1/ Naoto Fukasawa, l’éloge de l’ombre
En bon Japonais, le discret Naoto Fukasawa a toujours préféré œuvrer dans l’ombre… Et pourtant, c’est sans doute aujourd’hui l’un des designers japonais les plus populaires auprès des éditeurs du monde entier. À l’instar de ses alter ego européens – les Bouroullec ou Jasper Morrison –, il dessine des objets minimalistes mais très humains et parfaitement fonctionnels. Né en 1956, il a d’abord étudié l’art et le design à l’université Tama Art, à Tokyo. À partir de 2001, il devient consultant pour la marque japonaise Muji, pour laquelle il conçoit toutes sortes d’objets d’électroménager ou électroniques (montres, horloges…) ainsi que du mobilier. Son lecteur CD mural, dessiné au début des années 2000 et qui s’actionne en tirant sur un fil, comme on allumerait une lampe, est un parfait exemple de sa capacité à fusionner l’usage et l’esthétique… la définition même du design. Son inventivité en matière d’ergonomie lui attire les faveurs des grands noms du mobilier et il collabore ensuite avec B&B Italia (pour le célèbre fauteuil Papilio), Artemide ou Magis. Il poursuit en parallèle ses explorations avec Muji, pour qui il a récemment imaginé un bus… sans conducteur. M.G.
2/ Baku Sakashi, le sculpteur de lumières
C’est sur le ténu, l’imperceptible, le trois fois rien que Baku Sakashita travaille. Dans son minuscule studio d’Hachimanyama (Studio Baku), quartier ouest de Tokyo, le jeune designer japonais façonne des abat-jour de papier aux allures de mobiles et aux couleurs de l’air ambiant (un blanc quasi translucide) ou des lampes de métal arquées inspirées des mouvements de la Lune et semblant léviter. La lumière et les astres traversent l’œuvre encore balbutiante de ce garçon rêveur, ancien médecin, qui, de sa vie d’avant, a conservé « l’importance de travailler de ses propres mains » et se considère, de fait, « autant artisan que designer ». Rien ne le passionne plus, d’ailleurs, que d’explorer les mille savoir-faire de son pays – ceux des laqueurs, des céramistes, des verriers – pendant que sa femme, elle, se perfectionne en tissage et en teinture de kimonos. Persuadé que la création de beaux objets et la nature ont tout à voir entre eux, le couple songe à s’installer, prochainement, dans les environs de Kyoto, là où les forêts sont légion et l’artisanat florissant… T.J.
3/ Shizuka Tatsuno, la délicatesse
Elle s’est fait remarquer dès l’obtention de son diplôme, avec mention du jury, dans le département « produit et mobilier » de la Kingston University, à Londres. Par la suite, Shizuka Tatsuno a très vite fondé un studio, qui porte son nom pour dessiner du mobilier, et notamment d’étonnants tabourets en acier inoxydable, Cloudy / Mist / Rain / Blue Moment, prenant chacun ces quatre nuances de couleur jusqu’à sembler translucides. Elle collabore très régulièrement avec des industriels japonais, un moyen de mener à bien ses exigences de « qualité raffinée, transmettant une histoire », tout en restant proche des impératifs environnementaux. Qu’elle conçoive des accessoires pour la maison ou pour la mode, qu’elle pratique la direction artistique ou le graphisme, elle diffuse toujours une poésie légère, évocatrice d’un Japon ancien,évocatrice d’un Japon ancien, digne d’un film d’Ozu, alors que sa production est contemporaine. Pour preuve, toute la vaisselle, surfine, qu’elle dessine pour Korai, un éditeur voué à l’artisanat. G.-C.A.
4/ Jin Kuramoto, l’art japonais de la forme
Ce quadra, diplômé du Kanazawa College of Art, a fondé son studio en 2008 à Tokyo, où il crée du mobilier et des objets du quotidien originaux, comme une chaudière portative à gaz qui permet, entre autres, de laver sa voiture, un chien ou un surf avec de l’eau tempérée… Parfois, Jin Kuramoto sort du cadre du design avec des objets non fonctionnels. Il mise tout sur la recherche formelle, un trait qui parcourt l’ensemble de ses créations. Car ce designer est un virtuose de la courbe, de la rondeur… Le fauteuil Maki en est le meilleur exemple : éditée au début de l’année par le suédois Offecct, cette assise se veut multifonction, en phase avec les besoins de la vie contemporaine. Quant à l’Indigo-Dyed Bambou Chair, dessinée pour A New Layer – une plateforme qui jette des ponts entre Taïwan et des designers et artisans internationaux –, les lignes de son dossier sont volontairement exagérées, comme une déclaration d’amour à la courbe. M.G.
5/ Jun Yasumoto, la synthèse
Jun Yasumoto est un homme de synthèse. Synthèse entre le Japon, où il a grandi dans les années 80, et la France, où il a étudié et vit désormais. Synthèse aussi entre le développement de concepts, chers à l’ENSCI, l’école qu’il a fréquentée, et son expérience comme assistant de longue date du maître anglais Jasper Morrison, connu pour son attachement à la puissance de la forme et au rôle des détails (et qui a vécu au Japon…). Dans son travail, Jun Yasumoto, né en 1979, recherche l’ergonomie et la familiarité, deux vertus qui convainquent des éditeurs européens de faire appel à lui. Fidèle à Colos, il exposera en juin prochain, à Milan, sa troisième chaise pour l’éditeur italien, avec qui il a débuté une collaboration il y a quatre ans par une première assise, Piazza. Le Japon, l’Europe… et désormais les États- Unis par le biais d’une nouvelle coopération avec Memo, jeune maison basée à Seattle, avec laquelle le designer développe deux projets encore top secret qu’il dévoilera à la fin de l’année. M.G.
6/ Mist-O, un pont entre Orient et Occident
Il n’y a pas plus japonais chez Mist-o que cette façon de ne jamais survendre son travail. Noa Ikeuchi et Tommaso Nani laissent la variété de leurs créations parler pour eux : mobilier pour Living Divani, Paola Zani ou Arflex, verrerie pour Ichendorf, bouteille pour les parfums Shiro, luminaire pour Oluce, tapis pour Living Divani encore… Le duo italo-nippon, formé il y a huit ans après une rencontre à l’Institut européen du design, à Milan, phosphore entre la capitale lombarde et Yokohama. D’où davantage de clients, de projets et de fans. On serait bien en peine de déceler ce qui, dans cette création à quatre mains, suggère les origines de l’un ou de l’autre. Tous deux sont vaccinés contre les fioritures et les effets faciles. « Nous avons en commun la recherche d’une certaine qualité et le refus de la superficialité. Nos objets sont simples mais pas froids. Il faut qu’ils soient utiles et honnêtes, pas seulement beaux à admirer », nous dit Tommaso Nani. En dépit de leur sophistication, leurs créations pour le verrier Ichendorf sont gracieuses et prennent naturellement place dans la vie quotidienne. Un peu comme la vue d’une Japonaise portant un splendide kimono qui, dans Tokyo, attend que le feu passe au vert. G.-C.A.