Avec Photo Days, la photo rencontre l’architecture parisienne

Alors que la foire Paris Photo, qui attire chaque année des passionnés du monde entier, à été annulée, la curatrice Emmanuelle de l’Ecotais lance un nouveau festival : Photo Days. Jusqu’au 6 février, il donne accès à des galeries et lieux insoupçonnés dans Paris pour retrouver un contact « présenciel » avec l’art.

Comme son nom l’indique, Photo Days est une manifestation qui invite le public à découvrir une expo photo par jour. Emmanuelle de l’Ecotais dévoile à IDEAT comment elle veut ainsi fédérer les galeries spécialisées, les passionnés et les amateurs pour aller à la rencontre de la photo dans des lieux parfois méconnus du public.

La Galerie Maubert met en regard Lucien Herve (Baigneuses, Autriche, 1956) et Rodolf Herve (Eau tiède, 1990).
La Galerie Maubert met en regard Lucien Herve (Baigneuses, Autriche, 1956) et Rodolf Herve (Eau tiède, 1990). Lucien Herve - Rodolf Herve

Naissance de Photo Days

En quoi ce projet propose-il une balade « archi-photographique » ?
Emmanuelle de l’Ecotais : Début 2019, j’ai lancé ce projet avec l’idée principale de mettre en relation l’architecture et l’œuvre, pour que la galerie ne soit pas seulement une boîte blanche. J’avais en tête de concevoir un festival un peu différent de ceux qui existent déjà, en investissant des endroits atypiques habituellement fermés au public, pour produir des oeuvres d’artistes en lien avec le lieu dans lequel elles s’implantent.

Comment avez-vous rebondi face au confinement qui a imposé le report du festival en novembre 2020 ?
En mars 2020, mon projet, qui nécessitait des sponsors importants a été stoppé net. Puis en septembre, sentant l’annulation de Paris Photo arriver, je l’ai réinventé pour le transformer en parcours dans les galeries. Avec le deuxième confinement en novembre, on a alors décidé de décaler l’événement à du 4 décembre au 6 février en espérant une réouverture des galeries – et ce fut le cas. On se rend tous compte à quel point les galeries forment un tissu culturel important, d’autant qu’elles sont les seuls lieux culturels ouverts et gratuits en ce moment. Nous arrivons tous à saturation des propositions sur Internet, on a besoin d’un vrai contact avec l’art.

Du lieu à l’œuvre et de l’œuvre au lieu

Dans quels lieux insolites Photo Days s’est-il installé ?
La Rotonde Balzac est mon lieu coup de cœur. Ce bâtiment, édifié vers 1890 à l’extrémité du jardin privé de l’Hôtel Salomon de Rothschild (Fondation des artistes), a toujours été fermé au public. Construit par Madame de Rothschild pour rendre hommage à Balzac – d’ailleurs, on sait pas trop ce qu’elle en faisait à part y installer des souvenirs de la vie de de l’écrivain – à été rénové en 2020. Il me tenait grandement à cœur d’exposer dans Hôtel de Rothschild (ancien Centre National de la Photographie) et j’ai la chance de pouvoir investir ce lieu inédit. Il m’a donc paru naturel que cette Rotonde accueille pour son ouverture au public un artiste auquel Yves Gagneux, directeur de la Maison de Balzac, a « inoculé le virus de Balzac ». C’est lui qui, en tant que commissaire de l’exposition, a choisi Alkis Boutlis (représenté par la galerie Suzanne Tarasiève). Il y expose des clichés verres qui retranscrivent toute la profondeur des émotions qu’il a ressenties à sa lecture de Balzac. Cette exposition est l’exemple d’une belle synergie entre le lieu, l’artiste et l’œuvre. Elle raconte une histoire qui a du sens.

À la Rotonde Balzac, cliché verre, huile sur papier photographique de Alkis Boutlis (galerie Suzanne Tarasieve, 2018).
À la Rotonde Balzac, cliché verre, huile sur papier photographique de Alkis Boutlis (galerie Suzanne Tarasieve, 2018). Alkis Boutlis

Comment s’est construite la relation entre les espaces d’exposition et les artistes ?
Très vite, les galeries que j’ai sollicitées ont répondu présentes, même celles qui n’exposent pas forcément de photo et celles qui ne participent pas à Paris Photo. Certaines se sont greffées au festival et d’autres ont prévu spécialement une expo photo pour pouvoir participer à l’événement. Malheureusement, en cours de route, les institutions ont dû fermer telle que la fondation Louis Vuitton (à l’exception de l’Académie des Beaux-Arts). Néanmoins, l’objectif de produire des œuvres, d’amener les artistes à réfléchir à des questions en lien avec leur lieu d’exposition, a fait carton plein. Ayant travaillé en tant que conservatrice au centre Pompidou pendant six ans et au Musée d’art Moderne pendant dix-huit ans, j’ai constaté ces dernières années que de plus en plus de personnes s’intéressent à la photo. Les grands collectionneurs d’art contemporain s’y mettent, même si le caractère reproductible de la photographie peut les rendre parfois frileux. Avec Camille Gajate, coordinatrice de Photo Days, on organise donc des visites guidées en petits comités, par arrondissement, qui durent de une à deux heures, pour faire découvrir aux amateurs l’univers de la photographie et permettre à chacun reprendre contact avec l’art, en cette période où l’on en a bien besoin.

> Emmanuelle de l’Ecotais – Directrice ; Camille Gajate – Coordinatrice ; Maya Palma – Designer graphique ; Zara Sajid – Community manager. photodays.paris

À la Galerie La Forest Divonne, « Playground » d’Elsa Johanna.
À la Galerie La Forest Divonne, « Playground » d’Elsa Johanna. Elsa & Johanna
À la galerie Magnum, « Last call a lounge of Roissy airport, Paris, France », de Harry Gruyaert (2010).
À la galerie Magnum, « Last call a lounge of Roissy airport, Paris, France », de Harry Gruyaert (2010). Harry Gruyaert
À la Galerie Courtesy, « Rut blees Luxemburg golden shutters London » de Dominique Fiat (2016).
À la Galerie Courtesy, « Rut blees Luxemburg golden shutters London » de Dominique Fiat (2016). Dominique Fiat
À la Galerie Sophie Scheidecker, « Oda a la necrofilia, Mexico » de Kati Horna (1962).
À la Galerie Sophie Scheidecker, « Oda a la necrofilia, Mexico » de Kati Horna (1962). Sophie Scheidecker
À la galerie Polka, « Chines ecoliers, Guilin, Chine » de Marc Riboud (1965).
À la galerie Polka, « Chines ecoliers, Guilin, Chine » de Marc Riboud (1965). Marc Riboud