depuis 2019, sa galerie d’art contemporain, La Galería Rebelde. Fondée par Jimena de Tezanos, elle se veut l’ambassadrice des propositions les plus pertinentes de la scène artistique de son pays.

Ru K’öxomal ri qa Ch’ab’al (The Echo of our Voice) d’Angélica Serech, 2022.
Ru K’öxomal ri qa Ch’ab’al (The Echo of our Voice) d’Angélica Serech, 2022. DR


Mission accomplie avec Angélica Serech, originaire de Chi Xot, le fief des Mayas caqchikel. Ses pièces en fibre naturelle (laine de chèvre, fil de coton) de différentes épaisseurs sont greffées d’objets du quotidien, mais aussi d’épis de maïs, de cheveux ou de branches de bougainvilliers.

Elles ont la couleur de la terre crue des maisons de son village et non celles, multicolores, des huipils (blouses brodées ou tissées) traditionnels. Une manière de transgresser l’héritage de ses ancêtres tout en leur rendant hommage.

> La Galería Rebelde (Guatemala City). Stand H14.


11. Olga Sabko, céramiques intemporelles 

Fondée il y a quatre ans par l’agent d’artistes Béatrice Masi, The Spaceless Gallery n’a aucune limite : ni géographique ni artistique. À rebours de l’éternel white cube, elle investit des lieux éphémères dans des villes du monde et y organise des expositions collectives avec des artistes travaillant tous les matériaux.

Shapes of Incertitude (example) d’Olga Sabko, 2020.
Shapes of Incertitude (example) d’Olga Sabko, 2020. DR

Ainsi, Olga Sabko, née en 1990 à Kiev, diplômée des Beaux-Arts, pratique la sculpture, la lithographie et la linogravure. Extraites de la série « Shapes of Incertitude », ses sculptures en grès aux formes organiques semblent animées d’une énergie intérieure. Une spirale de bosses et de vides qui symbolise l’irréversible mouvement du temps, un temps que l’on peut mesurer, dit-elle : « Mais comment comprendre sa nature ? »

> The Spaceless Gallery (Paris, Miami). Stand I11.

12. Manuela Pimentel, le langage de la rue 

Installée depuis 2016 en Angola et au Portugal, This Is Not A White Cube représente des artistes reconnus ou émergents, associés au continent africain et à sa diaspora. Parmi eux, Manuela Pimentel, née à Porto en 1979, qui arrache des murs de sa ville sa matière première, collectant de vieilles affiches marquées par les années et les intempéries.

Digne héritière des nouveaux réalistes, tels Raymond Hains, Jacques Villeglé ou Mimmo Rotella, elle transforme ces fragments de la réalité en les peignant et en les découpant en carrés qu’elle colle sur des panneaux de bois.

Salpicos de Maresia de Manuela Pimentel, 2022.
Salpicos de Maresia de Manuela Pimentel, 2022. DR

Chacun de ces carrés de 14 cm – la dimension des azulejos, ces carreaux appartenant à la mémoire collective – scelle la rencontre du monde ancien avec le nôtre. Une manière poétique d’interroger l’identité, la mémoire, le patrimoine et le changement social.

> This Is Not A White Cube (Lisbonne, Luanda). Stand I12.