Un dessin de 1923 montre un beau jeune homme torse nu, avec une casquette de marin : c’est Raymond Radiguet croqué par Cocteau à Toulon. Dans ce grand port de guerre, paradis des Parisiens dissipés des années 30, fleurissaient alors les bordels des deux sexes et les fumeries d’opium. On a encore dans la tête ce cliché de pompons rouges arpentant les quais lorsqu’on parle de Toulon. Image obsolète ! On a vu Bordeaux, Nantes, Le Havre, sortir de leur torpeur : voici venus les jours de fête pour Toulon. « Cette ville, je la découvre tellement différente de l’image que j’en avais. » confie l’architecte marseillaise Corinne Vezzoni, chargée de la reconversion de l’ancien hôpital Chalucet, et qui s’est vu confier un territoire de quatre hectares. « Nulle part ailleurs en Europe on peut construire une telle surface en plein cœur de ville », se réjouit-elle.
Toulon, souvent mal-aimée de ses propres habitants, a d’abord eu besoin de se réconcilier avec son ego, de se réapproprier ses visages pluriels : port méditerranéen, ville de hauteurs avec cet imposant mont Faron, dont les pentes cascadent jusqu’à la mer, ville militaire avec son immense arsenal, capitale du rugby, avec ce stade Mayol bizarrement planté au milieu de la cité, ville couloir, ville reconstruite…
Quatre hectares refaits à neuf
« Le contexte était très fort dans cette configuration en pente allant du nord au sud, entre un secteur XIXe haussmannien, à l’orthogonalité implacable, et une ville années 50 très disparate », raconte Corinne Vezzoni. Ce projet de « quartier de la connaissance et de la créativité » réunissant école de commerce, école d’art et de design, médiathèque, services et logements est en passe de redonner à la cité son unité. Organisé en paliers autour de jardins et de bassins en cascade, situé à l’articulation de deux trames urbaines, il négocie la cohabitation des styles, symbole fort de la mutation d’une ville qui rattrape son retard à corps perdu. « J’admire que Toulon n’ait pas choisi de s’imposer par de grands gestes mais préfère entrer dans la modernité en requalifiant ses quartiers avec doigté, sans nier son histoire », analyse l’architecte.
La vieille ville s’éveille
À quelques mètres de là, l’ancien siège de la Caisse d’Épargne, bâtiment de 1964, labellisé Patrimoine du XXe siècle, s’apprête à devenir un hôtel urbain de la jeune chaîne Okko (@okkohotels). En descendant vers le port, au pied d’un opéra néoclassique, l’ancien quartier « Chicago », celui des marins en goguette, se réveille à son tour. Le vaste programme lancé en 2006 par le maire Hubert Falco (@hubertfalco) récolte spectaculairement ses fruits.
Oubliés les pompons rouges, la bonne fée du quartier s’appelle Hélène Audibert, adjointe au maire. Dans son escarcelle, des rues, des îlots entiers rachetés par la ville. Dans son sillage, des promoteurs, des investisseurs, des créateurs, des commerçants. Dents creuses dégagées, places aérées, hôtels particuliers révélés, cours intérieures retrouvées : la vieille ville renoue avec la lumière et la couleur.
Sur la place de l’Équerre, la jeunesse toulonnaise écoute du jazz au Petit Chicago, boit des coups au Twiggy Café (@twiggytoulon) décoré de papiers peints années 60.
Le long de la « jeune » rue Pierre-Sémard, les galeries, ateliers de création, concept-stores et boutiques vintage s’alignent. Le jour, elle s’anime d’expos photo et, la nuit, de jeux de lumière. Les Toulonnais lèvent à nouveau le nez, regardent leur ville, réalisent que la Frontale du port – ensemble d’immeubles face au port signés Jean de Mailly, dont les appartements-témoins furent décorés à l’époque par Charlotte Perriand – est un chef-d’œuvre de modernité. Toutes les villes connaissent des phases de déclin et de renaissance. Toulon vient d’entrer dans son cercle vertueux.
Toulon pratique
Y aller
Depuis Paris, 1 h 15 de vol via l’aéroport de Toulon-Hyères ou 3 h 45 en TGV. Informations sur Toulontourisme.com, Tpm-agglo.fr et Villanoailles-hyeres.com
Hôtel
Les Voiles : un boutique-hôtel qui est aussi une maison de famille animée par un frère et une sœur jamais à court d’idées. Cette retraite tranquille à quelques mètres de la mer est aussi le rendez-vous de la jeunesse toulonnaise, notamment pour ses « Sunday Sunset », des apéros dînatoires organisés tous les dimanches soirs d’été sur le rooftop, avec vue panoramique sur la Grande Bleue.
124, rue Gubler.
Tél. : 04 94 41 36 23.
Restaurants
> Le Pas de Côté : Stéphane, qui n’en est pas à son coup d’essai (Les Quilles, c’est lui), a fait de sa nouvelle adresse le point de passage incontournable des amateurs de vins naturels… Au déjeuner, une minicuisine propose des plats maison d’une grande fraîcheur, puis de quoi picorer pour accompagner
les jolis crus, le soir.
7, place d’Armes.
Tél. : 04 94 24 23 53.
> Xerri Chéri : vous reprendrez bien une petite taloa, ces galettes de farine de maïs made in Pays basque, que l’on garnit à volonté de jambon de la maison Montauzer à Guiche (64), de thon ou d’anchois venus de conserveries de petits ports, de fromage de brebis ? Et avec ça, un petit verre d’Irouléguy ? Cette épicerie-resto est le lieu où s’attabler entre amis pour faire traîner le déjeuner ou l’apéro, puis rentrer à la maison avec un panier plein des produits testés sur place.
