Le système d’ameublement modulable USM Haller semble traverser les époques et cette intemporalité sonne aujourd’hui comme un sérieux argument marketing à rebours de la surconsommation. Décryptage de son ADN avec Laurent Crochet, directeur général France de la marque suisse.
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Au départ : une serrurerie industrielle
IDEAT : Comment le système USM Haller est-il né ?
Laurent Crochet : Grâce à la création d’une serrurerie industrielle par Ulrich Schärer dans le village de Munisenges [d’où l’acronyme de la griffe, NDLR] en 1885. Mais le système d’ameublement vient de la rencontre de Paul Schärer, petit-fils du fondateur, avec l’architecte suisse Fritz Haller au début des années 60, qui va d’abord concevoir le nouveau site de production de l’entreprise, un bâtiment très avant-gardiste et modulable. Il a d’ailleurs été agrandi et reconfiguré plusieurs fois depuis sa création, sans qu’on puisse distinguer les différentes époques de construction. Et c’est pour équiper cette usine que le mobilier a été mis au point en 1965.
IDEAT : Au départ, ces produits étaient-ils destinés à un environnement exclusivement professionnel ?
LC : Oui. Il n’existait aucun produit sur le marché capable de répondre à la flexibilité architecturale de l’usine, alors Paul Schärer et Fritz Haller se sont appuyés sur le savoir-faire de l’entreprise – le travail du métal – pour concevoir un système de mobilier transformable qui réponde à leurs besoins. En visitant le site, certains clients l’ont remarqué, notamment la banque Rothschild, qui a souhaité en équiper son nouveau siège parisien en 1969. Naissait l’histoire commerciale du système USM Haller.
IDEAT : Et sa distribution sur le marché résidentiel ?
LC : Dès le début… même si la tendance s’est accélérée depuis les années 2000, portée par des leaders d’opinion qui ont souhaité cette extrême praticité chez eux et ont cassé les codes. Car le design de cette structure en tubes chromés est plutôt éloigné de l’univers de l’habitat, même s’il épouse tous les styles : un château du XVIIIe comme une maison ultramoderne. Au point que la moitié de nos activités concerne le secteur résidentiel.
USM Haller : une intemporalité qui dure
IDEAT : Cette transversalité tient au design élémentaire du système qui, en soixante ans, n’a quasiment pas bougé. Comment expliquer cette intemporalité ?
LC : On ne peut prévoir ce qui va traverser le temps. Dans le cas d’USM Haller et cela tient à la fonctionnalité. Une même grille de départ permet de répondre aux besoins très divers de gens très différents. Mais aussi à ceux d’une même personne à travers le temps grâce à sa modularité. Il ne s’agit pas de mobilier vintage revenu à la mode, mais d’un produit si bien conçu qu’il est toujours adapté aux nécessités… et se tient prêt à l’être à celles de demain.
IDEAT : Comment la marque évolue-t-elle ?
LC : En imaginant des fonctions inédites à partir du système existant. Les nouveaux usages viennent d’idées appliquées aux éléments d’origine, comme l’intégration de végétation avec un système de jardinière ou d’une alimentation électrique dans la structure pour insérer un système d’éclairage. Quand on lance un équipement, on veille à sa rétrocompatibilité. Pour que nos clients de vingt ans puissent aussi y accéder.
IDEAT : Dans un marché abreuvé de nouveautés, comment la marque se comporte-t-elle ?
LC : Il ne s’agit pas de se renouveler, mais de faire un pas de côté de temps à autre. En développant des collaborations avec des artistes, comme la céramiste Adélie Ducasse au travers d’une exposition organisée dans notre showroom parisien [jusqu’au 27 janvier]. Ou avec des marques comme Coperni, qui utilise nos meubles de façon très imaginative lors des fashion weeks, dans ses pop-up stores du monde entier ou encore dans son premier espace de vente, inauguré l’été dernier au Printemps Haussmann.
IDEAT : Lancez-vous aussi parfois des séries spéciales ?
LC : Oui, comme la collection « Language of Shapes », développée avec l’entrepreneur social The Skateroom et l’artiste suisse Claudia Comte, au profit de l’ONG Seven Hills en Jordanie et présentée à Milan en mai dernier. Cette année, nous avons aussi lancé une série spéciale vert olive, en plus des 14 couleurs de notre palette standard, avec l’idée de faire plaisir aux inconditionnels de la marque en leur proposant une forme d’exclusivité.
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