David Charles Collins et Kirian Lawson

Rencontres d’Arles 2025 : nos expos coups de cœur à voir absolument

Comme chaque été, l’art déborde à Arles. Les Rencontres de la photographie investissent églises, musées, friches, hôtels particuliers et lieux oubliés, transformant la ville en un musée vivant. L’édition 2025, consacrée aux « images indociles », célèbre les regards qui dérangent, résistent ou déplacent les récits dominants en interrogeant nos identités, nos mémoires et nos représentations.

La photographie n’est pas seule en scène, cet été à Arles : installations et art contemporain enrichissent en effet cette cartographie sensible. Entre figures majeures (Nan Goldin, David Armstrong…) et jeunes talents, le IN comme le OFF composent un parcours foisonnant, politique, poignant, parfois drôle, souvent percutant.


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1. Destination Brésil

Afonso Pimenta / Retratistas do Morro. Le fils de Zoi, communauté de Serra, Belo Horizonte, MG,1989.
Avec l’aimable autorisation de l’artiste.
Afonso Pimenta / Retratistas do Morro. Le fils de Zoi, communauté de Serra, Belo Horizonte, MG,1989.
Avec l’aimable autorisation de l’artiste. Afonso Pimenta

Dans les favelas de Belo Horizonte, João Mendes et Afonso Pimenta ont photographié leur communauté de l’intérieur, sans fard ni filtre. À partir d’un corpus de 250 000 images produites entre 1970 et 1990, l’artiste et commissaire Guilherme Cunha a réuni une sélection poignante, révélant une mémoire populaire longtemps restée invisible. « Retratistas do Morro », jusqu’au 5 octobre à La Croisière, est un témoignage unique d’un Brésil des marges, cette archive vivante éclaire avec justesse l’intime, le politique et les mutations sociales. À voir aussi sur le même lieu, « Chambre 207 » de Jean-Michel André où trente ans après l’assassinat de son père, survenu en 1983 dans un hôtel d’Avignon, le photographe mêle paysages réels et imaginaires, archives et objets personnels pour explorer les strates du deuil et la reconstruction, sans pathos.

> « Retratistas do Morro », jusqu’au 5 octobre à La Croisière, 65 boulevard Emile Combes, Arles


2. La Pop fiction de Kourtney Roy

Kourtney Roy. Cocktail, série La Touriste, 2019-2020. Avec l’aimable autorisation de l’artiste / Galerie Les filles du calvaire
Kourtney Roy. Cocktail, série La Touriste, 2019-2020. Avec l’aimable autorisation de l’artiste / Galerie Les filles du calvaire © KOURTNEY ROY

À l’instar de Martin Parr, Kourtney Roy revendique le kitsch comme un véritable langage visuel. Avec « La Touriste », la photographe canadienne déploie à Arles une série mordante et stylisée, entre cinéma pop, ironie acidulée et critique feutrée des stéréotypes. Présentée dans l’ancien collège Frédéric-Mistral, l’exposition rejoue les clichés touristiques à coups d’autoportraits travestis et de décors artificiels : une satire visuelle, drôle en surface, mais profondément inquiétante dans ce qu’elle dit de nos images de loisirs et de représentation.

> « La Touriste », de Kourtney Roy, jusqu’au 5 octobre 2025 dans l’ancien collège Frédéric-Mistral, 2 Esplanade de la Laïcité, Arles


3. Yves Saint Laurent en majesté

Peter Knapp. ELLE, septembre 1965. Robes de cocktail de la collection haute couture automne-hiver 1965 dite « hommage à Piet Mondrian ». Avec l’aimable autorisation d’Yves Saint Laurent / Jeanne Lanvin-Castillo / Peter Knapp
Peter Knapp. ELLE, septembre 1965. Robes de cocktail de la collection haute couture automne-hiver 1965 dite « hommage à Piet Mondrian ». Avec l’aimable autorisation d’Yves Saint Laurent / Jeanne Lanvin-Castillo / Peter Knapp Peter Knapp

