Gilad a la chance de travailler avec des gens qui savent à qui ils ont affaire. « La chose importante pour le designer, c’est de savoir jusqu’à quel point exercer le sens du compromis », ajoute-t-il. Pas celui où l’on perd, mais celui où l’on échange. Pour lui, il s’agit de maintenir ou de perdre sa « dignité ». Il se corrige: « Euh… identité. » En travaillant avec un éditeur industriel, il lui faut respecter les coûts de production. « En même temps, vous n’avez pas forcément envie d’adhérer parfaitement au système, vous pouvez un peu briser le cadre, et étendre les possibilités. Mais vous êtes dans une société et pas là pour faire de l’art », conclut-il. Ron Gilad jouit d’une grande liberté chez Danese. Et le fait d’avoir quelques contraintes lui permet de terminer ses projets plus rapidement. « C’est le meilleur moyen de conclure en étant respectueux. Je ne dis pas ça pour être poli, je ne le suis pas », précise-t-il.
Ses années américaines sont aussi un atout pour Danese. Le nouveau directeur de la création n’est pas dépassé quand on lui parle de marchés étrangers. À New York, il s’auto-produisait dans un milieu pauvre en éditeurs du calibre des Italiens. Pour autant, il ne s’est pas abîmé dans le rôle du créateur seul sur son rocher. Il a toujours recherché les moyens techniques d’innover, même quand ses créations semblaient trop arty. Abonné de bonne heure aux collaborations avec les éditeurs italiens, il a paradoxalement intégré Danese avec, en poche, un bon carnet d’adresses de fournisseurs… italiens !
Sa petite équipe chez Danese sait qu’elle n’est pas en face d’un individu qui débarque. « Je conserve mon identité en restant le seul qui fait les dessins. Je ne veux surtout pas de quelqu’un qui développe mes projets », confesse-t-il, sûr de lui. En fin d’après-midi, alors que Ron Gilad avoue qu’il n’a jamais été optimiste, on lui dit qu’il améliore la réalité autour de lui. Il le conteste au motif que changer le monde n’est pas du tout son but. Il préfère des recherches personnelles pour sa propre satisfaction, et pour se surprendre. Au fond, Ron Gilad connaît son affaire. Donc, qui va piano va sano…