Soutenues par l’équipe d’une petite dizaine de designers et d’architectes, d’intérieur ou pas, Arianna et Chiara ont encore le temps de s’atteler à des intérieurs privés. Mais on les retrouve le plus souvent à réaliser des installations ou des scénographies d’exposition. Cette année, Studiopepe développe sa branche design. Depuis 2011, c’est leur vase Kora en céramique mate qui les distingue. Pas du tout marketé, il ressemble à une amphore ancienne qu’un logiciel d’ordinateur aurait rendu plus géométrique.
En édition limitée, Studiopepe édite des pièces spéciales, comme celles de la collection « Ossimori » (oxymores en VF), qu’elles ont qualifiées de « totems apotropaïques (qui conjurent le mauvais sort, NDLR) ». Entre le décoratif et l’utile, entre l’objet votif et le vestige surréel, ils réincarnent les grâces d’un monde perdu. « C’est la première fois que nous produisons ce genre de pièces où le travail des matériaux conditionne la perception qu’on en a », décrypte Chiara.
Certaines pièces seront exposées chez Chamber, LA galerie de l’édition limitée à New York. D’autres projets sont en cours chez &Tradition, La Chance et Menu, trois noms antikitsch au possible. Les deux designers collaborent actuellement avec une grande maison italienne, mais c’est encore secret. Elles travaillent déjà sur les pièces qui seront présentées lors de la foire Miart de Milan, du 31 mars au 2 avril 2017. En même temps, ce dont elles rêvent, ce serait de faire un restaurant. Au quotidien, les concepts viennent sans délégation de Chiara et d’Arianna. Elles discutent et dessinent beaucoup ; la modélisation sur ordinateur ne vient qu’après. Arianna, très pédagogue, explique : « Le fait de travailler en duo implique une approche dialectique constante. »
Leurs clients veulent-ils être décoiffés par la modernité ou ont-ils juste soif de beau ? Pour Chiara, « la modernité est une notion complexe. C’est aussi de regarder le passé autrement. Nous essayons de le rendre poreux aux langages contemporains de façon à le réinterpréter. » Pour elles, les clients italiens, s’ils sont réputés pour leur approche formelle et leur goût de l’expérimentation, n’en négligent pas pour autant d’investir dans leur image. Ce que Studiopepe fait va au-delà de ladite image. Les deux designers travaillent carrément à rendre l’approche cultivée par la marque la plus visionnaire possible.
Le Politecnico, pour elles, était un lieu de savoir théorique, une formation capitale mais qui n’était qu’un point de départ. « Il faut ensuite cultiver sa propre approche, son style et expérimenter tous les jours », précise Arianna. Elles voyagent beaucoup, pour voir ce qui se fait ailleurs. Elles se sentent des racines culturelles italiennes sans considérer ce passé comme pesant. Elles pensent plutôt que cette histoire a été synonyme de pensée libre, s’agissant des arts appliqués. Mais, pour Arianna, le Graal du design, c’est « l’intemporel, le projet qui n’ennuie jamais puisqu’il maintient sa beauté à travers le temps, dont il est l’expression ». On ne saurait mieux dire.