Pour son centenaire, la Triennale de Milan se restructure. Marco Sammicheli, directeur du musée du Design italien de l’institution, peaufine un lieu plus grand public, mais toujours savant. Avec lui, l’architecte Luca Cipelletti redonnera toute sa modularité d’origine au bâtiment. Leur but, rapprocher les visiteurs des riches archives de la maison.
Tout commence en 1923, à la Villa Reale di Monza, où se déroule la Biennale des arts décoratifs. Dix ans plus tard, la manifestation s’installe à Milan, au palazzo dell’Arte, œuvre rationaliste de l’architecte Giovanni Muzio qui vient d’être érigée.
À l’époque, le lieu était flexible, le but étant d’organiser toutes sortes d’expositions mettant en rapport l’industrie, la production et les arts appliqués. Mais les gens y venaient aussi pour flâner dans la boutique de cadeaux ou pour s’attabler au restaurant donnant sur le jardin.
La connexion avec la gare a contribué au succès de la Biennale qui est devenue Triennale de Milan. Laquelle était vouée aux arts décoratifs comme à l’architecture, à la mode, au design ou à la photographie et fut, dans les années 50, une référence pour le design industriel et l’habitat avec, notamment, la présentation de pièces récompensées par le prix international Compasso d’Oro.
Cela explique pourquoi l’exposition permanente court du début du XXe siècle jusqu’aux années 90. Les murs sont également constellés d’affiches et de documents signés des plus grands maestri du design italien.
La gageure aujourd’hui ? Diffuser ce savoir pointu auprès d’un nouveau public. D’où le modèle architectural, Back to Muzio, élaboré par Luca Cipeletti, et dont l’ouverture est prévue à la fin de l’année. Dès l’entrée, le visiteur tombera sur des vitrines régulièrement renouvelées mettant en valeur, par exemple, une acquisition ou un don, lesquels ne nécessiteront plus de faire illico l’objet d’une exposition.
On peut imaginer, selon l’architecte, des archives de l’éditeur Cassina mises en relation avec une pièce de mobilier. Ce sera une façon de suivre l’actualité des abondantes archives. Luca Cipelletti reviendra ainsi à la modularité du bâtiment des débuts. Lui et Marco Sammicheli, directeur du musée du Design italien, avec toutes les équipes du musée, travaillent à rapprocher les visiteurs de la culture du design pratiquée encore (trop) souvent entre spécialistes.
Demandez à Marco Sammicheli à quel type de visiteur il s’adresse, sa réponse est sans appel : « Le grand public ». Ancien journaliste au magazine de design Wallpaper*, il est d’autant mieux armé pour atteindre cet objectif. Il veillera aussi, affirme-t-il, à toujours accueillir la création contemporaine, en regard ou pas avec les trésors existants. Des dessins d’un architecte côtoieront, par exemple, des photos retraçant l’histoire de la Triennale.
Directeur, curateur et auteur, Marco Sammicheli répète à l’envi son souhait de partager le savoir du design sans négliger le travail des architectes d’intérieur. Et par ailleurs, il estime qu’il ne faut pas faire abstraction de tout contexte historique. Quand il nous détaille le contenu des six futures period rooms de la partie du musée qui sera revisitée, il évoque celle de la Casa Minerbi, conçue par l’architecte Piero Bottoni. Où l’on découvrira aussi que la famille Minerbi, d’origine juive, a été persécutée dans les années 30 lors de la mise en application des lois raciales.
Pour le directeur de la Triennale de Milan, l’intérieur d’une pièce de la demeure, exposé avec le mobilier d’origine, reflète le monde de cette époque. Marco Sammicheli parle donc de « contextualiser les différentes décades de l’histoire du design ». Au musée aussi de souligner la riche diversité du paysage du design italien et de remettre en lumière ses noms oubliés, de femmes en particulier.
Les period rooms restitueront l’ambiance d’une maison, d’une salle de bains, d’un studio de design graphique, d’une pièce remplie d’ordinateurs et d’un garage. Pourquoi ? Parce que le design est partout ! Quand les visiteurs descendent à la station de métro Cadorna Triennale, la rampe écarlate de l’escalier qu’ils empruntent est déjà exposée au musée, signée du designer Franco Albini (1905-1977). Cent ans après, à la Triennale, tout est projet.
> Triennale de Milan. Viale Alemagna, 6. 20121 Milan.