Tendance : Le cottagecore, ou quand le design se met au diapason du réconfort

Le cottagecore, ce doux mélange de romantisme rural et de nostalgie feutrée, s’impose dans nos intérieurs contemporains. Entre retour du fait main, goût pour les matériaux naturels et fascination pour les objets anciens, cette esthétique ressuscite une forme de confort émotionnel. Mais derrière ses airs champêtres se cache une quête de sens bien ancrée dans notre époque troublée.

L’annonce du reboot de La Petite Maison dans la prairie prévu par Netflix aura fini d’ériger le cottagecore, ce style romantique à souhait, à la première place des tendances déco à adopter – d’ailleurs, à l’heure où nous écrivons ces lignes, la trend cumule plus de 6,3 millions de publications Instagram. Après avoir colonisé les podiums, cette esthétique rétro s’infiltre dans nos intérieurs, nous ramenant chez nos grands-mères, dans ces maisons synonymes de réconfort et de grandes vacances insouciantes, à grand renfort de napperons brodés et de couvertures en crochet. Décryptage d’une tendance nostalgique qui traduit sans nul doute un besoin, dans un monde en quête de repères, d’être rassuré par un passé fantasmé.


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La maison comme sanctuaire : quand la nostalgie devient refuge

Entre deux classiques danois (à coups de tapis de laine finement tissés et de meubles en bois travaillés hérités de l’âge d’or du modernisme scandinave), des pièces aux formes organiques et aux courbes généreuses, fleurant bon le passé re-faisaient surface pour la dernière édition des 3 Days of Design de Copenhague. Pour Malene Lytken, historienne et guide au DesignMuseum, cette frénésie fait surtout état du climat actuel. 

Photo tirée du compte Instagram Farmhouse in the Fens (@farmhouseinthefens).
Photo tirée du compte Instagram Farmhouse in the Fens (@farmhouseinthefens).

« Le terme ‘hygge’, synonyme d’intérieur cocon et cosy, est bien ancré dans la culture danoise. En ces temps marqués par les guerres, la crise climatique et les catastrophes naturelles à répétition, on observe un regain d’intérêt pour le confort domestique, le romantisme, et cela passe notamment par l’usage de matériaux naturels, de surfaces douces et de textures tactiles. »

Si le design contemporain est fait de douceur, c’est, pour Louise Roe, figure du design danois qui traduit cette approche dans ses collections empreintes de féminité et de poésie fonctionnelle, une façon de se rassurer : « Quand le monde semble à l’envers et que l’avenir paraît incertain, il y a un besoin profond de quelque chose de traditionnel et doux, qui apporte un sentiment de sécurité et de stabilité. Les rituels et les éléments familiers servent d’ancrages dans les périodes de chaos, et nous y sommes instinctivement attirés. »

Le vase soufflé bouche façon drapé de Louise Roe.
Le vase soufflé bouche façon drapé de Louise Roe.

Dans sa dernière collection Louise Roe Andersen joue avec les formes rondes et le verre soufflé façon drapé sophistiqué, exploitant les émotions comme matière première. « L’essence de ma direction créative réside dans l’équilibre de dualités : doux / fort, intuitif / structuré, continue la fondatrice de la griffe qui porte son nom. Dans le monde numérique actuel, le besoin d’éléments simples et nostalgiques pour nous sentir en sécurité et centrés se fait sentir. La nostalgie n’est pas un regard ni un retour en arrière, mais une reconnexion émotionnelle permettant de créer quelque chose de nouveau, à la fois intemporel, familier et unique. Mes créations reflètent cela : elles sont souvent solides, lourdes et authentiques, offrant une sensation de fiabilité durable.»

