Avant que des fictions comme Severance ne l’esthétisent à outrance, le lieu de travail s’apparentait à une sorte de no go zone qui échappait au beau façon décor grisâtre et désordonné de The Office, la sitcom à succès – sans parler du petit trombone Clippy qui a hanté bon nombre d’utilisateurs de Windows Office. Si des designers se sont penchés sur son cas – du couple Eames et son emblématique siège Chicago à la pionnière de l’aménagement de bureau, Florence Knoll – c’était avant tout pour lui forger une image plus corporate que cosy. Mais cela a fortement changé depuis une vingtaine d’années, avec l’implantation de boutiques et de marques de papeterie et d’accessoires de bureau soucieuses de mettre un peu de vie et de style dans cet espace normcore – souvenez-vous de cette joie collective lorsqu’en 1998 Muji débarquait en France et en 2012 du lancement de Papier Tigre. L’article de papeterie et les accessoires de bureau design sont peu à peu devenus des valeurs-signes, participant à des pratiques esthétiques servant à affirmer notre position sociale tout comme notre capital culturel et économique.
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Kawaii stationary : quand la papeterie japonaise séduit le monde
L’engouement pour la papeterie remonte à plusieurs siècles et n’a finalement pas pris une ride. Durant l’Antiquité et le Moyen-âge, l’écriture sur papyrus et parchemin nécessitait déjà des instruments spécifiques. À la Renaissance, l’essor de l’imprimerie permet de développer de véritables articles de papeterie, des coffrets d’écriture aux sceaux en passant par les carnets. La correspondance écrite entraîne une mode autour des beaux papiers et des accessoires raffinés et l’industrialisation du XXe siècle débouche, elle, sur la démocratisation des articles de papeterie et des fournitures scolaires.
Quant aux boutiques et rayons dédiés, de Merci à Mark’style, ils deviennent de véritables repères d’esthètes. Fraîchement débarquée depuis cet été, la papeterie Kōya à Paris est un petit paradis pour papivores, s’adressant autant aux CSP+ qu’aux écoliers – stylos effaçables et trousses en forme d’animaux Legami, agrafeuses Penco, carnets Zequenz… Avec une nette préférence pour les articles de papeterie japonaise qui ont leurs fans depuis l’explosion du « kawaii stationary » dans les années 90 grâce aux marques Sanrio et Midori.
Accessoires de bureau et bien-être : moins de stress, plus de créativité
Nul doute que les réseaux sociaux boostent la désirabilité de ces articles. Des trends vidéos comme « Study with me » et les « Desk tour » ou encore les photos hashtaguées #stationeryaddict , #deskdecor, #deskorganization et #desksetup transforment la décoration de bureau en performance sociale. Et la normalisation du télétravail n’est pas étrangère à cette sur-investigation physique.
Pour Fanny Petit, directrice artistique et photographe qui a déjà ses habitudes chez Kōya, les accessoires de bureau design permettent de maîtriser son environnement et de prolonger son univers: « J’ai été enseignante pendant 10 ans donc je suis très attachée à l’univers scolaire. Dans un monde complexe chargé d’objets numériques, ces objets utilitaires simples permettent d’établir un rapport sensoriel (le toucher d’une gomme, l’odeur du papier, le bruit d’une agrafeuse) à notre environnement. Je rapporte souvent de mes voyages, en guise de cadeaux souvenirs à mes amis et à mes enfants, des accessoires de papeterie. Ces petits objets-totem stimulent également mon imagination par leurs couleurs et leurs formes. »
Flex office et personnalisation : affirmer son identité au travail
Dans un environnement de travail de plus en plus anonyme et virtuel en raison des open spaces flexibles et des réunions par écrans interposés, les accessoires de bureau sont autant de marqueurs d’individualité qui permettent d’insuffler un soupçon d’humanité dans un collectif noyé dans l’anonymat salarial.
Le carnet Leuchtturm1917, le stylo Kaweco, le Portable Tool Frame de Present & Correct, la Tool Box de Hay et tout autre accessoire de bureau design ont alors une valeur symbolique qui dépasse leur utilité première. Quitte à être carrément détournés : l’« ASMR desk », ou encore le « home office ASMR », s’invitent régulièrement sur Youtube et TikTok, et pas qu’à la pause déjeuner.
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