C’est sans doute l’un des temps forts de cette édition : « Yves Saint Laurent et la photographie » explore la relation intime du couturier avec l’image, depuis ses portraits mythiques signés par les plus grands de la photographies – Richard Avedon, Helmut Newton, Sarah Moon, Irvin Penn, Franck Horvat, Dominique Issermann, Yves Klein… –  jusqu’aux campagnes publicitaires et aux clichés backstage. Plus de 80 tirages et 300 documents retracent la manière dont il a utilisé ce médium pour façonner son style, bâtir une mémoire et faire rayonner sa maison dans le monde entier.

> « Yves Saint Laurent et la photographie », jusqu’au 5 octobre à la Mécanique Générale, 33 avenue Victor Hugo, Arles


4. Lee Ufan x Michelangelo Pistoletto : un face-à-face historique

Michelangelo Pistoletto / conTatto 2017 / sérigraphie sur acier inoxydable poli miroir, verre et marbre 22 x 16 x 23 cm Courtesy – l’artiste et Galleria Continua Citation de Lee Ufan, extrait de « l’Art de la Rencontre ».
Michelangelo Pistoletto / conTatto 2017 / sérigraphie sur acier inoxydable poli miroir, verre et marbre 22 x 16 x 23 cm Courtesy – l’artiste et Galleria Continua Citation de Lee Ufan, extrait de « l’Art de la Rencontre ». David Giancatarina

C’est une première : Lee Ufan invite Michelangelo Pistoletto à dialoguer dans l’écrin minimaliste de son hôtel particulier arlésien, réhabilité par Tadao Ando (et qui vaut une visite à lui seul). Entre Arte Povera et Mono-ha, les deux géants explorent l’infini, l’épure et le regard du spectateur. Un accrochage rare, pensé par Erik Verhagen. A ne pas manquer également dans l’atelier situé juste en face, l’exposition de Caroline Corbasson, lauréate du prix Art & Environnement initié par Lee Ufan Arles et la Maison Guerlain, qui s’empare du vent dans ses dessins délicats.

> « A conversation piece, Michelangelo Pistoletto et Lee Ufan en dialogue », jusqu’au 5 octobre à l’Hôtel Vernon, 5, rue Vernon, Arles


5. Premiers souffles d’un lieu à venir

Nhu Xuan Hua, Gossip (c) Nhu Xuan Hua, courtesy galerie Anne-Laure Buffard
Nhu Xuan Hua, Gossip (c) Nhu Xuan Hua, courtesy galerie Anne-Laure Buffard Nhu Xuan Hua

Resté fermé plus de soixante ans, l’Hôtel de la Lauzière rouvre ses portes dans un état de délicate désuétude. Avant sa métamorphose en futur lieu culturel, il accueille « Let the Horses Ride », une exposition de Nhu Xuan Hua. Dans ce décor en suspens, entre papiers peints fanés, moulures et fresques écaillées, la photographe franco-vietnamienne rejoue des scènes de son enfance et des gestes du quotidien. Par le biais du photomontage, elle invente des images qui n’ont jamais existé, convoque des figures absentes, remet du sacré dans l’ordinaire. Coproduit par les Éditions Louis Vuitton et porté par la Galerie Anne-Laure Buffard, ce solo show donne vie à un portrait de famille recomposé, intime et spectral, en parfaite résonance avec l’âme dormante des lieux.

> « Let the Horses Ride », jusqu’au 5 octobre à l’Hôtel de la Lauzière, 42 rue de la République, Arles


6. Print, le spot arlésien le plus bouillant de l’été

Le Print, iImaginé par le chef Alexis Bijaoui et Donatien Cras de Belleval (Cracki Records), mixe pour une durée limitée expositions, cuisine inventive et DJ sets.
Le Print, iImaginé par le chef Alexis Bijaoui et Donatien Cras de Belleval (Cracki Records), mixe pour une durée limitée expositions, cuisine inventive et DJ sets.

