La pratique de Thomas Demand n’est pas sans évoquer l’allégorie de la caverne énoncée par Platon dans son ouvrage de référence La République. Comme les personnages du récit qui croient voir la réalité alors qu’ils n’en perçoivent que les ombres projetées, les spectateurs des œuvres du photographe sont confrontés à une prétendue vérité.
En reproduisant des images d’actualité ou de lieux quelconques au travers de maquettes grandeur nature, à base de papier et de carton – qu’il immortalise avant de les détruire –, l’artiste crée l’illusion du réel. Pour sa série d’œuvres historiques, il s’appuie sur des clichés ayant un lien avec des événements marquants.
Kontrollraum, par exemple, est construite à partir d’une photographie prise par un technicien de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, au Japon, après le tremblement de terre et le tsunami du 11 mars 2011.
La grande dimension de ses créations – certaines mesurent plus de 4 mètres de large sur 3 mètres de haut – donne naissance à un sentiment d’immersion totale. Pour accentuer cette impression, Thomas Demand a conçu une scénographie particulière au musée du Jeu de paume caractérisée par un habillage entier de murs.
Happé par ce décor, le visiteur n’a d’autre choix que d’interroger ce qu’il regarde. Parmi les autres séries présentées, « Dailies » interpelle également en proposant cette fois des images de taille réduite, élaborées à partir de prises de vue du quotidien. Les cadrages plus serrés donnent à voir des éléments ordinaires, comme un pot de glace vide ou du linge qui sèche à l’air libre.
Par opposition aux œuvres historiques, celles-ci mettent en lumière des épisodes mineurs de la vie, mais qui peuvent constituer le début d’une histoire. En se positionnant en véritable architecte des images, Thomas Demand manifeste la puissance narrative de ces dernières et rappelle ainsi que toute représentation est le fruit d’une construction.
> « Thomas Demand. Le Bégaiement de l’histoire ». Au Jeu de paume, 1, place de la Concorde, 75001 Paris, jusqu’au 28 mai. Pour compléter la visite : « Histoires vraies ». Au MAC VAL (musée d’Art contemporain du Val-de-Marne), place de la Libération, 94400 Vitry-sur-Seine, jusqu’au 17 septembre.