Portrait : George Sowden, la douceur du Postmodernisme

Si le créateur britannique a été l’un des membres fondateurs de Memphis, il serait dommage de résumer sa carrière à cette seule séquence de l’histoire du design.

Memphis a plus marqué les esprits pour ses teintes vives et sa créativité débridée, que par sa quête du confort et de la fonctionnalité. Pourtant, l’un de ses membres fondateurs, George Sowden, a su insuffler à cet univers, construit à l’opposé du “Less is more” de l’après-guerre, plein de joie et de couleurs à des objets usuels, du quotidien, allant de la poêle au grille-pain en passant par la bouilloire.


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George Sowden dans le sillage de Sottsass

Tout débute en 1970, quand George Sowden quitte son Angleterre natale pour Milan. Né en 1942 à Leeds, cet ancien étudiant du Gloucestershire College of Art s’en va rejoindre un certain Ettore Sottsass.  Dans une interview accordée à Internimagazine, le Britannique racontait avoir ”lu dans un numéro de Domus un article rédigé par Ettore Sottsass sur la série “Memorie di panna montata””. Attrapé par les textes et les photos de l’Italien, George Sowden lui écrit.

George Sowden, Cabinet “d’Antibes”, Memphis 1981.
George Sowden, Cabinet “d’Antibes”, Memphis 1981.

L’intéressé lui répond en l’invitant à travailler dans son atelier. Il ne fait pas que lui ouvrir la porte de son studio, mais également celle d’Olivetti. Grand nom de la tech italienne, véritable Apple de son époque, l’entreprise s’offre les services de pointures comme Mario Bellini, Enzo Mari ou encore Michele de Lucchi. L’enfant du nord du Royaume-Uni va alors apprendre le design industriel et œuvrer à la création de plusieurs appareils, dont les tous premiers ordinateurs domestiques comme le System L1 (1978-79) mais aussi des machines à calculs entre 1972 et 1979. Une collaboration qui perdure dans le temps et lui offre en 1991 un ADI Design Museum Compasso d’Oro pour le fax Olivetti OFX 420.

De Memphis aux objets du quotidien

Lorsque je suis arrivé en Italie et que j’ai commencé à travailler avec Sottsass en 1970, j’ai connu une sorte de liberté par rapport à l’idéologie moderniste, puis Memphis l’a complètement détruite”, se souvient George Sowden, interrogé par Internimagazine. Une nuit de décembre 1980, la grand-messe Memphis a donc lieu. Sottsass réunit tous les futurs membres du groupe, dont le Britannique fait partie. Le mot d’ordre est le suivant : se débarrasser des préceptes du modernisme et du fonctionnalisme pour donner naissance à un nouveau style international furieusement pop.

Fauteuil Sowden Maxi Club, George Sowden pour SCP. © Halima Mason
Fauteuil Sowden Maxi Club, George Sowden pour SCP. © Halima Mason

Si les conceptions issues de ce mouvement sont reconnaissables à leurs couleurs vives et leurs formes singulières, George Sowden se défend d’appartenir à une école esthétique et affirme que “le style Memphis n’existe pas. Memphis est une attitude.” Il y fait la connaissance de sa future épouse Nathalie Du Pasquier. “Quand elle a débuté l’aventure Memphis, raconte Joris Thomas, responsable du service valorisation du design au Musée d’art moderne et contemporain de Saint-Etienne Métropole, elle a commencé par dessiner des motifs qui ont été ensuite imprimés, notamment sur du tissu et du laminé stratifié collé sur les meubles Memphis, dont ceux de George Sowden. C’est leur œuvre à quatre mains.” Parmi ces réalisations à deux, l’imposant fauteuil Mamounia (1985) en bois peint et velours imprimés, ou encore le lit “Chelsea” (1981) habillé de couleurs vives et fluos, et également vêtu de tissus signés Du Pasquier.

George Sowden pendant la Milan Design Week 2024 sous sa suspension CL3. © Halima Mason
George Sowden pendant la Milan Design Week 2024 sous sa suspension CL3. © Halima Mason

Mais c’est une aventure qui n’a pas tant duré [dix ans, Ndlr]. Et chacun a rapidement repris un chemin personnel avec des projets qu’ils avaient déjà entrepris auparavant, poursuit Joris Thomas.. George Sowden, qui a dessiné du mobilier qu’on appellerait aujourd’hui du collectible design”, est par la suite revenu au design industriel. Mais cette poésie pop, défaite des règles du rationalisme semble avoir infusé dans sa pratique. La preuve avec les formes organiques des téléphones, calculettes et réveil qu’il signe pour Alessi, (1997-98) qui affichent des couleurs vives. George Sowden offre également ses services à des grands noms de l’électroménager dans les années 2000, comme Moulinex ou Tefal en France, mais aussi Guzzini en Italie.

Et le Postmodernisme s’installe dans nos cuisines

En 2010, il se lance dans un projet personnel, sa propre marque, Sowden, autour du thé et du café. L’un de ses produits phares, est la cafetière en porcelaine SoftBrew, qui ne nécessite pas de filtre et repose sur l’infusion des grains de café moulus. Une création qui tape dans l’œil de la marque Hay, géant du design danois qui édite la fameuse pièce… mais aussi un grille-pain et une bouilloire.

Grille-pain, George Sowden pour Hay.
Grille-pain, George Sowden pour Hay.

Il y a un engouement depuis quelques années autour du postmodernisme et cette collaboration avec Hay le manifeste, reprend le responsable du service valorisation du design au Musée d’art moderne et contemporain de Saint-Etienne Métropole. Ici, il travaille des couleurs qui lui sont propres, chatoyantes, comme il l’avait fait pour Memphis, mais pour des pièces à l’esthétique plus épurée et adaptées à notre époque.” Une approche que l’on retrouve dans ses collections de luminaires PL1 et PL2, (2020) coiffés d’un abat-jour en silicone et équipés d’une batterie rechargeable, mais aussi à travers les deux fauteuils Sowden Maxi Club et Sowden Wing Chair édités par SCP, présentés lors de la dernière édition du London Design Festival, qui a eu lieu du 14 au 22 septembre 2024. “Il reprend plus ou moins une forme classique d’assises, toujours avec une palette colorée, mais assagie, moins criarde, où les teintes s’entrechoquent moins qu’à l’époque Memphis.” Le postmoderne n’aura jamais été si doux.


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