Timothée Leclabart, jeune designer à l’avenir prometteur

Lauréat des "Rising Talent Awards" de Maison et Objet en 2023, le designer avait fait forte impression avec son mobilier façon fantômes rigolos et enfantins. Rencontre.

Lauréat en septembre 2023 des « Rising Talent Awards », concours organisé par Maison et Objet et par Philippe Starck, Timothée Leclabart a fait sensation avec ses « Boo », objets aux multiples fonctions inspirés par son âme de père. Ces surprenantes créations sont aujourd’hui exposées et en vente au Bon Marché jusqu’au 16 avril. Retour sur le parcours du jeune homme à l’avenir plus que prometteur.


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En toute modestie

Par son éducation et ses fréquentations, Timothée Leclabart se dirige naturellement vers la création. Pourtant, il se sent illégitime et n’ose pas se lancer. Il préfère rester du côté de « ceux qui donnent à voir », comme il explique : « Je n’avais pas assez de talent donc je me suis dit que j’allais aider les artistes à créer. »

Portrait de Tim Leclabart. (c) Virgile Texier
Portrait de Tim Leclabart. (c) Virgile Texier

Pour parvenir à ses fins, l’humble jeune homme intègre l’ICART, l’école de management culturel et artistique qui lui ouvre ses premières portes sur l’art contemporain. Il fait ses armes auprès de galeristes de renom tels que Jérôme de Noirmont et travaille notamment pour le PAD. Cette immersion dans le monde du design se poursuit à Londres à la célèbre Carpenters Workshop Gallery où il effectue un stage avant d’approfondir ses connaissances sur l’histoire des arts décoratifs et du design avec un master plus théorique de curating.

Diplôme en poche, Timothée Leclabart collabore avec Paule Viguier et Candice Fauchon de la galerie James, spécialisée dans le mobilier brésilien moderniste. Le couple décidant de monter une succursale à Trancoso dans l’État de Bahia, Timothée les suit dans cette aventure et pose ses valises au Brésil pour deux ans. Période pendant laquelle il s’initie au design du pays à Rio, au sein du studio Zanini de Zanine Caldas, fils du célèbre Jose Zanine Caldas. « Ce grand architecte brésilien qui a inventé le tropicalisme, il récupérait des vieilles poutres de démolition pour en faire des meubles, son fils fait la même chose dans une esthétique plus radicale, moins organique », précise le jeune créateur. De ces années de découverte et d’apprentissage, Timothée garde une source d’inspiration inépuisable.

La table basse « Curved » s’inspire de la résidence « Casa das Canoas » imaginée par Oscar Niemeyer.
La table basse « Curved » s’inspire de la résidence « Casa das Canoas » imaginée par Oscar Niemeyer.

Tim Leclabart : l’expérience comme point de départ

Ces différentes expériences ont forgé son approche transversale faite d’art, d’architecture et de design. Alors qu’il travaille avec l’antiquaire Alexandre Guillemain, les lignes de ses premiers meubles se dessinent. « Par le prisme de la photographie et de la vidéo, j’ai commencé à avoir l’idée de comment présenter un objet, comment raconter une histoire. J’ai commencé à avoir des projections de modélisation », confie Timothée. Mauvais dessinateur, il utilise un logiciel pour mettre en forme ses idées.

Le studio « Tim Leclabart » voit le jour lorsqu’il crée sa première pièce, la table basse Curved, dont la base en noyer et le cœur en verre laqué reprend une technique utilisée par le designer brésilien Joaquim Tenreiro et qui s’inspire par ailleurs de la résidence « Casa das Canoas » imaginée par Oscar Niemeyer. Son réseau lui permet d’être exposé au PAD, à Londres, dès 2019 puis à l’Atelier Jespers de Bruxelles. Tim signe ainsi officiellement son entrée dans le milieu de la création contemporaine.

Totem « Axis », véritables sculptures lumineuses en résine colorée.
Totem « Axis », véritables sculptures lumineuses en résine colorée.

Parmi ses œuvres à connaître, on retient ses luminaires totems Axis, véritables sculptures lumineuses en résine colorée : un néon en verre soufflé est fixé sur un socle en chêne brut récupéré, traité à la cire d’abeille. Son fauteuil Canné est quant à lui sélectionné en 2022 pour rentrer dans les collections du Mobilier National. Cette assise « intemporelle », selon les mots de son concepteur, met en valeur des savoir-faire artisanaux avec son « cannage à la Pierre Jeanneret ». Le bois est un des matériau de prédilection du designer : « j’ai toujours aimé les veines du bois, ses nœuds, ses irrégularités, c’est une belle matière vivante.»

Le narratif au premier plan

Reconnu grâce à un talent qu’il ne soupçonnait pas, Tim Leclabart est lauréat en 2023 par Maison et Objet de leurs « Rising Talent Awards ». Il constitue son dossier avec ses pièces les plus célèbres, l’envoie puis fait marche arrière : « j’avais depuis longtemps envie de faire un meuble pour ma fille, le thème « Enjoy » du salon m’a inspiré. J’ai dessiné un prototype et lorsque je lui ai montré, elle m’a dit on dirait un petit fantôme qui fait boooo ». En quatre mois, le créateur produit une collection influencée par l’univers enfantin des dessins animés comme Barbe à Papa, les Shadoks et des jeux vidéo dont Pac-Man. Ces objets sculpturaux peuvent avoir plusieurs fonctions : chaise d’enfant, table de chevet ou d’appoint. Avec ses formes et ses couleurs pop, les « Boo » créent la surprise et s’inscrivent en rupture avec les précédentes œuvres du designer.

La famille « Boo ».
La famille « Boo ».

Son mobilier, entre art et sculpture, est consacré à différentes reprises. Timothée, qui en a pourtant fini avec le syndrome de l’imposteur, n’aime pas se définir comme designer. « Il y a des similarités entre mes différents projets, mais je fonctionne de manière très instinctive, très spontanée et dès qu’il y a une matière, une rencontre, un souvenir, une expérience de voyagee le transforme en objet », avoue-t-il. Il prône un design narratif : l’histoire de la pièce passe avant la technique.

Une approche qui prend tout son sens à travers son futur projet, beaucoup plus conceptuel et philosophique : « Je suis en train de changer d’échelle. Je m’intéresse de plus en plus à la perception de l’objet et au curating ». Tim en revient ainsi à ses premiers amours et questionnera notre rapport aux objets du quotidien. « Comment cette vieille timbale qu’on reçoit d’une grand-mère sans valeur esthétique mais qui, placée dans un autre contexte, devient très symbolique et belle ? » questionne-t-il. Une mise en scène, encore en construction, que nous espérons découvrir rapidement.


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