Rala Choi, jeune photographe à suivre absolument

Récompensé du Grand Prix du Jury Photographie à l’occasion de la 37ème édition du Festival de Hyères, le photographe coréen Rala Choi dévoile les petits secrets de ses clichés à l’occasion d’une exposition parisienne dédiée au bleu.

Jusqu’au 25 février, les murs de la Sheriff Gallery (Paris, 3e) sont ornés des images de Rala Choi. Résultats du procédé argentique, elles laissent la sensation de toucher du velours par le regard. Explorées sous diverses nuances et contrastes, les couleurs confèrent à ses photographies un rendu proche de celui de la peinture à l’huile. L’exposition, empreinte d’une certaine mélancolie, permet de découvrir différentes séries qui retracent l’évolution d’un photographe prometteur. Entretien.



IDEAT : Comment en êtes-vous venu à la photographie ? Quel est votre parcours artistique ?

Rala Choi : J’ai commencé à expérimenter la photographie après m’être engagé dans l’armée au début de la vingtaine. J’étais alors garde-côte et je prenais des photos pour rapporter des accidents ou des faits divers. J’ai ensuite passé quelques années à réaliser des travaux commerciaux et des commandes, mais cela ne m’a jamais transcendé. Grâce au soutien de musiciens et d’amis, j’ai pu me plonger dans des œuvres plus personnelles, plus intimes. Mon parcours artistique puise sa source dans la nature. Comme j’ai grandi à la campagne, entouré de montagnes et de la mer, j’ai été exposé aux magnifiques couleurs de ces paysages dès l’enfance.

IDEAT : Votre travail, à la croisée de la peinture et de la photographie, évoque d’une certaine façon le pictorialisme… Quelles sont vos sources d’inspiration ? De quoi votre pratique se nourrit-elle ?

Rala Choi : Dans mes photographiques, j’aime utiliser la lumière naturelle. Additionnée au grain de la pellicule, elle permet à mes photographies de ressembler à des peintures. Je m’inspire beaucoup des peintures dont je ressens la beauté dans des formes très minimales qu’il s’agisse des poses, des costumes, des personnages ou encore des couleurs. Des artistes coréens notables comme Whanki Kim et Kyung-ja Chun, ou des icônes françaises comme Eugène Delacroix, Gustave Moreau et Marcel Duchamp m’influencent énormément. La musique classique avec Bach et Mahler nourrit quant à elle l’aspect mélancolique de mon travail.

IDEAT : Quelle est votre relation à l’image ?

Rala Choi : La photographie fonctionne comme le miroir de mon « moi». Je prends des photos avec ce qu’il se passe à l’intérieur et j’exprime justement cela à travers les couleurs et les personnages qui peuplent mes images. Depuis toujours, je porte un intérêt aux sentiments humains et plus spécifiquement à l’expression des relations entre les gens. Je fais en sorte que mes photographies soient le reflet d’émotions contradictoires telles que la solitude et la chaleur…

Ces deux clichés, issus de la série « Lovers » (2021-2022), dépeignent avec délicatesse et intensité des étreintes amoureuses.
Ces deux clichés, issus de la série « Lovers » (2021-2022), dépeignent avec délicatesse et intensité des étreintes amoureuses. © Rala Choi

IDEAT : Pour votre exposition « Blue », la sélection d’images montrées a été faite autour de la couleur bleue. Pourquoi cette couleur en particulier ?

Rala Choi : Lorsque j’ai commencé la photographie, je me suis focalisé sur de nombreuses couleurs différentes et je continue à le faire.  C’est à travers ma pratique photographique que j’ai découvert que le bleu était ma couleur préférée.  Cette exposition a donc une signification particulière pour moi.



IDEAT : Très peu de vos photos dévoilent le visage de vos modèles. Pourriez-vous expliquer ce qui se cache derrière cette intention ?

Rala Choi : Quand j’avais 20 ans, je voulais vraiment parler de certaines choses de mon existence comme la précarité à laquelle j’étais confronté, mais je n’y arrivais pas. Je me disais qu’il devait y avoir d’autres personnes dans la même situation, j’ai alors cherché à rassembler des gens via mon compte Instagram. C’est comme ça que j’ai commencé à travailler sur la série « People’s back » qui représente des personnes qui incarnent cette impossibilité de parler en se présentant de dos. « Her », qui est d’une certaine façon le prolongement de la série « People’s back », place le corps à un autre niveau. Le nu dévoile ici tout, tandis qu’un dos tourné ne montre rien.

La série « Woman and Man » joue sur la représentation des relations entre hommes et femmes en proposant des décors et des poses qui évoquent tout autant les grands thèmes de la peinture que ses aspects formels.
La série « Woman and Man » joue sur la représentation des relations entre hommes et femmes en proposant des décors et des poses qui évoquent tout autant les grands thèmes de la peinture que ses aspects formels. © Rala Choi

IDEAT : Vous avez récemment reçu le Grand Prix du Jury Photographie du 37ème Festival International de Mode, de Photographie et d’Accessoires de Hyères. Quels sont vos projets à venir ?

Rala Choi : Grâce à ce prix à Hyères, de nombreux Français ont découvert mon travail. J’espère pouvoir m’engager davantage dans le secteur de l’art et de la publicité en France. J’ai commencé à exposer et à vendre mes œuvres à la galerie Alzueta, l’une des grandes galeries d’art contemporain d’Espagne. Mes œuvres vont également être exposées à Londres en mai et j’attends de bonnes nouvelles au printemps pour mes débuts à New York et en Italie !

> Exposition « Blue » de Rala Choi à voir à la Sheriff Gallery à Paris jusqu’au 25 février 2023