Reportage déco : Hubert de Malherbe et son refuge d'inspiration
Par
Serge Gleizes
le
Dans son multiplex parisien, Hubert de Malherbe enferme ses jardins secrets, ce qui lui permet ensuite de délivrer des messages subliminaux sur la nature, l’écologie et le temps qui passe. Cet espace baigné de lumière présente art contemporain, design du XXe siècle et objets récupérés que le designer détourne pour en faire des créations insolites… mais toujours poétiques.
C’est un lieu de vie, mais plus encore d’inspiration. Une bulle de sérénité pour se recueillir, se retrouver, souffler entre deux périples au bout du monde, et mettre de la distance avec les réunions, les rendez-vous, la ruche que représentent les différentes entités fondées par Hubert de Malherbe (Malherbe Edition, Malherbe Design…). Ici, l’homme dessine, lit, écrit et orchestre, dans une architecture intérieure faussement vide, ses idées, ses passions, et ses émotions. « Sitôt la porte fermée, je coupe mon portable, dit-il. Certes, c’est un endroit idéal pour se recentrer, mais c’est surtout un rendez-vous familial, un carrefour où l’on se retrouve. La chambre d’amis fait partie d’une tradition inculquée par ma grand-mère, qui disait qu’il fallait toujours mettre un couvert de plus et avoir une chambre disponible pour l’hôte de passage. »
Chaises musicales
Si la décoration évolue régulièrement, la structure de l’habitation change rarement. Ni grande transformation, ni gros œuvre, ni destruction de cloison n’ont été réalisés. Seules quelques modifications dans les agencements, liées aux événements de la vie, comme le départ d’un enfant, libérant une chambre. C’est ainsi qu’une pièce du sous-sol est devenue un salon, et un salon de l’étage, une aire de réflexion. Le coin pour travailler a gagné une zone du salon. Malgré ce jeu des chaises musicales des espaces, les quatre niveaux s’orchestrent d’une manière cohérente : le rez-de-chaussée regroupe salon, salle à manger et cuisine ouverte ; le premier étage comprend les chambres des enfants ; le second, celle des parents ; et le sous-sol se divise en salon et studio d’amis. Dans cet intérieur baigné de lumière, parfois Hubert de Malherbe matérialise des créations personnelles, toujours un peu folles.
Mais surtout, il y amasse ses collections, ses verreries, ses photos et ses livres, un exercice très personnel qui s’articule autour de la nature et plus particulièrement autour de ses passions : les coraux, les abeilles et les coquillages, « des témoignages de quelque chose d’existant », qu’il pose dans le creux d’une niche, comme si le ressac les y avait abandonnés. « J’ai passé ma jeunesse à récupérer des tas de choses, » confie-t-il. Cette obsession est proche de la cause écologique, qu’il défend, mais sans alarmisme ni culpabilité. « Dans chacun de nos projets, nous essayons de donner une dimension environnementale », confirme-t-il. C’est ainsi que son agence a réalisé dernièrement la boutique Jules, à Bordeaux, à base de briques de vêtements récupérés et compressés.
Nature humaine et règne animal
Sur les murs du grand salon, de petits carreaux de couleur sont placés de manière symétrique, créant une vibration optique. Chacun évoque une lettre de l’alphabet (conformément à la synesthésie d’Hubert de Malherbe). Aussi le mur exprime-t-il des mots, voire des phrases de sa petite enfance. Ces grandes mosaïques disjointes sur fond blanc rivalisent plus loin avec des graffitis noir et blanc tracés par TKT, artiste qui travaille à l’agence. Sur d’autres murs, des appliques en acier martelé chinées contrastent avec des lampes aux lignes très épurées, réalisées à partir d’objets en acier récupéré. Faisant dialoguer cycles humains, animaux et végétaux, des œuvres de land art apparaissent comme le reflet d’une société en pleine mutation.
L’esprit d’une époque
Les matières font également valser les contrastes : plateau de table en ébène, console en marbre, étagères en feutre… Et, au mur, des photos, certaines signées, d’autres de famille. Dans le grand salon, une très ancienne statue de saint Pierre diffuse une atmosphère particulière. Spécialisée en design, packaging, architecture intérieure et scénographie, l’agence d’Hubert de Malherbe a récemment gagné le concours de la rénovation des boutiques de la tour Eiffel sur quatre niveaux et va aménager la prochaine adresse Bernardaud, à Séoul. Elle a également dessiné une soixantaine de meubles pour DeRucci à Hong Kong. Des créations riches et variées sur lesquelles souffle l’esprit d’une époque…