Une autre expression que vous utilisez : la « Yukaisation » du consommateur, en référence à l’application Yuka, qui décrypte l’impact des produits alimentaires et cosmétiques sur notre santé. Peut-on vivre, produire ou créer dans le contrôle permanent ?
Pierre-François Le Louët (NellyRodi) : Cela fait partie des nouveaux référents. La transparence et la traçabilité sont des impératifs stratégiques. De même que la communication de ces informations. La conformité par rapport aux impératifs environnementaux est un élément clé, quelles que soient les industries : le mobilier, la mode, l’alimentation ou autre. La consommation est de plus en plus raisonnée. Pour une partie des Français, elle est liée à un ensemble de valeurs. Pour eux, c’est un acte politique. Il importe donc de nourrir son discours de marque pour prouver que l’on est en phase avec les valeurs que l’on défend. Il faut faire et faire savoir.
Les marques de luxe tendent-elles aussi à se montrer plus à l’écoute de la société en la reflétant ?
Oui. Le luxe ne peut plus se contenter d’imposer la vision d’un directeur artistique sur le reste du monde. Pour autant, ça ne peut pas complètement disparaître, car la créativité doit toujours être incarnée par une personnalité. Quand je dis que cela ne suffit pas, c’est qu’il faut aussi prendre en compte la clientèle et dialoguer avec elle en tant que communauté. Ce nouveau type d’échange vient nourrir la marque et le développement de ses produits. C’est ce qui fait que la sauce prend.
Quand on parle de démocratisation du luxe, on pense à des grandes marques, devenues populaires bien au-delà de leur clientèle. Cette communauté élargie est-elle pour autant apte à les juger ?
Oui, c’est ce qu’on a vu en Chine avec des scandales épouvantables qui ont fait du mal à certaines marques, notamment italiennes. Même ceux qui ne les achètent pas peuvent néanmoins en parler sur les réseaux sociaux, parce que ces marques de luxe sont entrées dans la culture populaire.
Qu’est-ce qu’on ne dit pas assez à propos de votre activité ?
On nous réduit encore beaucoup à la question des tendances telles qu’on les connaissait dans les années 80-90, alors que c’est la dimension stratégique et business qui fait aujourd’hui la réalité de NellyRodi. C’est normal, car on se fait plus discrets, parce que plus stratégiques. C’est la raison pour laquelle la discussion que nous venons d’avoir est extrêmement rare ; je fais très peu d’interviews. (Rires.) Nos clients nous le demandent aussi. Cela contribue à un certain mystère qui entoure l’agence. Nos métiers ont changé, tout comme la création et ses industries.