17, rue de l’Équerre.
Tél. : 06 84 15 40 37.
> Café Liberté : On avait perdu l’habitude de bien manger sur la place principale de la ville, pourtant si belle avec sa fontaine et ses immeubles haussmanniens. Voilà qui est réparé avec ce « néobistrot gastronomique » où Christophe Maize réinvente chaque jour sa carte, sans lésiner sur la qualité des légumes bio et des vins de cavistes. Une valeur sûre dans un cadre de brasserie.
79, place de la Liberté.
Tél. : 04 94 92 06 50.
Bars
> Le Petit Chicago – Street Bar – Twiggy Café : les trois lieux qui font le buzz sur la place de l’Équerre et ses alentours. L’un est un restaurant et piano-bar de jazz, de blues et de rock ; le deuxième propose des déjeuners légers et une carte de street-food pour accompagner ses folles soirées ; et le dernier est un café vintage inspiré du Swinging London des 60’s avec son papier peint graphique et son tourne-disque. Trois joyeuses adresses au coude-à-coude pour chaque heure du jour.
Le Petit Chicago. Tél. : 06 99 07 84 78.
Street Bar. Tél. : 04 94 29 09 57.
Twiggy Café. Tél. : 04 83 16 99 72.
Shopping
> Chic Planète : Hélène, issue d’une famille d’antiquaires, et Julien, ancien journaliste, ont lancé cette brocante « millésimée » qui porte son regard sur le XXe siècle. D’un côté, une buvette décorée d’un bar en Formica, de l’autre, un atelier do it yourself où l’on peut coudre et broder. Une approche dépoussiérée de la brocante.
14-16, rue Pierre-Sémard.
Tél. : 06 22 24 10 08.
> Les Frangines et vous
Lisa, sculpteur, et Davia, styliste, sont lesdites frangines qui ont eu l’idée de cet atelier-boutique où on les voit travailler tout en profitant d’expositions mises en scène avec humour qu’elles organisent avec d’autres plasticiens, céramistes, peintres ou graphistes.
47, rue de Pomet.
Tél. : 06 51 89 82 84.
> Initio : qu’est-ce qu’un « lifestore » ? C’est un concept-store qui se veut aussi lieu de vie, petit café-bibliothèque où l’on se retrouve le week-end pour des lectures de pièces de théâtre ou des projections de films.
23 bis, rue Pierre-Sémard.
Tél. : 06 61 12 33 02.
> Inter-faces : un meuble iconique, un objet de créateur ou une cuisine Bulthaup : le meilleur du contemporain est réuni dans ce vaste espace en lisière du centre-ville. Toujours de bon conseil pour aider à trouver un cadeau, aménager des bureaux ou relooker sa maison, et toujours partant pour booster sa ville, Frédéric Weeger n’a pas hésité à laisser les jeunes candidats de la Design Parade piocher dans ses stocks pour réaliser leur décor…
5, avenue François-Cuzin.
Tél. : 04 98 00 65 75.
> Le Petit Biscuitier : entre deux expos, une pause gourmande s’impose. Cette adresse souffle un vent de jeunesse initié par Romain, mi-breton, mi-provençal, qui a rapporté de son tour du monde inspiration et savoir-faire. De la navette marseillaise au palet breton, de la madeleine à la langue de chat, des meringues aux biscuits salés, de quoi ensoleiller le goûter !
8, rue Pierre-Sémard.
Tél. : 09 86 38 01 91.
Art et Design
> Galerie du Canon : connu depuis longtemps pour ses entreprises, ses idées et ses initiatives, Jacques Mikaélian se lance tête la première dans la culture et l’art. Sa galerie, dont il a confié la direction artistique à Gilles Altieri, est de loin la plus ambitieuse du quartier avec ses 260 msup>2 pour mettre en scène des artistes internationaux.
10, rue Pierre-Sémard.
Tél. : 04 94 24 82 06.
> Metaxu : la terrasse sur cette petite place fraîche laisse penser que l’on a affaire à un bar traditionnel. Mais à y regarder de plus près, cet espace géré par des artistes pour des artistes est, certes, un café associatif mais aussi un lieu qui ouvre largement ses ateliers et ses salles d’exposition à mille expérimentations sonores et visuelles. Soit 120 m2 qui réservent en permanence des surprises, à commencer par son festival du dessin contemporain, Vrrrr, et ses randonnées urbaines pour regarder la ville autrement.
26-28, rue Laugier
et place du Globe.
> Galerie Lisa : dans les bacs qui s’alignent le long des murs de cette petite galerie, rapidement devenue une institution, viennent trouver refuge la plupart des créateurs de la région. Pièces originales, sérigraphies, gravures… Les œuvres tournent.
23, rue Pierre-Sémard.
Tél. : 06 09 69 06 81.
> Maison de la photographie : sur l’une des plus charmantes places de la vieille ville, cet ancien hammam a conservé son originale structure circulaire. Le lieu expose photojournalisme et photographie plasticienne, et s’inscrit ainsi dans le prolongement de la riche collection photographique du musée d’Art de Toulon.
13, rue Nicolas-Laugier, place du Globe.
Tél. : 04 94 93 07 59.
> L’Hôtel des Arts : cet emblématique bâtiment haussmannien de la haute ville sensibilise à l’art des XXe et XXIe siècles, soutient la jeune création, impulse des résidences et porte un regard particulier sur les questions urbaines et sur la Méditerranée.
236, bd Général-Leclerc.
Tél. : 04 83 95 18 40.