Imaginé par le chef Alexis Bijaoui et Donatien Cras de Belleval (Cracki Records), Print mixe expositions, cuisine inventive et DJ sets dans un lieu vibrant du OFF arlésien activé pour seulement trois petite semaine. On y découvre « Chambres intérieurs » d’Emma&Marion et « Music to my Eyes » curatée par Cowboys, avant de s’attabler ou de déguster un cocktail signaure au bar caché. Dès la nuit tombée, la fête s’empare d’une piscine vidée, transformée en dancefloor à ciel ouvert.

> Print, lieu éphémère mixant notamment restauration et expositions ouvert jusqu’au 27 juillet au 2 avenue La Fayette, à Arle


7. Explorer ses racines selon Cultish Studio

Exposition ROOTS présentée par Cultish Studio aux Collatéraux à Arles Photo.
Exposition ROOTS présentée par Cultish Studio aux Collatéraux à Arles Photo. ©Joseph Chalhoub

Au Collatéraux, anciennes écuries d’un hôtel particulier, l’agence Cultish Studio (Publicis Luxe) orchestre pour la troisième année une exposition où se rencontrent artistes contemporains et créatifs de l’agence, réunis en binômes autour d’un thème commun. Imaginée par les commissaires Christine Milan et Julien Frydman, cette édition 2025 explore la mémoire, les origines et la transmission. Pensée comme une maison symbolique, « Roots » fait dialoguer les œuvres de Zineb Sedira, Nicolás Lamas, Diana Scherer, Sarah Braeck, Mackenzy Bergile. Point d’orgue du parcours, la piscine intérieure accueille les photographies de Brett Lloyd, mises en résonance avec un texte poétique de Chiara Maurino, pour une plongée sensorielle au cœur des souvenirs.

Attention, expo très éphémère, jusqu’au 16 juillet ! On a déjà hâte de découvrir la prochaine édition, qui on l’espère sera plus longue…

> « Roots », jusqu’au 16 juillet 2025 aux Collatéraux, 20 Place Joseph Patrat, Arles


8. Six mètres sous terre

Batia Suter. Extrait de Octahedral, vidéo, 2024, projet Out of Metropolis, NŌUA, Bodø. Avec l’aimable autorisation de l’artiste.
Batia Suter. Extrait de Octahedral, vidéo, 2024, projet Out of Metropolis, NŌUA, Bodø. Avec l’aimable autorisation de l’artiste. Batia Suter

Dans les galeries antiques des Cryptoportiques, l’artiste suisse Batia Suter signe une installation monumentale et déroutante. Composée exclusivement d’images glanées dans des livres anciens, « Octahydra » brouille les repères et fait vaciller notre perception. Sous la voûte de pierre, cette fresque visuelle prend la forme d’un grand collage immersif, conçu avec l’architecte Sami Rintala, où s’enchevêtrent colonnes, structures, fragments d’architectures oubliées. Une respiration souterraine et rêveuse, bienvenue pour échapper à la chaleur arlésienne.

> »Octahydra », jusqu’au 5 octobre aux Cryptoportiques, à l’Hôtel de ville, Place De la République, Arles


9. Sur la route

Anna Fox et Karen Knorr. Monument, Balsam Valley, Maine, 2023. Avec l’aimable autorisation des artistes / Centre for British Photography / Galerie Les filles du calvaire
Anna Fox et Karen Knorr. Monument, Balsam Valley, Maine, 2023. Avec l’aimable autorisation des artistes / Centre for British Photography / Galerie Les filles du calvaire Anna Fox et Karen Knorr

Dans les pas de Berenice Abbott, pionnière oubliée de la photographie documentaire, Anna Fox et Karen Knorr rejouent un road trip historique sur la mythique Route 1, de la Floride au Maine. À soixante ans d’intervalle, les regards se croisent et s’actualisent, entre archives noir et blanc et images colorées du désenchantement américain. Pharmacies, diners, motels, églises et contradictions politiques jalonnent ce trajet au long cours, miroir d’une Amérique fracturée.