Le retour du fait main : l’artisanat au cœur du cottagecore

« Depuis quelques années on observe un retour aux techniques ancestrales et traditionnelles, aujourd’hui réinterprétés sous un prisme moderne et un regain d’intérêt pour les processus faits main, précise l’historienne Malene Lytken. On ressent un besoin de lenteur – de quelque chose d’authentique et d’humain. Ce n’est pas nouveau : à l’époque victorienne, au cœur de l’industrialisation galopante et des tensions sociales grandissantes, les gens tiraient leurs lourds rideaux de velours – littéralement et symboliquement – pour tenir à distance le chaos du monde extérieur. Les défis d’aujourd’hui suscitent un réflexe similaire : une aspiration au calme et à une beauté enracinée dans la tradition. » Du salon à la chambre à coucher, la maison devient sanctuaire – en témoignent notamment les parures de lit délicatement old school de Tekla.

L’installation mi Shaker-mi cottagecore de Tekla pour les 3 Days of Design 2025.
L’installation mi Shaker-mi cottagecore de Tekla pour les 3 Days of Design 2025.

Fascinée par des siècles d’art textile, de références historiques et de savoir-faire, Christina Engsig et Barbara Hvidt, à la tête du label Avillafranciska, s’appuient sur des archives et remettent au goût du jour ces dessins de style rococo tardif dans un jacquard satiné. Dans un nouveau langage visuel et couché sur le textile, on retrouve quatre motifs historiques – des scènes de chasse dans les forêts scandinaves – inspirés d’images présentes sur les nappes du XIXe et XXe siècles. Une approche qui illustre parfaitement cette nouvelle vague d’artisanat poétique :

« Il existe clairement un intérêt croissant pour les formes de production plus lentes, confirme le duo. L’attachement au processus comme à l’objet final favorise une appréciation durable et le désir de préserver cedernier au fil du temps, et au-delà de la fonction, d’y percevoir autre chose : une âme, une mémoire ou encore une nostalgie que nous portons tous en nous. Aussi il est stimulant de revisiter l’histoire textile, notamment scandinave, non pour la reproduire, mais pour en transmettre l’essence. Nous sommes inspirées autant par la précision et le détail de ces techniques traditionnelles que par le temps et le dévouement qu’elles impliquent. C’est aussi une manière d’honorer une exploration attentive de la forme, de la matérialité et de la tactilité. » Et une façon de donner du sens au design contemporain.

L’un des espaces de la Folie Barbizon.
L’un des espaces de la Folie Barbizon. © Adel Slimane Fecih

Objets oubliés, mémoire retrouvée : l’émotion comme fil conducteur

Avis aux collectionneurs : les fioles miniatures et autres bibelots à exposer ont la côte. Depuis 2015, Kindred Black s’engage à faire de ces flasques oubliées un accessoire design avec ses flacons en verre soufflés bouche. Quant à Natalia Criado, elle pare ses pièces de détails subtiles, transformant ses couverts en petits bijoux de tables. Les sucriers vintage vendus par The Oblist, les couverts en argent torsadés parés de diamants d’Elhanati et autres porte-toasts sophistiqués imaginés par Sophie Lou Jacobsen incarnent cette revalorisation du quotidien. Lors des 3 Days of Design de Copenhague de juin dernier, une petite cuillère à l’allure victorienne signée Corali Jewelry, plantée dans le décor chaotique de Charlotte Taylor, attirait tous les regards, preuve que le patrimoine décoratif peut être source d’inspiration contemporaine.

Dans le même temps, les meubles monumentaux font, eux aussi, leur réapparition. Comme en témoigne Mattina Desk, un bureau asymétrique à la corpulence dodue et aux courbes crues qui signe un retour à l’acajou verni. Pour l’architecte Danielle Siggerud qui l’a dessiné, il était important de célébrer ici le savoir-faire scandinave et la menuiserie d’exception. « Aujourd’hui le design cherche davantage l’intégrité que le spectaculaire. Cela nous ramène naturellement au savoir-faire, aux proportions et à l’honnêteté des matériaux. Pour moi, l’artisanat n’est pas un luxe, c’est le fondement de la qualité. Je ne m’intéresse pas à recréer le passé, mais à travailler avec des matériaux et un savoir-faire qui gardent leur sens au fil du temps. S’il existe un retour culturel, je le vois moins comme de la nostalgie que comme une redécouverte de ce qui compte vraiment : une architecture, des espaces et des objets qui offrent de la clarté, de la profondeur et un sentiment d’appartenance. »


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