Connue pour ses créations de bijoux, de sacs et de chaussures quelque peu audacieuses, Justine Clenquet s’intéresse également à l’architecture et au design. Avec son compagnon, elle collectionne d’ailleurs, depuis plusieurs années, des pièces de mobilier avec une prédilection pour les années 70. Visite d’un pied à terre, une maison Art Nouveau réalisée par l’agence Superstane.
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Une petite rue où l’Art Nouveau règne en maître
Initialement à la recherche d’un terrain dénué de toute influence et complètement ouvert à une composition architecturale personnelle, le couple est tombé sur cette maison située dans une sublime rue de la métropole lilloise, où l’Art nouveau règne en maître.
C’est en 1906 que l’architecte Gabriel Pagnerre, à l’origine de toutes les habitations du quartier et assisté des célèbres céramistes de la Maison Coilliot – connue et classée pour sa façade réalisée par Hector Guimard –, a construit celle qui déclenchera chez ses futurs propriétaires un revirement total. « Nous ne voulions pas d’une maison déjà rénovée, dans laquelle un sentiment d’appartenance nous semblait impossible à faire naître. Là, nous avons été immédiatement séduits par la lumière, les volumes, les céramiques et la verrière. Et par cet inéluctable “tout à refaire”, accordant personnalité et incarnation loisible », confie Justine Clenquet.
La créatrice, qui projette sur ses bijoux une identité et un particularisme prononcés, ne pouvait donc imaginer son lieu de vie sans y plaquer, là aussi, des caractéristiques très singulières. De son propre aveu, elle se projette dans un lieu à la condition qu’il soit inspirant : « Pour les travaux, j’ai cherché un architecte local dont le travail correspondrait parfaitement à nos attentes. Nous lui avons envoyé quelques-unes de nos réflexions avec pour impératif de garder l’identité de cette maison Art nouveau, dans laquelle s’inséreraient quasi naturellement nos pièces de design 70’s et d’autres plus actuelles », détaille-t-elle.
Stéphane Waroczyk, à la tête de l’agence Superstane, aime à se décrire « sensible aux influences underground ». L’homme n’aime pas la « mode », trop fugace et inadaptée à sa vision de l’habitat ; toutefois, son travail révèle un côté bien plus « punk » qu’il n’y paraît de prime abord.
Il a parfaitement saisi les consignes du couple. Et comme il aime expérimenter, il sait sortir du cadre sans pour autant dénaturer l’existant. Il use alors de son imagination autour des verrières, des céramiques et des vitraux chargés d’histoire. Ici, l’architecte a su créer un dialogue entre les courbes de l’ouvrage avant-gardiste et les confronter à une trajectoire plus rectiligne et minimale, conforme à un mode de vie contemporain et pérenne. Il a, par exemple, ouvert la cuisine telle qu’aurait pu le faire Charlotte Perriand, créant un comptoir passe-plat qui n’isole pas, mais délimite distinctement les deux espaces : la cuisine et la salle à manger.
La suspension est une création signée Superstane, conçue pour ce projet. Elle prend ici la couleur des céramiques, renforçant discrètement leur présence. La poésie du mélange des genres opère, entre un espace volontairement dépouillé et contemporain, d’un côté, et chargé de témoignages et de références artistiques du début du XXe, de l’autre. L’avant-garde se frotte à l’épure.
Superstane au service de Justine Clenquet : le bon mix
Et c’est ici même que le mobilier trouve sa place et que les années 70 deviennent le liant. Tobia Scarpa, Willy Rizzo, Michel Ducaroy, Pierre Paulin… autant de signatures pour marquer les époques mais universaliser les mélanges. La mode n’a alors aucune emprise lorsque cohabitent aussi harmonieusement plus de cent vingt années d’architecture et de design. Le mobilier reste toujours aussi beau, adaptable à toute période ou tout style…
C’est certainement là tout l’art d’une création réussie, comme ce projet lillois réfléchi dans son entièreté et ses agencements présents dans chaque pièce. Le travail du bois, un contreplaqué de bouleau teinté, uniformise, fédère et renforce les relations de contrastes des nombreuses ouvertures. L’architecture au service du design ou Superstane au service de Justine Clenquet… ce projet embrasse une grande diversité artistique et fait parfaitement écho au travail personnel de chacun.
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