> « On the Road », jusqu’au 5 octobre au Palais de l’Archevêché, 35 Place de la République


10. Les voix vivantes de l’Australie

Tony Albert (Kuku Yalanji), David Charles Collins et Kirian Lawson. Super-héros de Warakurna #1, série Super-héros de Warakurna, 2017. Avec l’aimable autorisation des artistes Sullivan+Strumpf
Tony Albert (Kuku Yalanji), David Charles Collins et Kirian Lawson. Super-héros de Warakurna #1, série Super-héros de Warakurna, 2017. Avec l’aimable autorisation des artistes Sullivan+Strumpf David Charles Collins et Kirian Lawson

À l’église Sainte-Anne, « On Country : Photographie d’Australie » réunit une génération d’artistes autochtones ou non qui explorent leur attachement profond à la terre, aux langues et aux récits de l’île-continent. Loin d’un regard ethnographique, leurs photographies interrogent le legs du colonialisme et célèbrent la puissance des cultures premières, toujours vivantes. Une traversée de l’Australie contemporaine, portée par une pluralité de regards engagés parmi lesquels Liss Fenwick Tony Albert, The Huxleys ou Kieran Lawson. Très réussi.

> « On Country : Photographie d’Australie », jusqu’au 5 octobre à l’église Saint-Anne, 8 places de la république, Arles


11. Louis Stettner (re)mis en lumière

Louis Stettner. Nancy jouant avec un verre, New York, 1958. Avec l’aimable autorisation des Archives Stettner, Saint-Ouen.
Louis Stettner. Nancy jouant avec un verre, New York, 1958. Avec l’aimable autorisation des Archives Stettner, Saint-Ouen. Louis Stettner

Des trottoirs de New York aux pavés parisiens, Louis Stettner, photographe un peu oublié, a capté le siècle à hauteur d’homme. Près de dix ans après sa mort, cette rétrospective lui rend justice à travers 150 tirages rares, dont de nombreux inédits. Poète du quotidien et militant infatigable, ce passeur entre la street photography américaine et l’humanisme français a photographié les villes, les luttes et les instants suspendus avec la même urgence : celle de croire, encore, à la beauté du monde.

> « Le monde de Louis Stettner », jusqu’au 5 octobre à L’espace Van Gogh, Place Félix Rey, Arles


12. Halte photo au Monoprix

Denis Serrano. Série Paysages de la tentative, 2021-2024. Avec l’aimable autorisation de l’artiste
Denis Serrano. Série Paysages de la tentative, 2021-2024. Avec l’aimable autorisation de l’artiste Denis Serrano

Avant de prendre le train, poussez la porte du Monoprix d’Arles, où après avoir traversé les rayons, le festival dévoile un décor brut et inattendu. On y découvre « Père » de Diana Markosian, récit bouleversant d’une réconciliation tardive avec un père disparu quinze ans plus tôt, entre photographies documentaires, archives et souvenirs recomposés. Ne repartez pas sans faire un tour par « L’Assemblée de ceux qui doutent », exposition collective des finalistes du Prix Découverte Fondation Louis Roederer (commissariat : César González-Aguirre), avec notamment Patria Nostra de Julie Joubert, qui interroge la masculinité à travers la Légion étrangère, ou les images rétroéclairées de Musuk Nolte, nées d’une traversée sous ayahuasca en Amazonie péruvienne.

> « Père » de Diana Markosian, jusqu’au 5 octobre au Monoprix d’Arles, Boulevard Emile Combe, place Lamartine, Arles

> Toutes les informations et la programmation des Rencontres de l’a photographie d’Arles ici


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